En scellant un partenariat stratégique autour des minerais critiques, Kinshasa et Washington n’ont pas seulement posé les bases d’une coopération renforcée : ils ont bâti un véritable édifice institutionnel destiné à encadrer, surveiller et orienter un pan essentiel de l’économie congolaise. Au cœur de cet accord inédit, entré en vigueur en décembre 2025, se dessine une mécanique diplomatique et technocratique d’une rare densité, mettant la gouvernance minière congolaise sous un suivi bilatéral permanent.
Un comité binational pour piloter la relation
La structure centrale du dispositif est le Joint Steering Committee (JSC), un organe de pilotage de dix membres, répartis à parts égales entre les deux pays. Washington y déploie ses poids lourds institutionnels : Département d’État, Trésor, Commerce, DFC et une agence fédérale supplémentaire. Côté congolais, la Présidence et les ministères des Affaires étrangères, de l’Économie, des Finances et du Plan sont aux commandes.
Coprésidé par les deux parties, le JSC devra tenir sa première réunion dans les 90 jours — avant de se réunir ensuite deux fois l’an. Sa mission : surveiller l’évolution des réformes, valider les projets stratégiques et veiller à la cohérence des politiques minière et économique engagées par Kinshasa.
L’ambassade américaine, poste avancé de la régulation
Autre innovation majeure : l’ambassade des États-Unis à Kinshasa est chargée de recevoir, chaque trimestre, les briefings détaillés de la RDC sur les décisions relatives aux quotas, restrictions ou mesures touchant le cobalt et les autres minerais critiques. Ces séances techniques, auxquelles pourront assister les membres du JSC, permettront à Washington d’évaluer en temps réel les impacts de la politique congolaise sur les marchés mondiaux.
Un forum économique de haut niveau tous les deux ans
Pour associer secteur privé et décideurs politiques, l’accord institue un Forum binational États-Unis–RDC (BEPF). Conçu comme une plateforme stratégique de dialogue économique, il devra se réunir tous les deux ans, en alternance entre les capitales des deux pays. La première édition devra être programmée dans un délai de 365 jours.
Des obligations strictes pour Kinshasa
Le texte prévoit une série de deadlines contraignantes pour le gouvernement congolais. Dans les 30 jours, Kinshasa doit transmettre au JSC :
- La liste initiale des actifs miniers stratégiques, regroupés dans une Strategic Asset Reserve (SAR) ;
- La liste des projets miniers prioritaires.
La réforme de la loi fiscale n°13/005, de même que toute évolution constitutionnelle ou législative liée au partenariat, doit intervenir dans les 12 mois. Une fois un projet inscrit dans la SAR, les incitations fiscales et réglementaires associées devront être notifiées au JSC dans un délai de trois mois.
Tous les trois ans, un examen conjoint évaluera la progression des réformes, la performance du régime fiscal des projets stratégiques et l’évolution de l’investissement américain dans le secteur.
Washington mobilise son arsenal financier
En échange, les États-Unis s’engagent à mobiliser leurs outils financiers — DFC, agences fédérales, institutions multilatérales — pour accompagner les projets jugés stratégiques. L’objectif : soutenir un développement minier encadré, sécuriser les chaînes d’approvisionnement mondiales et renforcer les capacités industrielles de Kinshasa.
En instituant des mécanismes réguliers de coordination, d’évaluation et de supervision, ce partenariat fait de la gouvernance des minerais stratégiques l’un des piliers de la relation bilatérale. Un changement d’ampleur pour la RDC, appelée désormais à structurer sa politique minière dans un cadre international exigeant, où souveraineté, transparence et attractivité doivent marcher de concert.
Pierre Kabakila




