La question taraude de plus en plus les esprits. Qu’en est-il de la gestion de 11% des fonds de la redevance minière versée au Fonds National des Réparations des Victimes des Violences Sexuelles et des crimes contre la paix de l’humanité (FONAREV) ?
Depuis que cet établissement public a été mis en place pour s’occuper de la réparation des victimes des violences sexuelles et des guerres, trois ans se sont écoulés, mais les attentes des 400.000 victimes identifiées restent inassouvies. L’argent collecté serait-il dilapidé ? Et les centaines de victimes jetées dans l’océan de l’oubli ?
La transparence, l’orthodoxie et le déficit de la redevabilité dans la gestion font défaut, souffle-t-on. Vigiles de l’opinion, la société civile et les médias exigent de plus en plus aux instances de contrôle d’ouvrir des enquêtes et des audits pour faire la lumière sur la gouvernance du FONAREV.
Le cadre légal et réglementaire
La RDC a adopté le 26 décembre 2022 une loi portant création du Fonds National des Réparations des Victimes des Violences Sexuelles liés aux Conflits et des Victimes des Crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV). Cette loi définit les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences.
A ce texte, il faut ajouter le décret n°22/38 du 6 décembre 2022 qui fixe, quant à lui, les statuts de cet établissement public. Il y a également le décret n°23/20 modifiant et complétant le décret 22/38 du 06 décembre 2022 fixant le statut d’un établissement public dénommé Fonds National des Réparations des Victimes de Violences Sexuelles liées aux conflits et d’autres crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV).
Cette législation énonce les principes essentiels de la protection et de la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits, ainsi que des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité en RDC, remontant jusqu’à l’année 1993.
Doté d’une personnalité juridique, placé sous la tutelle du Ministère ayant les droits humains dans ses attributions, le FONAREV, établissement public à caractère technique, financier et social, jouit d’une autonomie financière et de gestion.
Missions et Objectifs du FONAREV
Pour bien atteindre ses objectifs, le Fonds National pour la Réparation des Victimes s’est assigné trois missions principales : identifier les victimes, les aider à avoir accès à la justice et leur fournir les réparations requises.
A la lumière de l’article 3 de la loi, «sans préjudice des dispositions légales en vigueur, le Fonarev a pour mission d’apporter son appui à l’accès à la justice, à la réparation, à l’autonomisation et au relèvement communautaire des victimes et de leurs ayants droit, en ce compris le droit à être indemnisé et/ ou recouvrer les dommages-intérêts leur alloués, et de bénéficier gratuitement d’un accompagnement ainsi que d’une assistance judiciaire appropriée assurée par des avocats».
Missions détournées ?
Contrairement à ces missions, FONAREV semble tourner le dos aux victimes, cibles incontournables de ses actions et s’emploie à autre chose qui ne cadre nullement avec ses objectifs.
Trois ans après sa mise en place et l’installation du Conseil d’Administration et du Comité de Gestion, il est difficile de ressortir avec exactitude ce qu’il fait.
Les enquêtes menées révèlent que, depuis 2022, les fonds ont été utilisés beaucoup plus pour des activités ci-après: voyages à l’étranger, des séminaires, des concerts, plaidoyer pour la reconnaissance du genocost… au détriment des missions principales évoquées ci-haut.
De la procédure d’identification
L’article 49 de la loi indique la procédure à suivre par les victimes pour se faire identifier. Les victimes ou leurs ayants droit s’identifient soit :
- personnellement;
- par leurs mandataires;
- par leurs tuteurs ou curateurs;
- par les associations d’aide aux victimes;
- par les associations des victimes;
- par les structures étatiques mises en place pour la cause.
La plupart des justificatifs avancés par les responsables de FONAREV pour l’organisation de ses activités tournent autour de la reconnaissance du GENOCOST.
Plusieurs ateliers organisés çà et là le confirment. Il s’agit, par exemple, des événements ci-après :
- Le 10 septembre 2025 l’organisation de la 60ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies : un panel de haut niveau pour la reconnaissance des génocides congolais ;
- En parallèle, le Fonarev, en collaboration avec la CIA-VAR et l’Académie des Beaux-Arts, a organisé une exposition artistique intitulée «Appel à la reconnaissance des génocides oubliés…», organisée du 8 au 10 septembre 2025 à l’esplanade du Palais de la Nation.
- Organisé par le Fonarev avec la collaboration de la CIA-VAR et la Mission Permanente de la RDC à Genève, sous le thème : «Trente ans de conflits armés en RDC : appel à la reconnaissance des génocides oubliés (ou ignorés), à la vérité et à la justice » dans la salle XVII (Émirats arabes unis), au Palais des Nations.
GENOCOST 2025 : Mémoire, Vérité et Justice
- Le samedi 2 août 2025, Fonarev a organisé la Journée nationale d’hommage aux victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
La cérémonie s’est tenue au nouveau Mémorial du Génocost, érigé à Kinshasa comme un haut lieu de mémoire et de transmission.
- Forum National sur le Droit à la Réparation : vers une stratégie nationale de réparation, inclusive et conforme aux standards internationaux, organisé le mardi 1er juillet 2025 à Kinshasa.
Ce forum, organisé par le FONAREV, a visé à finaliser et adopter une stratégie opérationnelle de réparation conforme aux normes nationales et internationales.
L’occasion était offerte aux dirigeants de cet établissement public de présenter la stratégie opérationnelle du FONAREV pour la mise en œuvre des réparations en République démocratique du Congo.
Trois directeurs du Fonds ont exposé les grands axes du travail opérationnel.
Le Directeur d’Etudes, Enquêtes et Evaluations Blaise Khasa a abordé les enjeux liés à l’identification des victimes. Il a également indiqué que plus de 300 000 victimes ont déjà été identifiées à ce jour, preuve de l’ampleur du travail réalisé et de l’urgence de la réparation.
Le Directeur d’Accès à la Justice Gustave Masiala a abordé le droit à la justice pour les victimes, en soulignant les fondements juridiques, les obstacles concrets et les approches du FONAREV. Il a conclu en rappelant que, malgré les avancées législatives, notamment la loi du 26 décembre 2022, l’accès à la justice reste entravé. Il appelle à des efforts conjoints pour rendre ce droit effectif.
La Directrice des Réparations Thésée-Aurore Makaba a détaillé les programmes de réparation : qu’ils soient individuels, collectifs ou urgents. Elle a exposé les fondements juridiques, les différentes formes de victimisation, les types de préjudices à prendre en compte, les conditions de mise en œuvre ainsi que le barème d’indemnisation prévu par le FONAREV.
De tous ces exposés, aucun n’a indiqué combien de victimes ont été réparées. Et de quelle réparation il s’est agi.
En plus de ces activités évoquées ci-haut, FONAREV a organisé des voyages à travers le Kongo-Central, les deux Kivu et le Kasaï, non pas pour identifier ou réparer les victimes, pour des conférences, ateliers…
Les ressources financières de FONAREV
«Le législateur a mis à la disposition du FONAREV des sources de fonds. Il y a évidemment le budget de l’Etat qui est prévu pour le FONAREV, il y a également les assurances à travers la République démocratique du Congo, mais nous pensons que le fait d’avoir avec nous également la redevance minière à hauteur de 11 % permettra effectivement d’avoir suffisamment des moyens pour pouvoir initier les différents programmes que nous comptons mettre en œuvre pour aller dans les réparations collectives et toucher un grand nombre de nos victimes», dixit Lucien LUYINDULA, ancien Directeur Général de FONAREV, lors de sa tournée au Kongo-Central, au Kasaï et dans les deux Kivu.
De manière plus claire, l’article 22 du décret n°23/20 modifiant et complétant le décret 22/38 du 06 décembre 2022 fixant le statut d’un établissement public dénommé Fonds National des Réparations des Victimes de Violences Sexuelles liées aux conflits et d’autres crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, FONAREV, accorde environ 12 ressources financières à cet établissement public. Il s’agit de :
- Dotation budgétaire initiale de l’équivalent en francs congolais de cent millions de dollars au moins de sa création, marquant ainsi un engagement fort du gouvernement,
- Subventions budgétaires,
- Contributions des assurés qui s’ajoutent au montant des primes d’assurances de biens, assises sur toutes les primes versées par les assurés aux entreprises d’assurance. Un arrêté du ministre ayant les assurances dans ses attributions fixe le taux de cette contribution,
- Intérêts moratoires dus au retard de paiement des dommages et intérêts alloués aux victimes en cas de cession de créances,
- 11% de la redevance minière versée par les titulaires des titres miniers d’exploitation à raison de 6% sur la quotité due à l’Etat, 2% sur la quotité due à l’administration de la province, 1% sur la quotité de l’ETD et 2% sur la quotité due au Fonds Minier pour les générations futures et ce conformément aux dispositions de l’article 242, de la loi 007-2002 portant Code minier, telle que modifiée et complétée par la loi 18-001 du 09 mars 2018.
- 2% de la partie réservée à l’Etat congolais des bénéfices résultant de la vente par les opérateurs économiques privés des certificats de carbone liés au processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, sans préjudice de la clé de répartition applicable,
- Produits de placements des fonds,
- Remboursements et réalisation de valeurs mobilières et immobilières,
- Contributions des fonds, organisation internationale et philanthropiques,
- Sommes collectées exceptionnellement par élan de solidarité nationale et internationale,
- Dons et legs
- Toute autre ressource attribuée au Fonds.
Le Fonds assure directement la collecte des contributions auprès des tiers en vue de la réparation. Selon le même décret, le FONAREV affecte 5% de ses collectés à l’écosystème qui l’accompagne. Ce fonds est réparti comme suit :
- 2% à la CIA-VAR
- 3% aux autres structures suivant les modalités conventionnelles définies par les Fonds.
Plus de 400.000 victimes identifiées
Dans une interview accordée le 02 août 2025 à africanews.com, le directeur général de Fonarev, M. Patrick Fata est revenu sur les premières actions concrètes menées sur le terrain et sur l’urgence de faire reconnaître à l’échelle internationale les crimes de masse à but économique perpétrés en RDC depuis plus de trente ans.
«En deux ans d’existence, dit-il, nous avons pré-identifié plus de 400 000 victimes à travers le pays. C’est une étape fondamentale : on ne peut pas réparer une victime qu’on n’a pas identifiée», a-t-il souligné.
Quid de l’appui aux victimes ?
«En parallèle, poursuit-il, nous avons mis en place des mesures provisoires urgentes, le temps que notre stratégie de réparation soit finalisée. Plusieurs actions ont été menées depuis le début de l’année. Nous avons déployé des cliniques mobiles dans les camps de déplacés de la Tshopo et de l’Ituri, permettant à plus de 20.000 personnes d’avoir un accès gratuit aux soins : consultations, examens, médicaments…».
«Nous avons aussi pris en charge 174 cas médicaux urgents, où la vie des patients était en danger. Et dans le cadre des réparations collectives, nous avons installé des systèmes d’adduction d’eau pour améliorer les conditions de vie dans plusieurs camps», a revelé Patrick Fata.
Par ailleurs a-t-il poursuivi, les premières indemnisations financières ont commencé ce mois de juillet pour certaines victimes disposant de décisions de justice définitives.
Concernant les indemnisations financières, le DG n’a pas indiqué les chiffres, c’est à dire le nombre exact de personnes indemnisées, encore moins le coût réel des interventions.
Gestion et contrôle des fonds
Pour assurer une gestion transparente et rigoureuse des fonds, la loi prévoit la mise en place de mécanismes de contrôle interne et externe ainsi que des audits réguliers.
La gestion financière de FONAREV pose un sérieux problème de transparence. Rien n’est publié sur le coût estimatif de toutes les activités évoquées ci-haut.
Malgré cela, la gestion des ressources du FONAREV fait l’objet d’un suivi attentif de la part de la société civile et des médias, qui exigent de la transparence sur l’utilisation de ces fonds.
Il est difficile de donner un chiffre exact des fonds encaissés par le FONAREV, car les informations publiques disponibles sont partielles et des dénonciations font état d’une gestion opaque.
Au cours d’un point de presse Florimond Muteba, Président du Conseil d’Administration de l’Observatoire de Dépenses publiques (ODEP) a dénoncé une gestion opaque de 27 millions de dollars américains, issus des redevances minières et octroyés au FONAREV.
« Le Fonds National des Réparations des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes la paix et sécurité de l’humanité encaisse 27 millions USD par mois, tirés des redevances minières au-delà des apports extérieurs. Certes, les mandataires figurants ont été nommés, mais ils ne gèrent rien. Entre-temps, 7 millions de déplacés de guerre avec, 150 Fc chacun par an, continuent à mourir», soutient Florimond Muteba sur Actualité.cd.
De l’avis de La Libre Afrique, près de 61 millions de dollars américains ont été recouvrés durant le deuxième trimestre 2025.
Partenariat avec le Système des Nations Unies
Un programme conjoint avec le Système des Nations Unies a été annoncé, allouant plus de 12 millions de dollars pour la prise en charge des victimes dans l’Est de la RDC, rapporte le compte de X de Fonarev.
La plateforme de la société civile CASMIA-G Asbl, active dans le secteur minier au Lualaba, a interpellé le Fonds National des Réparations des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (FONAREV) sur la gestion de la quote-part de 11 % de la redevance minière qui lui est légalement attribuée depuis la loi du 26 décembre 2022.
Dans un communiqué de la plateforme de la société civile CASMIA-G Asbl active dans le secteur minier au Lualaba et transmis à Mines.cd le jeudi 28 août 2025, l’organisation appelle le FONAREV à publier les montants de 11% de la redevance effectivement perçus et à justifier leur utilisation, en invoquant le droit du public à l’information garanti par l’article 24 de la Constitution et les obligations légales de transparence fiscale.
Des inquiétudes sur la gestion des fonds
CASMIA-G alerte sur les risques de mauvaise gestion de ces ressources, qui devraient pourtant contribuer à des actions sociales et sécuritaires dans les zones minières.
L’organisation craint que les résultats attendus deviennent illusoires, comme cela a été observé dans certaines Entités Territoriales Décentralisées (ETD), bénéficiaires d’autres fonds (14 %), mais dont les réalisations restent « questionnables ».
Des mesures de suivi réclamées
La plateforme recommande la mise en place de représentations provinciales du FONAREV dans les zones minières afin de mieux documenter l’utilisation réelle des fonds et leur impact sur les communautés locales.
Elle appelle, en outre, l’Inspection Générale des Finances (IGF) et la Cour des Comptes à auditer les fonds du FONAREV depuis sa création, et invite le ministère des Mines à renforcer les mécanismes de suivi pour éviter toute opacité.
CASMIA-G exhorte enfin les ONG, médias et communautés locales à se mobiliser pour exiger une transparence totale sur les revenus perçus par le FONAREV, en particulier sur la quote-part de 11 % prélevée auprès des entreprises minières.
CASMIA-G, JUSTICIA ASBL et APDHJ dénoncent avec une virulence mesure ce qu’elles qualifient de «détournement institutionnalisé» au sein du FONAREV, ce fonds pourtant destiné à soulager les souffrances des victimes les plus vulnérables.
Selon ces ONG, le cœur du scandale résiderait dans un arrêté ministériel daté du 5 mars 2025, signé par l’ancienne ministre des Droits humains, qui établit un barème provisoire des droits et avantages sociaux des mandataires du Fonds national de réparation des victimes de violences sexuelles.
Comment expliquer que des rémunérations jugées «excessives» puissent être accordées à ceux qui sont censés incarner la justice réparatrice ? La question mérite d’être posée, alors que des milliers de victimes attendent toujours une reconnaissance tangible de leurs souffrances.
Le 2 octobre 2025, un nouveau scandale financier secoue le Fonds National des Réparations des Victimes des Violences Sexuelles liées aux Conflits (FONAREV). Selon un document officiel consulté, le Directeur Général Patrick FATA percevrait une rémunération mensuelle de 48.000 dollars américains, hors primes et avantages
Des avantages colossaux pour les responsables de FONAREV
Dans un article de radiookapi.net publié le 09 octobre 2025, on affirme qu’au-delà du salaire, les responsables du FONAREV bénéficient d’avantages substantiels notamment :
Indemnités de logement (jusqu’à 8 000 $) Indemnités de domesticité (2.000 $) SUV 4×4 de fonction Prise en charge des soins médicaux à l’intérieur et à l’extérieur du pays Primes annuelles et jetons de présence
En cumulé, les rémunérations et avantages des dirigeants représenteraient plus de 22 millions de dollars par an, soit près de 30 % du budget annuel de fonctionnement du FONAREV (estimé à 64 millions $).
La société civile pointe du doigt cette contradiction flagrante, soulignant que les fonds exorbitants touchés par les mandataires et cadres du FONAREV devraient prioritairement bénéficier aux victimes des violences sexuelles liées aux conflits.
Dans sa parution du 22 septembre 2025, Hubert Leclercq du journal La Libre Belgique, révèle que «des millions de dollars de solidarité envers les victimes de violences sexuelles et de crimes de guerre se sont évaporés en quelques opérations douteuses».
«Deux ans plus tard, l’outil de mémoire et de réparation s’est transformé, une fois encore, en caisse noire au profit du premier cercle du pouvoir. Des miettes pour les victimes. Un décret présidentiel de 2023 avait décidé (sans trop se soucier du code minier) que 11% des redevances minières seraient versés à ce fonds.
Entre janvier 2024 et juin 2025, plus de 212 millions de dollars ont été collectés. Or, sur cette somme colossale, à peine 5 millions ont atteint les victimes survivantes, moins de 2,5 % du total. Le reste s’est évaporé dans des circuits opaques, alimentant projets de prestige et poches privées».
Le bilan concret pour les victimes est dérisoire : trois forages, une école rénovée, un mémorial à Kisangani.
Le même journal indique que le rapport financier du deuxième trimestre 2025 constitue à lui seul un réquisitoire. Sur près de 61 millions de dollars recouvrés en trois mois, plus de la moitié a été absorbée par les frais de fonctionnement, salaires, dépenses administratives et de communication, tandis que moins d’un cinquième seulement était affecté aux réparations. Certaines directions ont littéralement explosé leurs crédits, comme la direction financière qui a consommé 130 % du budget prévu.
On retrouve aussi des frais de mission extravagants, des campagnes de communication démesurées, des achats non planifiés. Un fonctionnaire du ministère des Droits humains congolais, qui exerce officiellement la tutelle sur le fonds, a pu ironiser : “Le FONAREV dépense plus pour ses photocopieurs que pour ses victimes.”
Quatorze millions retirés en cash
Mais, c’est en février 2025 que la dérive a atteint son paroxysme. Le conseil d’administration a décidé d’appliquer rétroactivement une prime de 8 % sur toutes les sommes collectées depuis janvier 2024. Ce tour de passe-passe a permis de dégager une enveloppe de 14 millions de dollars, distribuée… en cash. Le comité bénéficiaire n’était autre qu’un petit cercle de dirigeants du fonds, déjà rémunérés pour leurs fonctions. Aucune justification n’a été fournie, aucun contrôle n’a été exercé.
Le vernis onusien
Comme si cela ne suffisait pas, le FONAREV s’est offert une caution internationale. En juin 2025, il a signé un protocole d’accord avec le système des Nations unies, comptabilisé à hauteur de 12 millions de dollars, destinés officiellement au financement de cliniques mobiles et à l’assistance aux déplacés.
Le directeur général du fonds, Patrick Fata, s’en est publiquement félicité: “Grâce à nos financements, des aides indirectes peuvent être apportées aux victimes dans l’est du pays.” En réalité, ces cofinancements servent de paravent à un système prédateur en croire la libre belgique.
Des fonds détournés jusqu’au Burundi
La prédation ne s’arrête pas aux frontières congolaises argumente le confrère. En violation flagrante de son mandat, le FONAREV a consacré 15 millions de dollars à la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi, rebaptisée Fondation LONA, pour une opération d’aide humanitaire destinée aux réfugiés burundais du Sud-Kivu.
La valeur réelle de l’aide distribuée, essentiellement 612 tonnes de vivres et quelques biens de première nécessité, ne dépassait pas 500 000 $, selon les prix du marché régional ; 14,5 millions de dollars se sont évaporés. Pendant que les victimes congolaises attendent réparation, leurs fonds financent la vitrine humanitaire de la Première Dame et achètent une légitimité politique internationale.
Le Génocost transformé en propagande
L’autre scandale, plus insidieux encore, réside dans l’instrumentalisation de la mémoire. En août 2025, le FONAREV a financé la campagne dite du “Génocost”, une commémoration visant à faire reconnaître le “génocide à but économique” en RDC. Une initiative qui aurait pu être légitime, mais qui a été immédiatement détournée : pointer le Rwanda et la communauté tutsie, mobiliser la mémoire nationale à des fins politiques, et engloutir des fonds publics.
Le journal révèle encore que la seule journée commémorative du 2 août a coûté plus de 1 600 000 dollars. Des dépenses extravagantes, non budgétisées, qui portent tous les signes d’un nouveau détournement.
Pendant que les survivantes continuent de vivre dans l’oubliette et la misère, le fonds finance concerts, campagnes digitales et voyages de prestige.
En tout état de cause, il se pose un problème crucial de la transparence et de la redevabilité au FONAREV. Ainsi, les mandataires et gestionnaires de ce fonds ont l’obligation constitutionnelle et légale de rendre compte de la façon dont de cet argent collecté est utilisé. Le Parlement, la Cour de compte, l’Inspection Générale des Finances, les Cours et Tribunaux et les autres structures de contrôle sont appelés à ouvrir l’œil sur cet établissement public afin d’endiguer le coulage des fonds dus à la réparation des victimes.
Gustave Tshibumbu




