Thierry Mbulamoko Mbombo, 47 ans, jusque-là coordonateur de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) de la RDC, a été évincé lundi 23 octobre 2023 de son poste. Il lui est reproché d’avoir engagé, « sans titre ni qualité », le pays avec le cabinet sud-africain, Centurion, qui réclame 36 millions de dollars américains à l’Etat congolais dans l’affaire Glencore.
En décembre 2022, le géant anglo-suisse, Glencore, annonçait un accord avec le gouvernement congolais l’autorisant à verser 180 millions de dollars américains en compensation de l’abandon des poursuites pour des accusations de corruption qui pesaient contre l’entreprise. Selon une lettre signée par Rose Mutombo, ministre de la justice, cet accord a été négocié avec « le concours de son ministère, d’experts de la CENAREF et de deux cabinets d’avocats non mentionnés ».
Le premier à se pencher sur ce dossier sera la coalition le Congo n’est pas à vendre (CNPAV), qui via une communication faite quelques jours plus tard, va fustiger « l’opacité » qui entourait depuis plus d’un an le dossier de 180 millions de dollars américains que Glencore a versé à l’État congolais, y compris « l’interférence suspecte » de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption.
« La coalition de lutte contre la corruption demande au gouvernement de publier une note complète détaillant tous les contours de la négociation de cette prime et de sa destination ultime (…) La lettre de la ministre de justice indique en effet que plusieurs parties s’attendent à être rémunérées. Cette liste inclut plusieurs fonctionnaires publics, dont le métier est d’enquêter sur les crimes financiers et de promouvoir la justice au pays. Il convient de clarifier sur quelle base légale ceux-ci auraient le droit de collecter une partie du montant récupéré pour le compte de la République, et à quel montant ces sommes s’élèveraient », alertait cette organisation de la société civile.
Les 20% de Centurion Law Group
Une procédure judiciaire contre l’État congolais avait été enclenchée fin août 2023 par Centurion Law Group à la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris.
Dirigé par l’écrivain et avocat camerounais, NJ Ayuk, Centurion Law Group accusait Kinshasa de ne pas avoir honoré ses engagements auprès de ses avocats après avoir engrangé 180 millions de dollars américains dans l’affaire judiciaire qui l’opposait à l’entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et extraction des matières premières, Glencore.
Missionné pour défendre le dossier de la RDC et obtenir des dédommagements dans l’affaire en justice contre Glencore pour corruption de fonctionnaires, ce cabinet sud-africain reproche à l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption et à son directeur, Thierry Mbulamoko Mbombo, de « ne pas avoir honoré leur part du contrat ».
« Centurion a aidé à mettre en valeur les faits reprochés au géant des mines, parvenant à obtenir 180 millions de dollars, le 02 décembre 2022, pour l’APLC. La totalité de la somme a été payée à cette dernière, mais Centurion réclame depuis sa part, 36 millions de dollars, en vain », révélait un article d’Afrique intelligence.
De ce fait, l’État congolais et Centurion Law Group avaient fixé la date butoir au 11 septembre 2023 pour désigner les trois arbitres chargés de trancher leur différend. Alors que pour assurer sa défense, le cabinet sud-africain a fait le choix d’Omnia Strategy, l’État congolais est, quant à lui, conseillé par Rachida Dati, ancienne ministre française de la justice et maire du septième arrondissement de Paris, ainsi que par les cabinets Oplus d’Olivier Pardo, Adombe et Amani.
L’interférence « douteuse » de l’APLC
Au mois de septembre dernier, le Congo n’est pas à vendre est revenu cette fois-ci à la charge de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption, en dénonçant le fait qu’une société strictement privée réclame 36 millions sur les 180 millions de dollars américains versés par Glencore, et ce en raison des manœuvres de ce service de la présidence congolaise.
Selon une lettre datant du 21 juillet 2022, l’APLC aurait donné mandat au Centurion Law Group pour recueillir des informations concernant le scandale de corruption impliquant Glencore Energy UK limited et ses sociétés affiliées, ainsi que des fonctionnaires congolais selon « l’aveu de culpabilité aux Etats-Unis d’Amérique et dans d’autres pays ».
« En contrepartie, l’APLC se serait engagée à payer les honoraires de réussite sur toutes les sommes obtenues et/ou récupérées, pouvant aller jusqu’à 20 % si le montant récupéré était supérieur à 100 millions de dollars. Suite à cet accord, le Centurion Law Group a demandé par une lettre du 12 décembre 2022 dont copie avait été réservée au Directeur de Cabinet du président de la République, qu’on lui paie sa rémunération de 36 millions de dollars », renchérissait ce document consulté par MINES.CD.
D’après CNAPA, cet accord signé « secrètement » depuis l’année 2022 n’a été révélé au grand public que suite à la parution de l’article de Africa Intelligence.
« La tâche de négocier un contrat revient exclusivement au gouvernement congolais et non à l’Agence de Prévention et de lutte contre la corruption (APLC), partant de sa mission. L’APLC devra fournir une procuration émanant du gouvernement démontrant que ce dernier l’invite à agir en son nom », dénonçait la coalition Congo N’est pas à vendre.
Et à CNPAV de conclure qu’au cas contraire, ce contrat devrait être considéré comme nul et ne devrait en aucun cas engager la population congolaise qui fait déjà face à plusieurs défis, car il s’agirait alors « d’une usurpation de qualité qui interroge sur les motivations de l’APLC et rappelle des sombres mémoires l’affaire Access Bank qui avait déjà éclaboussée cette agence.»