Face à l’envolée mondiale de la demande en métaux stratégiques, le président congolais Félix Tshisekedi durcit le ton. À l’occasion de la 61ᵉ réunion du Conseil des ministres, il a exigé le respect strict du dispositif de régulation du cobalt, symbole d’une RDC qui entend peser sur le marché mondial et défendre sa souveraineté économique.
Un virage assumé vers la souveraineté minière
C’est un message de fermeté et d’ambition que Félix Tshisekedi a délivré, ce 3 octobre 2025, à la Cité de l’Union africaine. La République démocratique du Congo, premier producteur mondial de cobalt, veut désormais reprendre la main sur sa ressource la plus stratégique.
Suspendues depuis mars dernier, les exportations reprendront le 15 octobre, mais sous un régime de quotas strictement encadré. Objectif : maîtriser le flux, assainir la filière et renforcer la valeur ajoutée nationale.
« La RDC dispose aujourd’hui d’un levier réel pour influencer le marché mondial », a martelé le chef de l’État, soulignant que cette stratégie a déjà porté ses fruits : en sept mois, le prix du cobalt métal est passé de 21 936 à 42 108 dollars la tonne, tandis que celui de l’hydroxyde de cobalt a triplé, atteignant 36 927 dollars.
Un signal fort, alors que le cobalt représente près de 70 % de la production mondiale issue du sous-sol congolais.
Discipline et transparence comme mots d’ordre
Le président Tshisekedi a instruit les ministres de l’Intérieur, des Finances et des Mines d’appuyer sans réserve l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (ARECOMS). L’institution, créée pour encadrer le commerce des métaux critiques, devra s’assurer que chaque exportation respecte les quotas fixés et que toute fraude soit sévèrement sanctionnée.
« La RDC doit être exemplaire dans la gouvernance de ses ressources », a insisté le président, évoquant la nécessité d’une discipline collective et d’une vigilance accrue face aux tentatives de contournement.
Un enjeu géopolitique mondial
En toile de fond, c’est la place de la RDC dans la transition énergétique mondiale qui se joue. Le cobalt, composant essentiel des batteries lithium-ion, alimente la révolution électrique, de Tesla aux constructeurs chinois. Mais il place aussi le pays au cœur d’un bras de fer entre géants économiques : Pékin ou Washington scrutent les décisions de Kinshasa.
En misant sur une politique de régulation, Félix Tshisekedi cherche à rompre avec des décennies d’extraction anarchique et à redéfinir le rapport de force. Une ambition qui s’inscrit dans la logique de « souveraineté économique » qu’il prône depuis le début de son second mandat.
Entre ambition et défi de gouvernance
Si les résultats économiques sont encourageants, les défis restent immenses : lutter contre la corruption, renforcer les capacités locales de transformation, et pressions des acteurs industriels. La mise en œuvre des quotas devra donc faire la démonstration d’un État capable de réguler un secteur entaché d’opacité.
Un rapport d’évaluation est attendu d’ici 30 jours. Il devra mesurer non seulement les performances économiques, mais aussi la capacité de l’administration congolaise à imposer la transparence dans une filière stratégique où s’entremêlent intérêts publics, privés et étrangers.
Junior Ngandu