Dans le Haut-Katanga, province minière au coeur de la copperbelt en République Démocratique du Congo (RDC), l’exploitation des minerais de transition menace l’environnement de « destruction ». Via MINES.CD, les experts appellent l’État congolais et les entreprises à « agir » pour sauver les écosystèmes dans les zones minières.
Le monde repose ses espoirs sur la transition énergétique, un processus devant permettre de quitter les énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Cette transition, selon les prévisions, sera un atout important notamment dans la lutte contre le dérèglement climatique. Ainsi, pour aboutir à ce résultat, les industriels ont besoin des minerais de transition tels que le cobalt, le lithium ou encore le nickel, nécessaires dans la fabrication des outils de transition tels que des batteries pour voitures électriques.
Mais dans le Haut-Katanga, l’exploitation de ces minerais a un impact négatif sur l’environnement, souligne la société civile minière locale. Dans un entretien à MINES.CD, Frédéric Malu, un expert environnemental et membre des organisations de la société civile dans les mines et l’environnement, explique que si la transition énergétique augure « des bonnes choses » pour la planète, elle a en revanche un effet contraire dans les zones où les minerais de transition sont extraits.
« C’est déjà un avantage, le fait de changer de mode de production, de quitter les énergies polluantes vers les énergies vertes », reconnaît Malu. « Il y a une forte demande de minerais stratégiques nécessaire à la transition énergétique sur les marchés internationaux. Ici, nous avons le cobalt et le cuivre, mais l’exploitation de ces minerais engendre des nombreux problèmes pour les communautés locales, notamment la pollution environnementale, l’expropriation des terres et la délocalisation », a-t-il ajouté.
Des effets dévastateurs sur l’environnement constatés
Pour Malu, l’exploitation minière industrielle est « une destruction de l’environnement ». Parmi les impacts, il y a l’épineux problème de « pollution de l’air, de la terre et des eaux » dans la région.
En effet, constate cet expert, la pollution environnementale touche la santé des habitants vivant au contact des mines dans la région. D’après des études du centre de toxicologie de l’Université de Lubumbashi, il s’observe une augmentation « des métaux lourds » dans l’organisme humain, ce qui pourra amener à des maladies.
« Ces métaux peuvent être tolérés dans l’organisme à partir d’une certaine proportion, au-delà ça peut créer des maladies cardiovasculaires », a-t-il indiqué tout en appelant à préciser les écosystèmes. « L’homme a droit à vivre dans un environnement sain. Alors, quand l’environnement est pollué, la vie de cet homme est en danger, d’où la nécessité de s’engager dans le cadre de préserver les droits humains ».
De son côté, Mylor Shutcha, Coordonnateur du Cabes et Professeur à la faculté des sciences agronomiques de l’Unilu, attire l’attention sur le danger qui pèse sur la biodiversité dans le pays autour des régions minières. D’après lui, la biodiversité n’est pas bien gérée au point « d’assister à un déclin à l’échelle nationale ».
Le plaidoyer d’Amnesty International en faveur des communautés impactées
Dans cette même lancée, Amnesty International, une organisation de Droits de l’homme, a plaidé pour le respect des droits humains dans l’exploitation des minerais de transition. Kristina Hatas, spécialiste de l’économie et des droits humains au sein de cette organisation, souligne les violations des droits de l’homme dans l’extraction des matières premières.
« Dans les pays où sont extraites ces matières premières, il y a de nombreuses violations des droits humains. Par exemple, des conditions de travail sans sécurité, des problèmes de santé dus à ces conditions de travail, du travail forcé, des violations des droits des peuples autochtones… ou encore de la pollution qui conduit à son tour à des violations des droits fondamentaux, comme le droit à la nourriture ou à l’eau », a-t-elle déclaré à DW, un média allemand, lors de présentation d’un nouveau rapport en Allemagne, au milieu d’octobre.
Dans ce rapport consulté par MINES.CD, Amnesty International a appelé les entreprises au devoir de diligence pour faire respecter les droits humains des peuples autochtones. Pour Kristina Hatas, ce devoir de diligence veut dire « les entreprises identifient les risques d’impact de leurs activités et de leurs chaînes d’approvisionnement sur l’environnement et sur les droits humains ».
Appel au respect des normes environnementales
Pour sauver l’environnement de cette emprise, la société civile locale a appelé l’Etat congolais à contraindre les entreprises au respect de la réglementation environnementale en vigueur dans le pays. Le respect de ces règles permettra de préserver l’environnement contre les dangers prochains de la transition énergétique, notamment sur les écosystèmes locaux.
« Il faut que l’Etat joue correctement son rôle, parce que quand on parle de l’environnement minier, il y a un élément important auquel tout le monde est soumis, qui est en même temps un indicateur : ce sont les études d’impact environnemental et social », martèle Frédéric Malu, qui regrette cependant que les entreprises minières s’acquittent de cette obligation sans prendre au sérieux cette activité.
« On peut prendre l’étude d’une entreprise X, on change juste le nom et on dépose et on dit que l’entreprise s’est acquittée de cette obligation, pourtant dans la pratique, c’est autre chose. Il faut que l’Etat soit très regardant et qu’il prenne ses responsabilités », a-t-il insisté.
Saïbe Kabila