En Ituri, les écoles se vident de ses maîtres. Une fuite silencieuse mais massive. Selon les autorités éducatives, plus de 500 enseignants et directeurs d’école ont déserté leurs postes pour se tourner vers des activités jugées plus rentables : l’exploitation artisanale de l’or et la culture du cacao. Un phénomène qui touche les territoires de Mambasa, Djugu, Irumu, ainsi que la ville de Bunia, au cœur d’une province fragilisée par l’insécurité et la crise économique.
L’alerte a été officiellement donnée par Yvon Abwasele, inspecteur provincial de l’EPST Ituri 1, lors du lancement d’un concours spécial destiné à recruter de nouveaux enseignants pour combler ce déficit sans précédent.
« Ils sont plus de 500 enseignants et directeurs qui ont abandonné leur noble métier pour se concentrer sur l’exploitation minière et la culture du cacao. Ils n’ont pas pensé à leurs élèves et ont tout abandonné », s’est-il indigné.
Des démissions concentrées selon les zones
Le phénomène n’est pas uniforme.
À Djugu et Irumu, c’est l’orpaillage artisanal qui attire les enseignants, séduits par des gains immédiats dans un secteur où l’État peine à réguler.
À Mambasa, une trentaine d’enseignants ont préféré les revenus plus stables de la culture du cacao.
Sur les routes poussiéreuses qui traversent ces territoires riches en ressources, les salles de classe se vident, tandis que les mines et les plantations, elles, se remplissent.
Une école étranglée, un système à bout de souffle
Cette vague de défections n’est pas sans conséquences. Les écoles manquent d’encadreurs, les classes se retrouvent surchargées, et le calendrier scolaire provincial vacille. Pour les enfants, surtout en zones rurales, l’avenir devient plus incertain encore.
Mais derrière cet exode massif se cache une réalité plus profonde : la précarité chronique du métier d’enseignant en RDC.
Salaires irréguliers, années entières sans paie, absence de mécanismes de protection sociale… Pour beaucoup, enseigner signifie survivre dans des conditions indignes. Et la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement primaire, saluée par les parents, a eu un effet collatéral brutal : la disparition de certaines contributions informelles qui permettaient à de nombreux enseignants non mécanisés de tenir.
Privés de revenus, certains se tournent vers ce qu’ils considèrent comme une issue de secours.
L’or et le cacao, refuges économiques malgré les risques
Dans les mines artisanales de Djugu comme dans les plantations de cacao de Mambasa, les revenus sont certes incertains, mais souvent supérieurs à un salaire d’enseignant payé irrégulièrement. Ce glissement massif vers l’informel illustre une réalité : tant que le métier d’enseignant ne permettra pas de vivre dignement, l’école restera fragile.
Azarias Mokonzi




