Créée dans des conditions encore opaques, vivement dénoncée par la société civile congolaise, la société minière de droit émirati de nouveau au cœur d’une initiative appelant soit à sa dissolution soit à sa requalification. Au parlement congolais, un député hausse le ton pour dénoncer, selon ses calculs, un manque à gagner de 500 millions USD chaque mois dans ce deal soutenu par l’administration Tshisekedi.
Dans sa démarche, le député Alfred Maisha indexe trois membres du gouvernement congolais d’être impliqués dans cette « mafia organisée ». Il a donc adressé une question écrite aux ministres des finances, des mines et du portefeuille. Devant la presse, M. Maisha a expliqué que dans la constitution de deux sociétés Primera – l’une dans l’or artisanal et l’autre dans les 3T – les opérateurs émiratis n’apportent pas grand-chose mais sont les grands bénéficiaires.
« Au terme de cet accord, il est indiqué que la société Primera et la RDC, créent ensemble deux sociétés Primera RDC, l’une Primera Gold, pour l’or ; et l’autre Primera Metals, pour les 3T. Il s’agit là d’une mafia organisée. Pourquoi ? Parce que chaque société Primera n’apporte que 20.000 $, Primera Gold 20.000 $, Primera Metals 20.000 $ et dans les 20.000 $ la RDC apporte 9000 $ et la société mère Primera n’apporte que 11.000 $. », a-t-il déclaré.
Malgré ces avantages gracieux, ce parlementaire s’étonne qu’à cause « de 11.000$ les trois membres du gouvernement accordent un monopole pendant 25 ans pour l’or, le coltan, la cassitérite, le cobalt, bref le 3T, en sorte que Primera soit la seule société à pouvoir commercialiser ces minerais congolais ».
Un régime fiscal illégal
Si à son arrivée du pouvoir, le Président Tshisekedi a dénoncé les exonérations accordées notamment à la SICOMINES par le fisc congolais, jusqu’à pousser son chien de garde des finances publiques à les bloquer, il tombe lui-même dans le même piège. En supervisant personnellement la signature de création de Primera Gold, Félix Tshisekedi a avalisé un régime fiscal gracieux à Primera, ce que continuent de contester les acteurs de la société civile et aujourd’hui le député Maisha. Il dénonce un accord qui ne respecte pas les règlements du code minier en vigueur et ce, au détriment des sociétés à capitaux congolais.
« On accorde à la société Primera un régime fiscal privilégié, plusieurs exonérations. Ils réduisent, là où elle (Primera) doit payer au taux scandaleux. Rien que pour le coltan. Les sociétés minières congolaises et entités des traitements congolaises payent 12 % de la valeur de chaque marchandise, du moins de la cargaison des minerais à l’exportation. Là où les sociétés congolaises payent 12%, Primera ne payera que 3,5 %. Nous avons calculé, uniquement pour le coltan, le trésor congolais perd 80% de ses revenus au cours d’un mois. À voir le flux, nous perdons 500 millions USD chaque mois pour les 3 provinces et pendant 25 ans. Nous avons donc dit que c’était inadmissible », s’est-il indigné.
Primera, une société à mille péchés
En République démocratique du Congo, la société Primera Gold – filiale de la maison mère émiratie Primera Mining Limited – s’est ouverte sur des périmètres miniers litigieux. Cette société, dont les avantages gracieux continuent à faire l’objet de vives contestations, est accusée par quatre sociétés minières locales de miser sur leurs zones minières.
Nous sommes le 17 juillet 2023. En présence du Président congolais, les Émirats arabes Unis gagnent haut la main un deuxième gros contrat minier de près de 2 milliards USD. Une signature qui intervient moins d’un an après une autre octroyant un monopole de 25 ans à la même société pour assurer l’exportation de certains minerais dont l’or.
Seulement, comme le premier, le deuxième contrat ouvre la voie à une grosse grogne. D’abord dans le cercle des opérateurs miniers. À la base, le mariage avec la SAKIMA, la société aurifère du Kivu et Maniema. L’accord prévoit la mise en place de « plus de quatre mines industrielles » dans les provinces du Sud-Kivu et du Maniema, selon le texte.
L’entreprise parapublique Sakima possède des concessions minières contenant de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or. Aux termes de ce contrat, Primera Group détiendra une participation majoritaire dans deux co-entreprises, Primera Gold pour l’or et Primera Metals pour les « 3T » (étain, tungstène et tantale), qui bénéficient de taux d’exportation préférentiels.
Les sociétés minières Stone Mining Company SARL, CDMC SARL, Amur SARL et DFSA Mining CONGO crient à la violation du code et règlement miniers congolais. Dans une communication commune parvenue à la rédaction de MINES.CD, ces opérateurs dénoncent l’octroi, à Primera Gold, des périmètres miniers dont la SAKIMA a perdu la propriété exclusive.
« Cet accord a porté sur des périmètres couverts par des accords de joint-venture et contrats d’amodiation encore valides contractuellement et légalement. En sus, il a ignoré que les gisements miniers concernés aussi bien au Nord-Kivu, au Sud-Kivu qu’au Maniema ne sont plus la propriété exclusive de SAKIMA SA dont elle peut disposer à sa guise, sans concertation avec ses partenaires qui en possèdent les titres », dénoncent-elles.
Ainsi donc, ces quatre sociétés minières partenaires de SAKIMA SA et titulaires des titres invitent SAKIMA SA à « revenir à la raison et au bon sens en se conformant aux différents instruments juridiques en sa possession, aux accords et aux contrats librement signés et à opter pour une voie conduisant à calmer la tempête qu’elle a semée. Elles ne réalisent pas pourquoi SAKIMA SA, qui possède des dizaines de périmètres libres de tout engagement, n’a ciblé dans sa démarche que ceux pour lesquels elle est liée en bonne et due forme ».
Dans la même communication, elles saisissent le Président Tshisekedi, parrain de l’accord, « d’œuvrer pour contenir cet énorme contentieux que vient d’engendrer l’accord sus-indiqué qui sape déjà l’image du pays aussi bien sur le plan national qu’international et décourage davantage au premier chef les investisseurs nationaux dont le mérite est d’avoir hissé la RDC au rang de premier producteur mondial du coltan depuis 2018 ».
Selon les informations en notre possession, un autre litige qui éclatera dans les jours à venir concernera le périmètre minier de la société minière du député Mwangachuchu. Riche en coltan, ce site minier situé au Nord-Kivu se trouve dans le viseur de Primera Gold. Bénéficiaire du soutien politique de l’administration Tshisekedi et de certaines de ses ouailles, Primera utilise tous les moyens pour avoir un contrôle total de l’artisanat minier.