Connu et reconnu pour son esprit rationnel, Pr Prince Kaumba Lufunda est l’un des premiers acteurs politiques majeurs sinon le premier du Lualaba à se prononcer ouvertement et librement sur le contrat sino-congolais et, par effet d’entraînement, sur l’exploitation minière dans sa province. Depuis septembre 2022, il a observé et il s’est renseigné. Le résultat de ses analyses, il l’a livré le 1er avril 2023 par une motion d’information au Sénat conformément, a-t-il rappelé et précisé, à l’article 94 du règlement intérieur de la chambre haute…
L’intérêt de la motion est de ramener le débat au niveaudu Parlement puisque l’Assemblée nationale l’a inscrit dans son calendrier de la session ordinaire mars-juin 2023, de sorte que toutes les Institutions identifiées à l’article 68 de la Constitution soient saisies.
Dans sa motion, l’honorable Prince Kaumba déplore une campagne médiatique tonitruante qui jette le discrédit sur le contrat sino-congolais, campagne déclenchée depuis le 17 février 2023. Elle « crie au non-respect de la législation fiscale et réclame toutes affaires cessantes des millions si pas des milliards de dollars en guise de compensation, pour utiliser un mot neutre ».
Le sénateur met en exergue deux mesures prises à l’encontre de la Sicomines, à savoir la suspension des droits d’exonération douanière et le blocage de ses comptes bancaires.
La première est une décision prise par une mission d’enquête de l’Igf dépêchée par l’Igf à Lubumbashi entre le 24 juin et le 24 août 2022. Cette mission l’a dictée à la Division provinciale de la Direction générale des douanes et accises à l’insu de la Direction générale de cette régie et, pire, du ministère des Finances.
Aujourd’hui, si la Commission mise sur pied par le Chef de l’Etat venait à lui réclamer la preuve de la notification, par lui, de cette décision, la Hiérarchie de l’Igf sera dans l’incapacité de la produire. Si, pour besoin d’enquête, elle étendait cette demande à la Hiérarchie de la Dgda et auministre des Finances ni l’une ni l’autre ne s’en sortiraient.
Ainsi, au départ, il y a eu volonté délibérée de nuire à Sicomines, mais aussi aux relations diplomatiques et à la coopération entre la RDC et la Chine.
L’intention étant mauvaise, la suite des événements ne pouvait que l’être. Cette suite, l’honorable sénateur l’appréhende par un questionnement.
DU PREMIER AU TROISIEME POINTS
S’agissant du premier point (Les confusions dans les chiffres), il se demande comment se focalise-t-on sur le montant de USD 822 millions investis dans les infrastructures et on ne fait pas allusion aux USD 656 millions investis la construction du barrage de Busanga. De un.
De deux, il veut savoir si les 7 ou 10 milliards de dollars qu’on attribue à la Sicomines tiennent du chiffre d’affaires ou des bénéfices.
De trois, pourquoi veut-on passer l’enveloppe de 500 millions pour le résultat de l’audit ayant conduit à la confection du Rapport final pendant qu’il s’agit de l’argent obtenu de la Sicomines dans le cadre de l’élaboration du budget de 2021 (Usd 150 millions) et du budget de 2022 (Usd350 millions).
Mais, le sénateur veut surtout savoir pour quelles raisons le Gouvernement, selon ses termes, s’est abstenu de signer les PV par lesquels la Sicomines mettait ces montants à la disposition de l’Etat pour le développement des Territoires et des provinces, à la suite d’une demande initiée par le Sénat.
Pour information, ni la Sicomines, ni l’Acgt n’ont compétence de sélectionner les sites à accueillir des infrastructures. Cette charge relève de l’autorité exclusive du Gouvernement. Ainsi, en refusant de signer les PV, le Gouvernement a privé les provinces d’infrastructures utiles à leur développement.
D’où sa déduction constituant le point 2 de sa motion : « La recherche de boucs émissaires ». Et à partir de là, ces quatre questions interpellantes :
« Qui doit répondre du fait que certaines infrastructures signalées dans le contrat n’aient pas été réalisées : la partie chinoise ou la partie congolaise ? ». « Qui doit répondre du fait que le nombre des dossiers sur les infrastructures à réaliser soit si faible ? ». « Peut-on affirmer sincèrement que l’on est sérieux lorsqu’on s’étonne de voir des montants plus élevés affectés au projet minier plutôt qu’à celui des infrastructures 5 milliards contre 1 miliard ? ». « Comment peut-on comprendre que ceux qui disaient avoir lu le contrat querellé découvrent enfin aujourd’hui, grâce à l’intervention du Président de la République, que la solution aux différends passait par un dialogue autour d’une table, et non pas par un combat des gladiateurs, au vélodrome de Kintambo ? »
Prince Kaumba poursuit le dynamitage avec le point 3 relatif à « L’imbroglio autour des exonérations douanières ».Il attire l’attention des Pouvoirs publics sur le fait que « Les sommes non versées sont convertibles en titres que l’Etat peut faire valoir comme étant sa contribution au financement »avant de se demande « Que deviennent ces titres et où sont-ils ? ».
Et il pose cette question terrible : « Comment peut-on s’imaginer que l’on puisse contraindre la Sicomines à payer les taxes douanières sans avoir révisité préalablement les termes du contrat ? », non sans noter au passage que « Faire chanter le partenaire à ce sujet, c’est détruire irrémédiablement la confiance de tous les investisseurs du monde ».
Entre-temps, il rappelle aux Pouvoirs publics que « Si la Sicomines commence à payer la douane, les fonds qui y seront affectés seront aussi repris au titre de la dette due à EximBank China, à rembourser avec les intérêts connus ».
DU QUATRIEME AU SIXIEME POINT
Si au point 4 portant sur « Réalisations et visibilité des infrastructures », le sénateur liste les infrastructures aménagées dans le cadre du contrat sino-congolais et fait un pied de nez à l’opposition d’hier qui montait le peuple en 2010 avec le mot d’ordre « tokolia nzela ? », au point 5 (Que devons-nous attendre des négociations ?), il invite les Congolais à chercher à « Recouvrer un peu de dignité, de crédibilité, de sens des engagements ».
En effet, il considère que exiger de la Sicomines « 5 à 10 milliards, sans déposer le moindre dossier, c’est se mettre gratuitement dans le collimateur de toutes les suspicions ». De même que « Crier à la surfacturation sans en avancer la moindre preuve, hormis un chapelet de suspicions, c’est se décrédibiliser ».
A ce sujet, il est plutôt pour un recours « à des cabinets d’audit certifiés et reconnus » si on tient à voir clair.
Il ajoute : « Les proportions des parts sociales sont fonction d’abord des apports en capitaux frais ; la majorité des parts revient ceux qui mobilisent les plus de fonds auprès des banques. Croire qu’on puisse remonter nos parts tout en exigeant le paiement des frais douaniers, c’est serait quand même hasardeux et problématique ».
Vient alors le point 6 intitulé « Mettre à genou Sicomineset enterrer TFM, c’est chercher à tuer le pays ». A ce stade, Pr Kaumba fait le plaidoyer autant pour Sicomines que pour Tenge Fungurume Mining (TFM).
« Suite à un différend portant sur le mode d’évaluation et le mode de calcul des réserves, un administrateur a été désigné par le Tribunal de Commerce pour procéder à la conciliation.
L’administrateur a décidé de suspendre les activités de commercialisation et d’exportation des produits miniers depuis juin – juillet 2022. A ce jour, plus de 180.000 tonnes de plaques de cuivre sont entassées à Fungurume et les travaux de la nouvelle usine d’électrolyse en cours de montage sont à l’arrêt », retient-il, s’agissant de TFM tout en soulignant la catastrophe en vue avec la mise en chômage de plus de 7.000 travailleurs pendant que les travailleurs de Sicomines, dont les comptes bancaires sont bloqués, subiraient le même sort.
« Malheureusement, depuis 9 mois, c’est le désarroi qui s’installe progressivement au Lualaba, dans cette province dont la vocation naturelle a toujours été de nous inviter à répondre à l’appel du bonheur ».
C’est au 7ème point (Nous demandons très peu de choses) que le sénateur en appelle à la levée de toutes les mesures prises à l’encontre de la Sicomines (suspension des droits d’exonération minière et blocage des comptes bancaires) et de TFM (commercialisation et exportation de ses produits miniers).
Il préconise des négociations « avec des arguments forts, sans faire du chantage et sans se faire hara kiri » et estime qu’« il n’est pas besoin d’arrêter une entreprise au motif qu’on aimerait connaître les auteurs des surfacturation », moins encore qu’il soit « nécessaire d’arrêter une entreprise parce qu’on ne parvient pas à trouver les indications sur les bonnes pratiques en matière d’évaluation des réserves minières ».
Aussi, à la commission siégeant au niveau de la Présidence de la République, conseille-t-il la prise en compte des recommandations de la Chambre haute car, déclare-t-il « point n’est besoin d’inviter encore ici tel ou tel ministre qui avait déjà déclaré que les Territoires et les Provinces ne disposaient guère de capacité pour monter et suivre des projets, ni tel autre qui avait autorisé la cession à un groupe étranger des droits d’exploitation sur des concessions Gécamines déjà attribuées l’Entreprise Générale de Cobalt, une filiale GCM ».
Qualifiant d’incandescente la situation qui prévaut au Lualaba et considérant que « les mesures conservatoires infligées à l’entreprise auront à terme des conséquences qui entacheront pour des années tous nos discours sur l’amélioration du climat des affaires et refroidiront certainement de nombreux investisseurs », le sénateur Prince Kaumba rappelle qu’« A Kolwezi, les chinois, les américains, les européens, les australiens, les indiens, les ivoiriens, les sud-africains, les zimbabwéens et bien d’autres nationalités travaillent côte à côte ».
Et conclut : « Ne transposons pas sur notre territoire des conflits d’intérêts qui ne nous concernent pas ».
Tout y est dit. Mais alors tout…