Depuis plusieurs années, le territoire de Lubero, riche en gisements aurifères, est le théâtre d’un pillage systématique orchestré par divers groupes armés. Cette exploitation illégale des ressources minières alimente leurs activités criminelles, au détriment de l’intérêt supérieur de l’État congolais et de la sécurité des populations locales.
D’après des sources locales concordantes, la quasi-totalité des sites miniers échappent aujourd’hui au contrôle de l’État et sont sous l’emprise directe de miliciens, qui en interdisent l’accès aux services étatiques. Dans le secteur de Bapere, la société civile dresse un tableau particulièrement alarmant. Au lieu de concentrer leurs efforts sur la traque des rebelles ADF, certains groupes armés exploiteraient la persistance de l’insécurité pour se livrer à une exploitation minière illicite à grande échelle.
« Certains miliciens Wazalendo profitent de l’enlisement de la crise sécuritaire pour exploiter les minerais dans la zone. Les carrés miniers abandonnés passent sous leur contrôle. C’est ce que la population nous a signalé. Malheureusement, au lieu de se mobiliser contre les ADF, ils se consacrent à la contrebande minière », dénonce Samuel Kaheni, président de la société civile de Bapere.
Selon lui, plusieurs de ces groupes n’auraient jamais eu pour mission prioritaire la lutte contre les ADF. Leur présence viserait plutôt le contrôle stratégique des sites aurifères. « Certains sont venus uniquement pour l’exploitation. Le phénomène est observable depuis 2023 et prend aujourd’hui une ampleur inquiétante. Ils se contentent de percevoir des taxes et d’exploiter l’or, tout en restant passifs face aux violences récurrentes dans des zones pourtant sous leur influence », fustige-t-il.
Dans ce contexte, plusieurs chefs de guerre se seraient considérablement enrichis grâce à la contrebande de l’or, investissant les revenus générés dans des activités commerciales et immobilières, notamment dans certaines villes de la province. D’après nos sources, ces individus agiraient en toute impunité, sans être inquiétés par les services de sécurité. Certaines informations font également état de réseaux transfrontaliers, avec des ramifications dans des pays voisins, notamment en Ouganda.
« Ils disposent de relais en Ouganda pour l’écoulement de l’or pillé. Ils profitent du désordre pour piller davantage la République. Pendant qu’ils s’enrichissent et investissent ailleurs, l’État semble fermer les yeux. Aucune sanction n’est prise, et l’impunité s’installe durablement. L’Ouganda tire ainsi un profit indirect de nos gisements à travers cette contrebande organisée », confie une autre source locale.
Les ADF également impliqués dans la contrebande minière
Les rebelles ADF, connus pour leurs exactions contre les civils, ne se limiteraient pas à des actions armées. Selon plusieurs témoignages recueillis dans le secteur de Bapere, ils s’intéresseraient également aux ressources minières de la région.
« Lors de leurs récentes incursions, ils ont ciblé des sites miniers. De l’or a été emporté », affirme un orpailleur rescapé, qui assure avoir vu les rebelles dépouiller des exploitants artisanaux de leurs minerais avant de commettre des violences extrêmes. Une autre source indépendante, s’exprimant sous couvert d’anonymat, confirme que les ADF seraient impliqués dans des circuits de contrebande, malgré une apparente indifférence affichée vis-à-vis des activités minières.
Toutefois, Samuel Kaheni appelle à la prudence sur ce point précis. « Il est avéré que les ADF ciblent certains sites miniers, mais nous ne disposons pas de preuves formelles attestant qu’ils exploitent directement ces minerais. Néanmoins, au regard de leurs méthodes et de certaines infiltrations déguisées, la thèse d’une implication dans le pillage minier ne peut être totalement écartée », souligne-t-il.
Cette situation met en lumière un manque à gagner considérable pour l’État congolais et souligne l’urgence de restaurer pleinement l’autorité de l’État dans cette région stratégique. Sans une réponse ferme, coordonnée et transparente, les ressources minières de Lubero continueront d’alimenter l’instabilité, au détriment du développement et de la paix durable.
Azarias Mokonzi




