On croirait un État dans un État. Depuis plus de cinq mois, la cité de Rubaya est contrôlée par les rebelles du M23-RDF en dépit de toutes les tentatives amorcées par les résistants Wazalendo pour les déloger de cette cité minière stratégique de la province du Nord-Kivu.
D’après nos sources sur place, ces rebelles utilisent du matériel de grand tonnage pour l’exploitation avant le transport à partir de Rumangabo où une route réhabilitée pour le Rwanda a déjà été entretenue. La présence des mercenaires blancs est même signalée dans la zone, fait savoir une source qui indique que ces assaillants coopèrent avec certains congolais qui se font passer pour des opérateurs économiques.
« L’ennemi continue à exploiter nuit et jour. Il a eu à amener des mercenaires blancs dans la zone, y compris certaines multinationales qui passent par certains individus. Ils ont déjà installé tout ce qui est comme outil nécessaire en vue d’exploiter en masse les minerais. Ils quittent Rubaya et sont acheminés vers une localité qu’on appelle Mushaki où il y a un entrepôt. Ils quittent ensuite Mushaki pour Kitchanga. Là, il y a de grands camions qui les acheminent vers le Rwanda. Il y a certains congolais qui sont de mèche avec le Rwanda. Ils se font passer pour des acheteurs mais, au service du Rwanda », a révélé notre source à Rubaya, sous couvert d’anonymat.
Des opérateurs économiques et non économiques utilisés par le Rwanda
Outre ces personnes, certains opérateurs économiques connus ainsi que quelques officiers qui travaillent pour la cause du Rwanda, mais qui se dissimulent sous l’identité des FARDC, participeraient aussi à cette mafia. Plusieurs lots de minerais quittent Rubaya jusqu’à Kitchanga, (une autre agglomération stratégique occupée par les rebelles) et de là jusqu’au Rwanda via le territoire de Nyiragongo à la borne 11. D’autres lots de minerais passent même par la grande barrière. Ils quittent Rubaya vers Mushaki et passent par des collines de Bweremana pour être acheminés à Minova. De là encore, ils quittent Minova et entrent dans des bateaux pour atteindre la ville de Goma.
« Ces minerais sont acheminés de Rubaya vers Mushaki, de Mushaki ça passe sur des collines vers Bweremana, Minova et ça entre dans les bateaux jusqu’à Goma et ça passe par la grande barrière. Ce sont des congolais utilisés par le Rwanda qui se font passer pour des hommes d’affaires alors qu’en réalité, ils sont en train d’enrichir le pays qui nous cause du tort jusqu’à aujourd’hui. Il y a ceux qui sont connus comme opérateurs économiques et les autres, non. Certains opérateurs économiques de Rubaya s’étaient retirés de la zone pour éviter cette manipulation. D’autres ont trouvé l’occasion de s’enrichir derrière le Rwanda qu’ils servent. Il y a aussi certains officiers de l’armée qui seraient dans cette contrebande. Ces opérateurs économiques sont de la région, d’autres sont à Goma ainsi que dans des zones contrôlées par les rebelles du M23 », a-t-elle poursuivi.
Des enfants utilisés dans l’exploitation
Une autre source à Rubaya indique que les rebelles utilisent les enfants dans cette exploitation minière. Les anciens exploitants sont soumis à des taxes imposées par ces rebelles, affirme notre source.
« Ici à Rubaya, c’était le PE4731 de l’honorable Édouard Mwangachuchu qui est en prison. Son périmètre d’exploitation est riche en coltan, cassitérite et pierres de couleur tels que tourmalines et bcp d’autres. Après la concurrence de Rubaya qui est devenu le centre minier et commercial, l’ennemi est venu, avec tous les grands camions pillés aux forces de l’EAC, il les utilise pour l’évacuation des minerais d’ici à Rubaya-Mushaki. Destination : Rwanda via Bunagana. Les enfants sont beaucoup utilisés. Nous, les organisations des droits humains, nous n’avons aucun mot à dire, nous dans la zone. Les anciens exploitants ordinaires n’ont pas de problème à conditions qu’ils respectent les exigences : payer leur taxes illégales, présenter les minerais exploités, … Je pouvais même vous partagez les photos de camion, se rendre même dans le carrière pour prise des photos des enfants et femmes mais la sécurité n’est pas assurée », a-t-elle déclaré.
Ce pillage se poursuit à une vitesse de croisière, a dénoncé le député national Mbindule Mitono Crispin. Ce député UDPS renseigne que chaque semaine, ces rebelles exploitent plus de 400 tonnes de coltan et plus de 500 tonnes de cassitérite.
« Il y a l’exploitation dans la cité minière de Rubaya. Chaque semaine ils exploitent plus de 400 et 500 tonnes de coltan et de cassitérite. Ils exploitent l’or dans le Parc national de Virunga et tous les minerais sont acheminés au Rwanda. Et c’est le Rwanda qui s’occupe de l’évacuation de ces minerais », avait-il révélé à Mines.cd.
Devant le Conseil de Sécurité, lundi 30 septembre dernier, la Cheffe de la MONUSCO avait révélé que l’exploitation minière à Rubaya procurait assez de moyens financiers à la rébellion. Seulement sur les taxes de production, les rebelles génèrent par mois 300.000 USD, soit plus de 270.000 Euros. La rébellion consolide donc son emprise sur la zone d’extraction du coltan dans la zone.
Selon un journaliste à Masisi, au-moins 4 camions pleins de minerais quittent Rubaya pour le Rwanda ou l’Ouganda. « Les camions à dix roues et ceux de marque Land-cruisers passent souvent et chaque jour avec des minerais. Au moins par jour, 4 véhicules sur la piste Rubaya-Kausa-Kitshanga, vers Kibumba, vers Rwanda ou Bunagana, ou encore vers Ouganda ».
Ce dernier estiment que les enfants utilisés dans l’exploitation sont ceux qui ratent l’encadrement scolaire. « Les rebelles utilisent toujours les hommes, les jeunes garçons, comme creuseurs. Certains enfants qui sont innoccupés dans la zone figurent aussi parmis les creuseurs, et il y a même des femmes qui font le nettoyage des minerais », a-t-il conclu.
Rubaya est une entité minière dont la production présente plus de 15% de l’offre mondiale de tantale, selon les données de l’ONU.
Azarias Mokonzi