La République démocratique du Congo et les États-Unis ont signé, le 4 décembre 2025, un accord de partenariat stratégique portant sur les minerais critiques, dans l’objectif affiché de renforcer la coopération économique et de structurer les chaînes de valeur minières. Si ce texte comporte certaines avancées saluées par la société civile, il soulève également de sérieuses inquiétudes liées à l’asymétrie des négociations et à l’opacité du processus, selon les analyses de Congo N’est Pas À Vendre (CNPAV) et de la Coalition Africaine sur les Minerais Verts (CAMV), consultées par Mines.cd.
Des dispositions favorables à la transformation locale
Les deux organisations reconnaissent, dans leur lecture de l’accord, l’existence de clauses explicites encourageant la transformation locale des minerais critiques en RDC. Une orientation jugée positive, dans la mesure où elle ambitionne de positionner le pays comme un acteur majeur de la transition énergétique mondiale, au-delà de son rôle traditionnel de simple exportateur de matières premières brutes.
Toutefois, CNPAV et CAMV rappellent que cet accord a été signé dans un contexte sécuritaire défavorable à Kinshasa, ce qui aurait pesé sur l’équilibre des négociations. Cette situation, soulignent-elles, a accentué l’asymétrie de pouvoir entre les deux parties, au détriment des intérêts stratégiques congolais.
Asymétrie, opacité et déficit de concertation
Les deux coalitions dénoncent surtout l’absence de consultations préalables avec les parties prenantes nationales, notamment le Parlement, une démarche qui pourrait contrevenir à l’article 214 de la Constitution. Pour elles, cette opacité fragilise la confiance du public et va à l’encontre des principes de bonne gouvernance que les deux États disent pourtant promouvoir.
Autre point de crispation : l’absence du ministre congolais des Mines au sein du Comité conjoint de suivi de l’accord. « Il est incompréhensible que le responsable politique du secteur ne siège pas dans l’organe chargé de la mise en œuvre et du suivi », déplorent CNPAV et CAMV.
Avantages fiscaux et risques pour le cadre légal
Sur le plan économique et juridique, les organisations s’inquiètent des dispositions de l’article XII de l’accord, qui accorderait aux entreprises américaines des avantages fiscaux préférentiels, assortis d’une clause de stabilisation de dix ans pour les projets dits stratégiques. Le texte prévoirait également, dans un délai de douze mois, des ajustements législatifs, voire constitutionnels.
Selon CNPAV et CAMV, ces exonérations pourraient entraîner un manque à gagner substantiel pour l’État congolais et affaiblir le Code minier, rappelant à cet égard les limites et les échecs observés dans le cadre de la convention Sicomines conclue avec la Chine. Elles exigent, dès lors, une clarification précise des contreparties accordées à la RDC et l’application non discriminatoire des incitations à l’ensemble des investisseurs.
Projets stratégiques : flou persistant et recommandations
Enfin, les coalitions estiment que les projets stratégiques évoqués dans l’accord manquent de clarté, tant sur les critères d’éligibilité que sur les modalités de financement et l’identification des bénéficiaires effectifs. Ce flou, préviennent-elles, ouvre la voie à des risques de captation élitiste ou d’endettement non maîtrisé.
Face à ces préoccupations, CNPAV et CAMV plaident pour une ratification parlementaire de l’accord, l’intégration formelle du ministre des Mines au comité de suivi, la mise en place de mécanismes robustes de transparence, ainsi que l’implication de la société civile et des citoyens comme observateurs indépendants du processus.
Daniel Bawuna




