La congolaise, Marie-Chantal Kaninda, a été nommée début mai, au poste de présidente du géant anglo-suisse Glencore RDC, filiale congolaise de cette grande entreprise de négoce, de courtage et d’extraction de matières premières. Grâce à cette nomination, Marie-Chantal Kaninda – déjà très connue dans le secteur minier – fait actuellement partie de la liste des femmes les plus influentes du continent africain, tout en se frayant un chemin dans un secteur jadis dominé par les hommes.
Assurant déjà les commandes de Glencore RDC depuis le début de l’année 2023, elle a officiellement pris ses fonctions de présidente au sein de cette entreprise minière, à un moment où, le géant anglo-suisse connaît plusieurs rebondissements historiques. En effet, Glencore cherche actuellement à donner des gages aux autorités du pays après avoir été pointé du doigt pour des actes de corruption comis entre 2007 et 2018.
Fin 2022, la direction de Glencore, siégeant en Suisse, indiquait que dans le cadre d’un accord conclu avec Kinshasa, la société prenait l’engagement de verser à l’État congolais une somme qui s’élève à 180 millions de dollars américains pour solder les litiges concernant les différentes accusations accablantes de corruption, révélées par une enquête de l’agence anticorruption britannique Serious Fraud Office (SFO). Une somme que la société civile locale qualifie de « modique », brandissant les « milliards USD » de perte subie par la RDC dans les cessions « frauduleuses » de ses mines à Glencore.
« La nomination de Marie-Chantal Kaninda à ce poste prouve en tous les cas qu’elle a les épaules suffisamment solides pour faire face à la situation et maintenir la filiale congolaise de la multinationale sur les bons rails. Une décision qui doit sans doute aussi à son engagement en tant que présidente de l’Initiative anticorruption pour le secteur privé de la RDC », a expliqué Forbes Afrique.
Une vingtaine d’années d’expérience
La nouvelle présidente de Glencore, Marie-Chantal Kaninda, représente à elle seule plus de 25 années d’expérience dans le secteur minier. Elle affiche une assurance tranquille dans ce milieu qui demeure à ce jour dominé par le genre masculin, où elle a fait l’essentiel de sa carrière avec la « difficulté » d’être une femme.
En dépit de cette difficulté, elle a su briser plusieurs plafonds de verre et occupé des postes de direction et de gestion dans les départements des ressources humaines, des relations extérieures, de la communication et des fonctions de performance sociale, devenant notamment la première africaine à occuper les plus hautes fonctions au sein du Conseil mondial du diamant et du conseil d’administration de Kamoto Copper Company, une entreprise de la filière cuprifère cogérée par Glencore et la société publique congolaise Gécamines.
Selon des informations rapportées par Forbes et vérifiées par MINES.CD, tout d’abord, Marie-Chantal Kaninda est titulaire d’une licence d’économie obtenue à l’université de Liège en Belgique. Elle effectue ses premières armes dans le secteur aurifère en 1998, en rejoignant le groupe ghanéen Ashanti Goldfields, où elle occupe pendant cinq ans le poste d’Office Manager en RDC. Lorsqu’en 2003, Ashanti Goldfields fusionne avec AngloGold pour devenir AngloGold Ashanti, la jeune femme continue d’évoluer au sein de l’administration de la nouvelle société, passant Administration Business Manager et assurant la gestion des ressources humaines.
Ensuite, en 2005, elle quitte le secteur de l’or pour celui du diamant en intégrant l’entreprise sud-africaine De Beers, premier conglomérat diamantaire du monde. Pendant six ans, elle y occupe plusieurs postes de responsabilité, dont la direction des ressources humaines et celle des affaires externes, et officie également en tant que gestionnaire de communautés pour les missions du groupe en RDC, en Angola, au Botswana et en Inde, ce qui lui permet de mieux s’imprégner des réalités du secteur, une expérience qui jouera sans nul doute en faveur de sa nomination à la tête du Conseil mondial du diamant (CMD) en 2017.
Enfin, dès 2012, Marie-Chantal Kaninda est promue directrice des relations extérieures pour l’Afrique de la firme anglo-australienne Rio Tinto, deuxième groupe minier au monde par sa capitalisation boursière – 125 milliards de dollars américains de valorisation. À ce poste, elle prodiguera pendant plus de quatre ans des conseils stratégiques pour le développement et le renforcement de la présence du groupe dans plusieurs pays d’Afrique.
La rigueur avant tout
Mariée et mère de deux enfants, Marie-Chantal Kaninda est décrite par ses pairs, comme « bienveillante et humble », mais elle est aussi reconnue pour sa poigne et sa rigueur dans l’exécution des tâches assignées. « Elle porte beaucoup d’attention au travail bien fait et veut que chacun de nous donne le meilleur de soi », explique ainsi Léontine Kazamwali, assistante administrative chez Glencore RDC, cité par Forbes et qui se dit « très fière de travailler à ses côtés ».
Marie-Chantal Kaninda, ayant acquis une réputation d’être polyvalente, a réussi à piloter plusieurs grands projets dans dans plusieurs autres secteurs. Elle a travaillé avec des personnes issues d’horizons divers et a toujours su s’adapter aux environnements professionnels au sein desquels elle évoluait.
« À travers sa structure, MCK&L Consulting Limited fondée en 2016, elle a par ailleurs conseillé et guidé nombre d’entreprises sur les opportunités d’investissement en RDC, les aidant à établir leurs filiales et bureaux avec une compréhension optimale du contexte africain », a indiqué la même source.
Lors de son passage professionnel en Angola, elle a conduit avec brio la relocalisation d’une communauté rurale dans un pays où elle ne comprenait pas la langue – en tant qu’étrangère, elle devait se faire accepter pour assurer un travail en conformité aux normes internationales – dans l’unique but de sauvegarder l’image de l’entreprise à travers le monde.
« Dans mon mélange de portugais, d’espagnol et de français, j’ai réussi à établir un bon contact. D’abord avec les femmes et les jeunes de la communauté, et ensuite avec les hommes. Au final, les relocalisations ont été un succès et nous ont valu les félicitations du groupe pour lequel je travaillais. Et ce modèle a été repris dans plusieurs autres pays où ce groupe avait des activités », a expliqué Marie-Chantal Kaninda.
S’imposant dans une industrie n’ayant pas encore matérialisé l’égalité des sexes en son sein, Marie-Chantal Kaninda a toujours pris soin d’éviter de mettre trop en avant son côté « femme ». Dans ce milieu majoritaire masculin, elle a appris à travailler comme un homme, basant sa réputation sur ses capacités intellectuelles et ses compétences professionnelles, car, comme elle l’explique, « pendant les études, il n’y a pas de diplôme pour femme ou pour homme ».
Par ailleurs, comme renseigné par Forbes Afrique, sous son mandat, le Conseil mondial du diamant sera notamment invité à s’exprimer au Département d’État américain afin de présenter sa stratégie – une fonction de représentation stratégique du CMD que la dirigeante congolaise endossera avec succès également aux Nations unies, au Conseil européen, à l’Union africaine, à l’OCDE ou encore à l’African Belgium Business Week (ABBW) – dont elle sera plusieurs fois présidente d’honneur.