Dans son rapport sur la gestion de la société minière de l’État la Gécamines, la Coalition pour la Gouvernance des Entreprises Publiques (COGEP) indexe l’ancien Premier Ministre Adolphe Muzito et Martin Kabwelulu – à l’époque son ministre des mines – d’être à la base de l’octroi des actifs miniers de la Gécamines à Metalkol, une société pas encore « régulièrement constituée » lorsqu’elle acquiert ces actifs. Bien plus, la COGEP fait remarquer que ces titres que le gouvernement Muzito a octroyé à Metalkol faisaient objet de contestation devant la justice et l’instruction était en cours.
« METALKOL n’est pas une société régulièrement constituée lorsqu’elle acquiert les actifs miniers. Le gou¬vernement s’engage donc à signer le contrat de création de la société en 2010 avec une société non enregis¬trée en violation de la réglementation de la RDC. Le contrat était signé alors que l’affaire était encore pendante devant la justice entre First Quantum Minerals alors actionnaire majoritaire de KMT et la GÉCAMINES selon la lettre du Ministre de Portefeuille.17 En d’au¬tres termes, les titres ont été cédés À METALKOL alors même qu’ils faisaient l’objet de contestation devant les in¬stances judiciaires puisque la décision judiciaire devant confirmer la reprise définitive des titres à la Gécamines était en attente », lit-on.
La COGEP insiste qu’Adolphe Muzito et son Ministre des mines ont engagé l’État dans une « cession complètement irrégulière ». Pour preuve, cette association de la société civile révèle les différentes correspondances d’Émile Bongeli et Jeannine Mubunda, respectivement vice-premier ministre en charge de la reconstruction et ministre du portefeuille au moment des faits, qui ont fustigé la procédure du tandem Muzito-Kabwelulu.
« Tout démontre que le Premier Minis¬tre et le Ministre des Mines de l’époque s’étaient engagés dans une cession complètement irrégulière. En 2010 deux responsables gouvernementaux saisis pour l’entérinement dudit con¬trat d’association avaient fustigé des irrégularités de la cession des actifs miniers à la société METALKOL. Il s’agit de Madame la Ministre du portefeuille et du Vice-Premier Ministre en charge de la Reconstruction », ajoute la COGEP.
Les irrégularités en question
Dans une correspondance adressée au Premier Ministre Adolphe Muzito, Mme Jeanine Mabunda, alors Minis¬tre du Portefeuille sollicitait l’impli¬cation du chef du gouvernement pour contrer la décision de son collègue des Mines d’alors, Martin Kabwelulu qui « tenait » à la signature dudit con¬trat d’association devant conduire à la constitution de METALKOL.
« Elle attirait l’attention du Gouver¬nement non seulement sur le fait que le dossier RDC contre FQM dont les titres illégalement déchus était en¬core pendant devant la justice mais aussi et surtout sur la nécessité d’un appel d’offres avant la création de METALKOL au cas où ce différend avec FQM connaitrait un dénoue¬ment en faveur de la RDC », relate la COGEP.
Dans cette correspondance, la Ministre du Portefeuille évoquait quatre irrégu¬larités majeures reprises intégrale¬ment ci-après :
- Les projets de contrat, déjà revê¬tus des signatures des principaux intervenants(PCA et ADG de la Gé¬camines et de Simco ainsi que des représentants de HighWind Proper¬ties Ltd) ainsi que de mon collègue des Mines qui gère par ailleurs le délicat dossier de la révisitation des contrats miniers pour le compte du gouvernement m’ont été trans¬mis sans aucune de ses six annex¬es listées. En l’absence de celles-ci, s’agissant d’un dossier non débattu au Conseil des Ministres ou à tout le moins à la Commission Economique du Gouvernement (ECOREC)19 j’avoue avoir du mal à justifier l’im¬plication de l’Etat congolais aux côtés de la Gecamines dans cette transaction ;
- Ledit contrat d’association vise à permettre l’exploitation des rejets de Kingamyambo, de la vallée de la Musonoie et de Kasabantu par une société non encore constituée lé¬galement, dénommée Metalkol. Ceci rappelle une des causes majeures de résiliation du contrat d’associa¬tion KMT ;
- La procédure de sélection utilisée, à savoir, le gré-à-gré semble être en contradiction avec les dispositions du code minier qui recommande en pareil cas un appel d’offres ;
- Selon les éléments en ma posses¬sion, la procédure judiciaire portant sur la dissolution de la société KMT ne serait terminée.
Abordant dans la même optique que Madame Mabunda, Mr.Emile Bonge¬li alors Vice-Premier Ministre chargé de la Reconstruction fustigeait également ce contrat de gré à gré en rappelant au Ministre des Mines et la Gécamines au respect des articles 34 et 74 de l’ordonnance n° 08/073 qui subordonnait toute négociation sus-ceptible d’engager l’État à la présen¬tation d’un dossier technique au conseil des ministres avec copie au Président de la République.
En somme, les deux membres du gou¬vernement évoquaient la « violation » du cadre légal et réglementaire en matière de cession des actifs miniers. En effet, la loi n° 08/008 du 07 Juillet 2008 portant dispositions générales relatives au désengagement de l’Etat des Entreprises du portefeuille orga¬nise la vente, la cession, la location et la gestion partielle ou totale des actifs ou des parts sociales des entreprises d’État.
Selon cette loi, toute « cession d’ac¬tifs, d’actions ou de parts sociales ou le transfert de gestion d’une entreprise du portefeuille de l’Etat se fait, selon le cas, suivant l’une des techniques ci-après : (1) l’appel d’offres général ou restreint ; (2) le recours au marché de gré à gré à titre exceptionnel, conformément à l’article 20 de la présente Loi ; (3) La cession aux salariés ou au pub¬lic ».
« Le Ministre des Mines et le Premier Ministre avaient littéralement bafouée la loi sur toute sa ligne. Le permis re¬pris de First Quantum n’a pas fait l’ob¬jet d’aucune publicité dans le journal officiel ni la presse locale. Les gestion¬naires de la Gécamines, les autorités de l’époque et le nouvel acquéreur ont négocié et conclu la cession en toute discrétion au détriment de la société Gécamines et de l’Etat. En agissant en dehors du cadre légal, tous les man¬dataires ont engagé leur responsabil¬ité personnelle », dénonce la COGEP.
Tel que révèle la lettre de la Ministre du Portefeuille, poursuit la COGEP, le contrat de l’ancien acquéreur a été résilié par le gouver¬nement au motif que la KMT n’a été constituée régulièrement. Le gouver¬nement s’était basé sur les conclu¬sions de la commission de révisita¬tion des contrats évoquant « le décret n°04/020 du 15 mars 2004 portant autorisation de la fondation de la KMT SARL précède la création de la société (authentification des statuts le 16 mars 2004).
Stéphie MUKINZI M
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