Kolwezi, capitale mondiale du cobalt et symbole de la transition énergétique, est aussi devenue l’épicentre d’une contestation grandissante. À l’occasion du Forum RDC-Afrique sur les métaux des batteries, qui s’est clôturé le 30 septembre 2025, dans la province du Lualaba, l’Initiative pour la Bonne Gouvernance et les Droits Humains (IBGDH) et Amnesty International ont choisi de hausser le ton. Leur message, lu par Maître Donat Kambola, se veut sans ambiguïté : la transition énergétique mondiale ne peut pas se construire « au prix des droits humains ».
Un paradoxe congolais
Car derrière les chiffres flamboyants de production – la RDC assure plus de 70 % de l’offre mondiale de cobalt – se cache une réalité autrement plus sombre. Dans les quartiers voisins des concessions minières, comme à Musonoie, les familles dénoncent les expulsions forcées, la destruction progressive de leurs habitations sous l’effet des détonations, la perte de terres arables et la pollution de l’air.
« Cela fait plus de trois ans que nous documentons ces violations », rappellent IBGDH et Amnesty, citant un rapport au titre évocateur : Alimenter le changement ou le statu quo ? Expulsions forcées dans les mines industrielles de cobalt et de cuivre en RDC. Si le document a marqué les esprits, ses recommandations, elles, peinent toujours à être appliquées.
Des victimes sans recours
Les deux organisations pointent l’absence de mesures concrètes de la part des autorités congolaises. Aucun moratoire sur les expulsions, aucune commission d’enquête inclusive et indépendante pour évaluer les délocalisations. La réparation, lorsqu’elle existe, reste parcellaire.
Un constat amer, alors même que Kinshasa ambitionne de se présenter comme un « pays-solution » face au défi climatique mondial. Une contradiction que souligne l’IBGDH et Amnesty : « La RDC veut jouer un rôle central dans la transition énergétique, mais cette ambition doit impérativement reposer sur la redevabilité et le respect des droits humains. »
Des appels clairs au gouvernement et aux entreprises
Dans leur déclaration commune, Amnesty et l’IBGDH appellent le gouvernement à instaurer un moratoire immédiat sur les expulsions liées aux activités minières et à mettre en place une enquête indépendante. Elles exigent aussi des compagnies minières une mise en conformité avec la législation congolaise et les principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Enfin, elles interpellent directement les multinationales qui s’approvisionnent en cobalt et en cuivre à Kolwezi pour alimenter la révolution électrique mondiale : à leurs yeux, elles ne peuvent plus ignorer l’origine controversée des minerais qui composent leurs batteries.
Kolwezi, une vitrine inconfortable
La tenue du Forum sur les métaux des batteries dans la ville même où se concentrent les plaintes des populations affectées par l’exploitation minière a donné à la déclaration un écho particulier. Difficile, en effet, pour les décideurs présents, de se réjouir des perspectives de la transition énergétique sans entendre la voix de ceux qui, au quotidien, en paient le prix.
Car, concluent IBGDH et Amnesty, « une transition véritablement durable et juste commence par la justice pour Kolwezi et pour les victimes de l’exploitation minière ».
Junior Ngandu