Lors du Forum RDC-Afrique sur les métaux de batteries à Kolwezi fin septembre 2025, l’expert métallurgiste de la cellule technique de coordination et planification minière (CTCPM), Egyul Mamoko, a défendu une position tranchée : avant de parler de diversification économique, la RDC doit d’abord capitaliser sur son potentiel minier et sécuriser ses revenus dans un contexte mondial de transition énergétique.
Orateur au panel consacé à la « diversification économique et renforcement de la chaîne de valeur », Egyul Mamoko, métallurgiste à la Cellule technique de coordination et de planification minière, a retenu l’attention par une intervention lucide : la diversification économique de la RDC ne peut précéder la pleine valorisation du secteur minier.
« Le terme diversification économique ne me plaît pas beaucoup dans le contexte de la RDC », a-t-il confié devant un auditoire attentif. Et d’ajouter : « Nous sommes à l’ère de la transition énergétique. Notre priorité doit être de maximiser les recettes issues de l’exploitation minière. Pourquoi ne pas créer un Fonds souverain alimenté par ces revenus, pour financer par la suite des projets agricoles et industriels ? »
Le cobalt au cœur d’un basculement technologique
Pour cet expert chevronné, vouloir tourner trop vite le dos au secteur minier reviendrait à négliger la seule source actuelle de financement viable du pays.
« L’agriculture et les services exigent des capitaux colossaux. Où allons-nous les trouver si nous ne capitalisons pas d’abord sur nos ressources naturelles ? », interroge-t-il.
Son analyse va plus loin : la valeur stratégique des minerais, notamment du cobalt, est temporaire. Un avertissement lourd de sens pour un pays qui fournit plus de 70 % de la production mondiale.
« Ce qui est utile aujourd’hui ne le sera pas forcément demain », explique-t-il avant d’ajouter : « Les industriels, notamment en Chine, migrent déjà vers une nouvelle chimie des batteries – le LFP (Lithium Fer Phosphate) – qui n’utilise pas de cobalt. C’est une menace directe pour la R.D.Congo. »
Un repositionnement stratégique nécessaire
Face à cette évolution technologique, Egyul Mamoko appelle la RDC à repenser sa stratégie industrielle et à se positionner sur d’autres filières plus réalistes à court terme.
« Plutôt que de rêver d’une usine de batteries pour véhicules électriques — projet ni à court ni à moyen terme — concentrons-nous sur la chimie LCO (Lithium Cobalt Oxyde), utilisée dans les batteries de téléphones portables et le stockage stationnaire », propose-t-il.
Une orientation pragmatique, soutenue par un constat simple :
« En RDC, près de 62 millions de personnes possèdent un téléphone portable. Le marché est là. Pourquoi ne pas bâtir une chaîne locale de valeur autour de ce besoin réel ? »
Selon lui, cette stratégie permettrait d’attirer des investisseurs de la téléphonie et de l’électronique grand public — Apple, Dell, Samsung, Microsoft ou Toshiba — et d’ancrer durablement le pays dans la chaîne mondiale de valeur des technologies portables, sans attendre un hypothétique décollage du marché des véhicules électriques « made in DRC ».
La CTCPM, un acteur clé de la gouvernance minière
Créée le 11 avril 1978, la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière (CTCPM) demeure l’un des services stratégiques du ministère des Mines. Elle conçoit les politiques du secteur, émet des avis techniques, coordonne les activités minières et veille au transfert des technologies vers les cadres nationaux.
Sous l’impulsion du Coordonnateur Professeur Dieudonné-Louis Tambwe, et avec des xperts comme Egyul Mamoko, CTCPM ambitionne aujourd’hui de replacer la RDC au cœur du débat mondial sur les métaux critiques, non plus comme simple pourvoyeur de matières premières, mais comme acteur souverain et stratégique de la transition énergétique.
« Il est temps de nous réveiller et de regarder la réalité en face. La RDC doit d’abord maîtriser la valeur de ses minerais avant de rêver d’un autre modèle économique », conclut Egyul Mamoko, lucide mais optimiste.
À Kolwezi, au cœur du triangle du cuivre et du cobalt, son message résonne comme un appel à la raison dans un pays encore à la croisée des chemins entre espoir minier et diversification économique.
La Rédaction




