L’accord stratégique signé le 18 juillet 2025 entre le gouvernement congolais et l’entreprise américaine KoBold Metals pour le développement de la section sud du gisement de lithium et d’étain de Manono, pourrait marquer un tournant décisif dans la gestion des ressources minières de la République démocratique du Congo (RDC). Considéré comme l’un des plus grands gisements inexploités de lithium pour batteries au monde, ce projet longtemps bloqué pourrait enfin voir le jour.
Mais au-delà de l’aspect extractif, Ted Beleshayi, expert-comptable et analyste du secteur minier, estime que cet accord revêt un enjeu stratégique majeur pour la souveraineté minière de la RDC.
La certification des ressources, un levier pour renégocier les partenariats
Pour Ted Beleshayi, l’arrivée de KoBold Metals ouvre la voie à une meilleure connaissance géologique du sous-sol congolais grâce à des études certifiées :
« Ce qui sera intéressant, ce sont les études géologiques que cette entreprise fera. Elles peuvent étendre la connaissance qu’on a sur le sol et le sous-sol congolais. Moi, j’aimerais que ces études soient certifiées. Il n’est pas normal que les titres miniers, qui sont le principal actif d’une entreprise minière, ne soient pas inscrits comme actifs de la société. »
La certification des ressources minières changerait la donne pour la RDC, estime-t-il, en redonnant à l’État un pouvoir de négociation réel :
« Le premier avantage, c’est la certification de nos ressources minières. Cela va tout changer, car nous saurons ce que nous apportons dans les négociations. Cela peut même changer le PIB de la RDC. »
L’exemple Dan Gertler : les dérives d’un secteur longtemps opaque
Ted Beleshayi rappelle les pratiques controversées du passé, notamment celles de Dan Gertler, pour illustrer l’importance de la valorisation transparente des ressources :
« Dan Gertler il achetait les minerais en s’appuyant sur les anciennes études de l’Union minière du Haut-Katanga. Il a constitué une société je dis n’importe quoi avec un bilan de 1 million de dollars et, dès que les ressources minières ont été certifiées par les organes de certification reconnues et agrées par les marchés boursiers comme JORC de l’Australie ou CIM du Canada membres de COMMITTEE FOR MINERAL RESERVES INTERNATIONAL REPORTING STANDARDS (CRISCO), en bourse sa société avec ses réserves minière certifiées valait 500 millions. Il la revendait ensuite et encaissait les bénéfices et plus values colossales pour devenir milliardaires sans même acheter une houe pour développer la mine.»
Pour éviter de tels abus, il appelle à un encadrement rigoureux et à la mise en œuvre stricte du Code minier.
Impact macroéconomique et bénéfices pour les communautés locales
L’expert voit dans ce partenariat un potentiel de croissance économique et de recettes budgétaires accrues :
« Tout investissement a un effet sur le PIB. Si la richesse nationale augmente, les recettes budgétaires augmentent aussi. Il y aura un double avantage : la croissance du PIB et une capacité accrue de l’État à intervenir dans le social. »
Ted Beleshayi insiste également sur la redistribution des redevances minières :
« Les mécanismes sont prévus dans le Code minier : les redevances doivent revenir aux communautés locales et aux entités territoriales décentralisées. L’administration congolaise doit veiller à ce respect.»
Des réformes structurelles indispensables
Pour lui, l’arrivée de KoBold Metals et, plus largement, des investisseurs américains pourrait contribuer à assainir la gouvernance minière grâce à une éthique des affaires plus rigoureuse :
« Avec l’éthique des affaires américaines, on peut réajuster les choses du point de vue comportemental et bénéficier de transferts technologiques. »
Mais il prévient que sans réforme structurelle, l’impact restera limité. « On a un problème d’autorité de l’État. Il faut continuer à réformer l’administration, mettre les bonnes personnes à la bonne place, des gens intègres, patriotes», a-t-il conclu.
Pierre Kabakila