Fin décembre 2022, la cérémonie de signature du contrat de partenariat entre la République démocratique du Congo et les Emirats arabes unis, ayant pour objectif de stopper la contrebande dans le secteur minier congolais, avait eu lieu dans la capitale congolaise, Kinshasa.
Tout en aboutissant à la création de deux entreprises dont, Primera Gold DRC pour le secteur de l’or artisanal et Primera Metals DRC pour le secteur artisanal des 3Т (Étain, Tungstène, Tantale) ; ce partenariat se devait aussi être un moyen de nettoyer le secteur minier artisanal congolais où la contrebande a entraîné la perte de millions de dollars américains de recettes fiscales chaque année et aidé à financer des groupes armés qui sévissent dans l’Est du pays réputé pour être riche en minéraux.
A en croire les informations relayées par l’agence de presse britannique, Reuters, et vérifiées par le desk de fact-checking de MINES.CD, le lundi dernier cet accord d’une durée de 25 ans est publié par le gouvernement congolais. Ledit accord donne à une entreprise des Émirats arabes unis « peu connue » des droits exclusifs d’exporter de l’or artisanal à des taux préférentiels, « ce qui incite à critiquer qu’il ne résoudra aucun des problèmes qu’il était censé résoudre ».
« Le nouveau contrat est renouvelable et donne à Primera Group une participation majoritaire dans deux coentreprises avec des droits exclusifs d’exporter de l’or miné artisanalement à un [taux préférentiel exclusif] de 0,25 %. Il leur donne également des droits exclusifs d’exporter du coltan artisanal et de l’étain, du tantale et du tungstène (3T) à un taux d’imposition exclusif de 3,5 % », a souligné l’agence de presse britannique.
Plutôt qu’un partenariat avec les Émirats arabes unis, « la République démocratique du Congo a créé 2 joints-ventures avec un groupe privé Primera group et leur a accordé l’exportation exclusive avec un taux préférentiel exclusif et très faible sur l’or, coltan et 3T artisanaux sur 25 ans », a expliqué la journaliste Sonya Rolley.
Les organisations congolaises et internationales montent au créneau
La durée du contrat et son taux d’imposition avantageux ont été qualifiés de « troublants » par les différents analystes et un groupe de 14 organisations congolaises et internationales qui continuent de faire pression pour obtenir la transparence dans les secteurs minier et financier en République démocratique du Congo.
« Un monopole sur l’exportation de tout l’or et des minéraux 3T minés artisanalement, depuis 25 ans […] soulève de grandes préoccupations en matière d’équité », indiquait Jean-Claude Mputu, porte-parole de l’organisation le Congo n’est pas à vendre (CNPAV).
Le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis et le groupe Primera, qui se décrit sur son site web comme un conglomérat diversifié basé dans la capitale des Émirats arabes unis, Abu Dhabi, n’ont pas immédiatement répondu à une demande de commentaires de Reuters.
Pour sa part, le gouvernement congolais n’a également fait des commentaires au moment de la publication du susdit contrat en début de semaine, suite à « la pression » du Fonds monétaire international (FMI) pour la transparence.
Cependant, en février dernier, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi indiquait que la société Primera Gold a exporté, en cinquante et un jours « seulement » un volume total de 354 kilogrammes d’or issu de l’exploitation artisanale en République démocratique du Congo, sans pour autant donné plus d’amples détails sur la destination finale de cette quantité d’or.
Un mois plus tôt, l’argentier congolais avait également fait savoir que 207 kilogrammes d’or d’exploitation artisanale ont été exportés venant essentiellement des provinces du Sud-Kivu et de l’Ituri, mais n’a toutefois pas expliqué comment cela a prouvé que la contrebande avait diminué.
« Mputu et deux anciens analystes de l’ONU ont déclaré que les conditions fiscales avantageuses de l’accord pour l’exportation de minéraux bruts étaient également incompatibles avec le souhait avoué du gouvernement d’établir une capacité de traitement au Congo afin qu’il puisse gagner plus de sa vaste richesse minérale », a expliqué Reuters.
Le contrat signé entre les deux parties, exige que Primera implante une usine de raffinage de l’or sur le territoire congolais lorsque le volume d’or à raffiner dépasse 60 tonnes par année. Pourtant à ce jour, Primera a déclaré n’avoir exporté que 650 kilogrammes d’or artisanal de la province du Sud-Kivu entre janvier et avril, ce qui rend « improbable » cette clause.
« Pendant ce temps, le taux de taxe de Primera à l’exportation pour l’or brut est 40 fois meilleur que les 10 % offerts à un jeune transformateur local d’or raffiné », a déclaré Gregory Mthembu-Salter, ancien analyste de l’ONU et chef de Phuzumoya Consulting, qui suit la gouvernance des ressources naturelles.
Un autre analyste qui a travaillé pour l’ONU en République démocratique du Congo – s’exprimant sous couvert d’anonymat – a révélé à Reuters que cela ressemble à un accord qui « va profiter à un petit nombre de personnes pendant très longtemps ».
Monge Junior Diama