Le 4 juillet, le président Félix Tshisekedi a participé à la cérémonie de signature d’un accord, avec ses homologues angolais et zambien, pour un nouveau corridor ferroviaire entre Kolwezi et le port de Lobito, en Angola. Celui-ci permettrait d’évacuer les minerais du Lualaba et de la Copperbelt zambienne par train, au lieu de passer par la route vers les ports de Dar-es-Salaam ou Durban comme cela se fait actuellement. Quelles pourraient être les conséquences économiques et politiques de ce projet ?
Bonjour et bienvenue dans ce 26e épisode de la saison 3 de Po Na GEC. Je m’appelle Joshua Walker. Je suis le directeur de programme du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New-York et partenaire d’Ebuteli, institut de recherche en RDC. Nous sommes le vendredi 7 juillet.
Le chemin de fer qui va de Kolwezi vers le poste frontalier de Dilolo et ensuite en Angola jusqu’à l’Atlantique n’est pas nouveau–il date de l’époque coloniale. Mais, depuis des décennies, il ne fonctionne plus. Résultat : le cuivre et le cobalt congolais sont évacués par route vers l’Afrique australe, et toute une économie de transport routier s’est développée autour. Cependant, l’axe ferroviaire vers Lobito serait, en principe, plus court, moins coûteux, et moins pollueur en termes d’émissions de carbone.
C’est sur ces points que misent la RDC, la Zambie et l’Angola, en partenariat avec un consortium de trois sociétés européennes. Dirigé par le géant suisse Trafigura, ce consortium, appelé « Lobito Atlantic Railway », comprend également une société portugaise et une autre, belge. Il compte investir environ 455 millions de dollars sur le corridor Lobito en Angola, long de plus de 1 300 km, et jusqu’à 100 millions de dollars sur le tronçon d’environ 400 km entre Dilolo et Kolwezi en RDC. Cependant, très peu de détails concrets sont sortis de cet accord.
Pourquoi ce projet se dessine-t-il maintenant ? Premièrement, les relations entre les trois pays partenaires ont changé avec les changements de leurs chefs d’État. Félix Tshisekedi, João Lourenço et Hakainde Hichilema entretiennent de meilleures relations entre eux que leurs prédécesseurs. Deuxièmement, la donne politique en RDC a changé. Sous le régime Kabila, par exemple, les taxes de péage sur la route Lubumbashi-Kasumbalesa revenaient à des sociétés liées à l’ancien président.
Au-delà de l’intérêt environnemental et en termes de coût, ce projet pourrait, s’il se réalisait, permettre aux sociétés minières en RDC de diversifier les voies de sortie des minerais congolais, pour éviter à la fois le congestionnement des voies routières vers l’Afrique australe et leurs risques. En 2022, par exemple, le port de Durban a connu une grève qui avait ralenti les exportations.
À première vue, ce projet a l’air d’être gagnant-gagnant. Mais rien n’est moins sûr. Les ports de Dar-es-Salaam et Durban pourraient connaître une baisse importante du trafic en provenance de la RDC–chose qui ne plairait certainement pas aux gouvernements tanzanien et sud-africain. De surcroît, il pourrait bousculer le commerce des minerais et équipements connexes à leur exploitation, bien établi, entre la RDC, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Sur le plan domestique, l’exportation des minerais par Dilolo plutôt que par le poste frontalier de Kasumbalesa, dans le Haut-Katanga, augmenterait sensiblement les recettes douanières dans la province de Lualaba et les emplois qui y sont liés.
Enfin, ce projet pourrait s’inscrire dans la compétition géopolitique autour des minerais stratégiques (cuivre et cobalt) entre l’Occident et la Chine. Dans son communiqué de presse, Trafigura note que « le corridor Lobito fournira la voie la plus rapide […] vers l’Europe et les Amériques ». On note que les États-Unis ont, selon le président angolais, promis de financer une partie de la réhabilitation de ce chemin de fer. L’exportation de minerais par Lobito sera-t-elle le précurseur de l’achat de plus grandes quantités des minerais stratégiques par des sociétés occidentales ou favorables aux intérêts de l’Occident ? Le temps le révélera.