Trois ans jour pour jour après sa prise par les rebelles du M23, la cité frontalière de Bunagana reste sous contrôle du mouvement armé soutenu par l’armée rwandaise. Située au carrefour des routes commerciales entre la RDC, l’Ouganda et le Rwanda, Bunagana s’impose aussi comme un point névralgique dans la chaîne d’exploitation minière artisanale, notamment de l’or et de la cassitérite.
Alors que Kinshasa multiplie les démarches diplomatiques, la situation sur le terrain reste figée. Pour Fabrice Saa Mbili, cadre du parti Ensemble pour la République au Nord-Kivu, cette occupation prolongée n’a rien d’un conflit idéologique.
« Ce n’est pas une guerre idéologique, c’est un business armé. À Bunagana, ce sont nos minerais qui dictent les rapports de force », déclare-t-il, accusant directement le Rwanda d’organiser un pillage systématique des ressources congolaises.
Une économie parallèle sous emprise armée
Selon cet acteur politique, la RDC perd chaque jour davantage de contrôle sur ses richesses, au profit d’un réseau structuré mêlant rebelles et puissances étrangères.
« On ne peut pas parler de développement minier au Kivu pendant que ce sont les fusils qui signent les contrats », fustige Saa Mbili.
Il estime que le mutisme des autorités congolaises équivaut à une abdication de souveraineté face à une économie parallèle qui prend racine sur le territoire national.
« À force de fuir ses responsabilités, l’État permet à l’ennemi de structurer une économie parallèle sur nos terres », affirme-t-il, déplorant l’absence d’actions concrètes sur le terrain.
Un silence international préoccupant
Au-delà des frontières congolaises, Fabrice Saa Mbili s’indigne également du manque de réaction de la communauté internationale, qu’il juge complice par son inaction.
« L’or du Congo alimente les circuits mondiaux, mais son peuple s’enfonce dans la pauvreté. Où est la justice ? Où est la souveraineté ? », s’interroge-t-il.
Pour lui, la situation à Bunagana dépasse le simple cadre local. Il s’agit d’un enjeu national, voire stratégique pour la survie économique de la RDC.
« Ce qui se joue à Bunagana, ce n’est pas une bataille locale. C’est le cœur économique de notre nation qui bat sous occupation », alerte-t-il.
Un appel à la fermeté
Fabrice Saa Mbili plaide pour un sursaut patriotique, alliant riposte militaire et réforme du secteur minier. Il prévient que sans reconquête de Bunagana et sans assainissement des circuits d’exploitation, c’est toute l’économie nationale qui continuera à saigner au profit d’intérêts étrangers.
Alors que Bunagana entre dans sa quatrième année d’occupation, les appels à l’action se multiplient, mais sur le terrain, la situation reste inchangée, laissant les populations locales dans l’angoisse, et les minerais du Kivu entre les mains des armes.
Azarias Mokonzi