L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) alerte sur les risques d’une gouvernance institutionnellement bancale dans le cadre du partenariat stratégique entre la République Démocratique du Congo et les États-Unis, axé sur les minerais critiques et le développement économique. Dans un communiqué officiel publié ce mardi 17 juin 2025, dont MINES.CD a consulté une copie, l’organisation dénonce une série d’irrégularités dans le pilotage de ce projet d’envergure nationale.
Un pilotage contesté depuis la Présidence
Si l’ODEP salue les efforts diplomatiques déployés par le Président Félix Tshisekedi et la Ministre d’État en charge des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba, elle fustige toutefois la décision d’installer la cellule de suivi du partenariat au sein de la Présidence de la République. Selon l’organisation, ce choix constitue une violation des principes de bonne gouvernance administrative.
« Un projet d’une telle importance aurait dû être piloté par la Primature, conformément à l’article 91 de la Constitution, qui confère au Gouvernement la responsabilité de conduire la politique nationale », souligne le communiqué.
Plusieurs ministères directement concernés – Mines, Plan, Finances, Économie, Commerce, Industrie, Budget et Portefeuille – seraient exclus du dispositif actuel, une situation que l’ODEP qualifie d’« entorse institutionnelle ».
Des nominations opaques et partisanes
Autre sujet d’inquiétude : la composition de cette cellule présidentielle. L’ODEP dénonce le caractère partisan des nominations, effectuées sans appel public à candidatures ni critères transparents de sélection. Les postes de coordination seraient attribués à des proches du cercle présidentiel, dans un climat marqué par le favoritisme et le cumul de fonctions.
L’organisation s’alarme aussi de la supervision de cette cellule par le Directeur de Cabinet du Chef de l’État, qui se retrouverait de facto au-dessus de la Ministre des Affaires étrangères, créant ainsi une confusion hiérarchique inédite et contraire à l’éthique institutionnelle.
Le spectre de SICOMINES
L’ODEP n’hésite pas à faire le parallèle avec le très controversé contrat SICOMINES, signé entre la RDC et la Chine.
« En 18 ans, la Chine a tiré 17 milliards de dollars de ce partenariat, contre seulement 350 millions pour la RDC », rappelle l’organisation, en appelant à éviter la reproduction d’un tel déséquilibre.
Appel à un sursaut national et un Dialogue Inclusif
Au-delà des critiques, l’ODEP propose une série de mesures concrètes pour redresser la gouvernance du partenariat :
Le transfert de la cellule de suivi à la Primature ;
La recomposition de l’équipe en charge du projet, avec des experts reconnus issus des ministères sectoriels, du monde académique et du secteur minier ;
La publication d’un document de cadrage, fixant les objectifs, les mécanismes de suivi et les modalités de gouvernance.
Enfin, l’organisation réitère son appel à la tenue d’un Dialogue National Inclusif, estimant que seules des solutions venues de l’intérieur permettront de poser les bases d’un véritable pacte républicain.
« Les réponses aux crises congolaises ne viendront pas de l’étranger, mais d’un sursaut de conscience nationale », conclut l’ODEP.
Pierre Kabakila