Le 13 juillet, Didier Budimbu, ministre des Hydrocarbures de la République démocratique du Congo (RDC), a signé un protocole d’accord avec son homologue angolais pour mettre en œuvre la Zone maritime d’intérêt commun (Zic). Créée il y a plus de 15 ans, la Zic vise à permettre une exploitation commune du pétrole entre les deux pays. À termes, les deux pays partageront environ 115 000 barils de pétrole par jour. Cependant, la RDC pourrait prétendre à en produire davantage, car d’énormes réserves de pétrole actuellement exploitées par l’Angola se trouvent à l’intérieur des frontières maritimes du pays. Alors, pourquoi la RDC n’a-t-elle pas accès à ces blocs malgré ses revendications ?
Bonjour et bienvenue dans ce 28e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et de Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC, qui tente chaque semaine d’éclairer un sujet d’actualité en RDC. Je suis Jacques Mukena, chercheur principal en gouvernance à Ebuteli. Nous sommes le vendredi 21 juillet 2023.
Depuis plus de 15 ans, la RDC tente de revendiquer la moitié des gisements de pétrole en cours d’exploitation par l’Angola. Ces blocs pétroliers, qui représentent le tiers de la production pétrolière de l’Angola, sont situés à l’intérieur des frontières maritimes de la RDC. En effet, les eaux territoriales actuelles de la RDC ne s’étendent que sur une zone de 22,2 kilomètres. Cependant, selon l’article 76 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la RDC a le droit d’étendre ses eaux maritimes jusqu’à 370 kilomètres, ce qui engloberait les blocs pétroliers les plus productifs de l’Angola.
Qu’est ce qui justifie la réticence des autorités congolaises?
Tout d’abord, l’Angola détient un poids sécuritaire et diplomatique important. Un exemple concret est son soutien financier et militaire substantiel à la RDC lors de la guerre de 1998. Cette assistance avait sans aucun doute influencé l’approche mesurée et prudente de Laurent Kabila concernant les questions des frontières maritimes. En outre, malgré la mise en place de la Zic en 2007 pendant le régime de Joseph Kabila, l’Angola n’a jamais accordé de concession significative à la RDC. À l’époque, les tensions persistantes autour des limites maritimes entre les deux pays avaient même fait détériorer leurs relations diplomatiques, allant jusqu’à des expulsions des ressortissants des deux pays.
C’est dans ce contexte que le président Félix Tshisekedi s’est trouvé dès son accession au pouvoir. À l’instar de ses prédécesseurs, Tshisekedi a choisi de ne pas engager un conflit ouvert avec l’Angola, préférant, du moins pour le moment, se limiter à la mise en œuvre de la Zic. Cette approche a été maintenue malgré les conclusions du rapport de la Banque mondiale, qui évalue les pertes financières de la RDC à près de 80 milliards de dollars entre 2009 et 2021. Ceci s’explique, entre autres, par le fait que l’Angola occupe toujours une position stratégique importante en matière de sécurité pour la RDC. Aujourd’hui, par exemple, l’Angola joue un rôle de médiateur entre la RDC et le Rwanda dans le conflit lié à la rébellion du M23.
De plus, d’un point de vue économique, les deux pays sont interdépendants. Récemment, la signature d’un accord entre eux pour développer un nouveau corridor ferroviaire reliant la ville de Kolwezi et le port de Lobito en Angola offre à l’industrie minière du Lualaba un accès rapide et moins coûteux pour évacuer ses minerais que celui vers l’Afrique australe. La mise en œuvre de ce projet requiert une entente cordiale avec Luanda pour que soient menés à bien ces projets mutuellement bénéfiques.
Toutefois, même dans l’hypothèse où la RDC obtiendrait gain de cause devant les cours de justice internationale, elle ferait face à des difficultés logistiques et techniques pour exploiter son pétrole. Contrairement à ses deux voisins, l’Angola et le Congo-Brazzaville, la RDC n’est pas un grand pays pétrolier : à ce jour, seule l’entreprise junior anglo-française, Perenco, produit environ 25 000 barils de pétrole par jour sur la côte ouest. En revanche, l’Angola, qui produit plus d’un million de barils par jour, abrite plusieurs grandes compagnies pétrolières telles que BP, Exxon Mobil et Total qui entretiennent des liens étroits avec le pays. Ces compagnies pourraient être réticentes à coopérer avec la RDC si cela les mettait en conflit avec l’Angola.