Les informations disponibles montrent qu’Ivanhoe a bénéficié d’avantages illégaux lors d’opérations d’initiés ; dans une affaire distincte, la police canadienne recherche des preuves de corruption.
Washington, DC et Kinshasa, le 15 décembre 2022 — Tout en se présentant comme un gardien consciencieux de l’environnement et des meilleures pratiques commerciales, le géant minier canadien Ivanhoe Mines semble avoir acquis le pouvoir d’ignorer certaines lois et réglementations nationales dans le cadre d’accords visant à maintenir ses projets d’exploration minière en République démocratique du Congo (RDC).
Un nouveau rapport d’enquête The Sentry : « Détournement du système : Comment un géant minier canadien s’est joué de la loi en RDC » s’intéresse au contrôle par Ivanhoe d’un gisements potentiellement très riches dans la ceinture cuprifère centrafricaine. Les informations examinées par The Sentry révèlent que la société dont la valeur est de plusieurs milliards de dollars américains, dirigée par le fondateur d’origine américaine Robert Friedland, s’est arrangée pour céder des parts potentiellement lucratives de filiales locales à une personne politiquement connectée, au moment où le gouvernement congolais prenait des mesures apparemment illégales permettant à Ivanhoe de maintenir certains permis de recherches. Selon l’analyse réalisée par The Sentry, ces permis auraient dû être rendus par Ivanhoe il y a déjà plusieurs années.
L’enquête menée par The Sentry met également en lumière un détail non déclaré auparavant dans le rapport annuel 2021 d’Ivanhoe, révélant que la police canadienne avait exécuté un mandat de perquisition du siège social de l’entreprise, citant des motifs raisonnables pour croire qu’au Congo Ivanhoe avait enfreint la loi canadienne sur la corruption transnationale entre 2014 et 2018.
Douglas Gillison, enquêteur senior chez The Sentry, déclare : « Le peuple de la RDC mérite un gouvernement qui place la lutte contre la pauvreté avant les intérêts des initiés et des puissants. Toutefois, dans ce cas précis, les informations dont nous disposons suggèrent que, avec des sommes considérables en jeu, la loi ne semblait pas s’appliquer à un opérateur de premier plan doté de relations de haut niveau. Au minimum, les faits exposés dans ce rapport justifient des enquêtes approfondies sur la conduite d’Ivanhoe par les autorités compétentes dans plusieurs juridictions. »
Des reportages récents dans les médias indiquent que le type d’arrangement suggéré par les faits énoncés par The Sentry dans ce rapport, « Détournement du système », n’a peut-être pas pris fin avec l’ère Kabila. Des vidéos de caméras cachées publiées en septembre de cette année montrent apparemment Vidiye Tshimanga, alors proche conseiller du président de la RDC Félix Tshisekedi, prétendant détenir 20 % d’une co-entreprise non identifiée avec Ivanhoe Mines et disant à des personnes non identifiées qu’il croyait être des investisseurs potentiels qu’elles pourraient le payer en utilisant des arrangements commerciaux secrets et canaliser des paiements vers des partis politiques en adjugeant des contrats à des prestataires de services bien connectés, le tout avec l’approbation du président.
M. Tshimanga, qui a nié tout acte répréhensible, a par la suite démissionné et fait face à des poursuites, affirmant qu’il a été piégé par des acteurs malveillants opérant sous de faux prétextes, et la présidence a déclaré que tout conseiller reconnu coupable de violation des obligations légales ou éthiques serait tenu responsable. Ni M. Tshimanga ni un avocat le représentant n’ont répondu aux questions de The Sentry.
En réponse à la demande de commentaires par The Sentry sur les conclusions de ce rapport, Ivanhoe Mines a déclaré que ses opérations étaient soumises à des politiques anticorruption et à des contrôles internes stricts et que toute inférence de corruption ou de malversation était « tout simplement incorrecte ». La société a refusé de fournir des réponses détaillées à la plupart des questions posées par The Sentry, mais a déclaré qu’elles concernaient des processus et des procédures communs aux entreprises opérant au-delà des frontières internationales sur de longues périodes, ajoutant : « il existe des explications légales, commercialement raisonnables et conventionnelles pour ces questions ».
Ivanhoe Mines a déclaré à The Sentry qu’elle coopérait avec les autorités canadiennes et que les documents saisis par la police l’année dernière faisaient actuellement l’objet d’un examen visant à identifier les documents protégés par le privilège légal. La société a également déclaré qu’à ce stade, elle n’avait pas mis de côté de fonds en prévision d’une sanction pécuniaire et n’avait aucun autre commentaire à faire à ce sujet.