En marge de la première session du dialogue citoyen pour la maximisation des recettes minières en RDC, Baby Matabishi, Coordonnateur des revenus et de l’ITIE au Centre Carter, a présenté une analyse critique du régime fiscal.
De prime abord, il a été rappelé que la RDC dispose d’un sous-sol riche en ressources minières, faisant de ce secteur une des principales sources de revenus pour l’État. Cependant, la mobilisation effective des recettes issues de l’exploitation minière reste un défi majeur. Le régime fiscal en place, malgré les révisions récentes, présente plusieurs lacunes qui freinent la maximisation des recettes.
Cette analyse a présenté un aperçu critique du régime fiscal minier en RDC et des obstacles à une gestion optimale des flux de revenus.
Aperçu des éléments clés du régime fiscal minier
Le secteur minier en RDC est régi principalement par le Code Minier, modifié par la loi N° 18/001 du 9 mars 2018, ainsi que par le Règlement Minier et divers décrets et arrêtés ministériels. À cela s’ajoutent des textes légaux et réglementaires de droit commun, notamment :
Le Code général des impôts ;
Le Code des douanes ;
La loi n° 03/003 du 28 février 2013 sur la nomenclature des recettes administratives, judiciaires et domaniales ;
Les Ordonnances-lois n° 18/003 et n° 18/004 du 13 mars 2018 fixant la nomenclature des droits et taxes au niveau national, provincial et local ;
La Loi relative aux Finances Publiques (LOFIP) ;
L’Édit N° 0001 du 23 mai 2008, qui crée une taxe provinciale pour la réhabilitation des infrastructures de voirie et de drainage.
Ces différents textes forment un cadre exhaustif et exclusif pour les opérateurs du secteur minier, tel que stipulé par l’article 220 du Code Minier révisé.
Les flux de revenus : aspects clés
La gestion des recettes minières en RDC implique une série de flux fiscaux, parafiscaux et financiers, parfois illicites. Les questions fondamentales à se poser sont : Qui paie ? Quoi ? Combien ? Et comment ces paiements sont-ils effectués ?
La collecte des recettes minières repose sur plusieurs intervenants, notamment les services d’assiette et de recouvrement. D’après l’analyse du Centre Carter, il est crucial de clarifier les rôles de chacun, d’améliorer la coordination entre ces services et d’adopter des outils adaptés pour la collecte et la communication des données fiscales.
La qualité des informations et le mécanisme de redevabilité sont essentiels pour renforcer la transparence dans la collecte des recettes minières, a noté Baby Matabishi. En dépit des réformes en cours pour maximiser ces recettes, il a recommandé une meilleure coordination institutionnelle.
Résultats préliminaires de l’évaluation de la collecte des revenus miniers
La complexité du régime fiscal actuel rend difficile la modélisation précise des paiements fiscaux et parafiscaux, a relevé l’analyse. L’administration fiscale congolaise, qui compte plus de 40 000 agents, est confrontée à des défis majeurs de coordination et de capacité.
Une des faiblesses du système fiscal congolais soulignées est l’insuffisance de la coordination entre les différents services responsables de la collecte. L’utilisation du système déclaratif, en l’absence d’une gouvernance adéquate, entraîne une sous-optimisation des recettes.
L’Avis de Mise en Recouvrement (AMR)
L’avis de mise en recouvrement (AMR), bien que n’étant pas un impôt en soi, est un outil de recouvrement utilisé pour compenser les lacunes du système déclaratif. Son ampleur, allant de 350 à 450 millions USD (selon les rapports de l’ITIE), met en lumière les insuffisances de l’administration fiscale et soulève plusieurs questions :
Pourquoi les mêmes redevables sont-ils soumis à des paiements aussi élevés après la réception d’un AMR ? Le système fiscal est-il trop complexe pour que les opérateurs miniers puissent s’acquitter correctement de leurs obligations ? Les opérateurs bénéficient-ils d’un accompagnement suffisant de la part de l’administration fiscale ? Ces questions appellent une réflexion approfondie sur la simplification et la réforme du régime fiscal minier en RDC.
Défis majeurs soulevés par les AMR
La fréquence et l’ampleur des AMR soulignent des problématiques récurrentes dans la collecte des recettes minières. Il s’agit de :
Un manque persistant de recettes fiscales et parafiscales recouvrées ;
L’absence d’un modèle fiscal approprié pour encadrer le système en vigueur ;
Des risques continus de pertes pour l’État, exacerbés par la mauvaise gouvernance et la faible redevabilité.
Recommandations
Face à ces défis, plusieurs recommandations émergent :
Engager un dialogue ouvert sur les causes de la fraude fiscale et des fausses déclarations, afin d’identifier des pistes pour maximiser les recettes du secteur minier ;
Simplifier le régime fiscal pour limiter le recours aux AMR et améliorer la collecte des recettes fiscales ;
Développer un modèle fiscal intégré permettant à l’État d’évaluer correctement les niveaux d’exploitation minière et de percevoir des revenus adéquats.
« La RDC, riche en ressources minières, se trouve à un tournant crucial de sa gestion fiscale. Bien que des efforts aient été faits pour réviser le cadre juridique et fiscal, de nombreux défis persistent. La complexité du régime fiscal actuel et l’ampleur des AMR révèlent une nécessité urgente de réforme pour maximiser les recettes et assurer une gestion transparente et équitable des ressources minières », a conclu Baby Matabishi.
Junior Ngandu