Depuis son exile, l’ancien président de la centrale électorale congolaise, actuellement à la tête d’un parti politique et natif d’une province minière – le Haut-Uélé – Corneille Nangaa pointe l’administration Tshisekedi, « un cartel tribal », de « ponctionner des gisements entiers » de la grande province du Kivu. Sur son compte twitter, il dénonce également un « canular et maquillage » après un briefing presse co-animé notamment par le ministre des finances congolais, Nicolas Kazadi.
« Après la filouterie RAM, voici un carambouillage mafieux chez Primera Gold. Concussion d’un Cartel tribal de Tshisekedi qui ponctionne des gisements entiers du Kivu. Trois (3) tonnes d’or équivalent 1.8 milliard usd, selon Nicolas Kazadi ! Canular et maquillage des chiffres par un malandrin », décrit Nangaa.
Ce fils de la province aurifère du Haut-Uélé affirme que « Tshisekedi et sa clique tribale s’accroupissent sur toutes les riches terres (Or et 3T) qu’ils bradent, en toute opacité, sur 25 ans. Mépris inhumain face aux morts et atrocités de l’Est. »
Comme Denis Mukwege il y a deux jours plus tôt, Corneille Nangaa appelle « tous les citoyens, leaders consciencieux et toute la jeunesse (kivuriens et orientaux) à résister à ce braquage à ciel ouvert et à se ranger du côté de la République contre tout grenouillage, supercherie et magouilles d’Etat. »
Le ras-le-bol du prix Nobel
Devant plusieurs jeunes du Sud-Kivu, le prix Nobel de la paix Denis Mukwege a dénoncé un contrat minier gracieux accordé par Tshisekedi aux Émirats Arabes Unis pour l’exportation de l’or artisanal et du coltan dans le grand Kivu. À la base de la création – très critiquée et remise en cause par la société civile – de la société Primera, ce juteux contrat reste au cœur d’un tollé général en République démocratique du Congo et fait perdre au pays, selon les calculs d’un parlementaire, au moins 500 millions USD le mois rien que pour le coltan.
Denis Mukwege, se levant également contre le monopole accordé aux Émirats Arabes Unis d’exporter – durant 25 ans – l’or issu de l’exploitation artisanale, appelle les jeunes congolais à dire non contre ce que beaucoup qualifient de « bradage » des minerais congolais au profit d’une minorité au pouvoir.
« L’or du Kivu qui s’exporte en tonnes, qu’on puisse donner à une entreprise qui n’a investi que 20000 USD, qu’on donne à cette entreprise le monopole d’exporter cet or. N’importe qu’ici si on lui donne ça (…). Pourquoi vous vous taisez, la solution, organisons-nous pour que la semaine prochaine, fixons le rendez-vous et si nous sommes dirigés, pour dire non à ce qu’ils sont en train de faire », a lancé le prix nobel congolais.
Denis Mukwege estime que les Émirats Arabes Unis, pays riche en pétrole, n’ont pas à venir « piller 500 millions USD chaque mois ». Il accuse dans la foulée les autorités de Kinshasa de « complicité ».
« Vous avez suivi tous, une vidéo qui circulait, où un député de la place dénonçait une société qui a le monopole de tout l’or du Kivu en investissant 20 mille dollars. En investissant ce montant en complicité avec nos autorités, ils font perdre à nous tous, puisque cet argent nous appartient, 500 millions de dollars chaque mois. Ça ne nous révolte pas. Les Émirats arabes n’ont pas besoin de l’or congolais, ils ont beaucoup de pétrole. Pourquoi ils peuvent venir ici pour piller 500 millions chaque mois des peuples congolais », a-t-il ajouté.
« La mafia organisée »
Au parlement congolais, un député hausse le ton pour dénoncer, selon ses calculs, un manque à gagner de 500 millions USD chaque mois dans ce deal soutenu par l’administration Tshisekedi. Dans sa démarche, le député Alfred Maisha indexe trois membres du gouvernement congolais d’être impliqués dans cette « mafia organisée ». Il a donc adressé une question écrite aux ministres des finances, des mines et du portefeuille. Devant la presse, M. Maisha a expliqué que dans la constitution de deux sociétés Primera – l’une dans l’or artisanal et l’autre dans les 3T – les opérateurs émiratis n’apportent pas grand-chose mais sont les grands bénéficiaires.
« Au terme de cet accord, il est indiqué que la société Primera et la RDC, créent ensemble deux sociétés Primera RDC, l’une Primera Gold, pour l’or ; et l’autre Primera Metals, pour les 3T. Il s’agit là d’une mafia organisée. Pourquoi ? Parce que chaque société Primera n’apporte que 20.000 $, Primera Gold 20.000 $, Primera Metals 20.000 $ et dans les 20.000 $ la RDC apporte 9000 $ et la société mère Primera n’apporte que 11.000 $. », a-t-il déclaré.
Malgré ces avantages gracieux, ce parlementaire s’étonne qu’à cause « de 11.000$ les trois membres du gouvernement accordent un monopole pendant 25 ans pour l’or, le coltan, la cassitérite, le cobalt, bref le 3T, en sorte que Primera soit la seule société à pouvoir commercialiser ces minerais congolais ».
Un régime fiscal illégal
Si à son arrivée au pouvoir, le Président Tshisekedi a dénoncé les exonérations accordées notamment à la SICOMINES par le fisc congolais, jusqu’à pousser son chien de garde des finances publiques à les bloquer, il tombe lui-même dans le même piège. En supervisant personnellement la signature de ce contrat créant Primera Gold, Félix Tshisekedi a avalisé un régime fiscal gracieux au profit de Primera, ce que continuent de contester les acteurs de la société civile et aujourd’hui le député Maisha. Il dénonce un accord qui ne respecte pas les règlements du code minier en vigueur et ce, au détriment des sociétés à capitaux congolais.
« On accorde à la société Primera un régime fiscal privilégié, plusieurs exonérations. Ils réduisent, là où elle (Primera) doit payer au taux scandaleux. Rien que pour le coltan. Les sociétés minières congolaises et entités des traitements congolaises payent 12 % de la valeur de chaque marchandise, du moins de la cargaison des minerais à l’exportation. Là où les sociétés congolaises payent 12%, Primera ne payera que 3,5 %. Nous avons calculé, uniquement pour le coltan, le trésor congolais perd 80% de ses revenus au cours d’un mois. À voir le flux, nous perdons 500 millions USD chaque mois pour les 3 provinces et pendant 25 ans. Nous avons donc dit que c’était inadmissible », s’est-il indigné.