Lancée en pompe par Kinshasa, la revisitation du contrat dit du siècle minerais contre infrastructures semble perdre des ails d’avant. Les ardeurs de Kinshasa se sont finalement effritées. À l’épreuve de pesanteurs diplomatiques, le contrat sinocongolais – qui pèse à peu près 10 milliards USD – est actuellement en étude pour une éventuelle requalification. Seulement, les négociations – d’un côté les entreprises chinoises et de l’autre, le gouvernement congolais – devraient et se font sur base « d’amitié » entre les deux pays. En toile de fond, la récente visite du Président Tshisekedi à Beijing, où il a rencontré son homologue chinois.
Selon des informations de MINES.CD, les deux Présidents se sont convenus que les discussions en cours sur la revisitation de ce grand contrat se passent « sans bruits et surtout à l’amiable ». Commencés proprement en juin dernier, soit quelques semaines après la visite de Tshisekedi en Chine, les travaux se poursuivent au Palais de la Nation, résidence officielle du Président congolais. Et les participants se réunissent deux fois la semaine.
L’inspection générale des finances qui a publié, en février 2022, un rapport choc affirmant qu’il y a eu « USD 76 milliards de gain pour la partie chinoise contre 3 milliards d’infrastructures pour la RDC », explique désormais que la « tâche n’est pas facile ». Intervenant sur sa chaine de télévision, l’inspecteur en chef de l’IGF reconnait que « c’est très très difficile » que les 15 observations formulées par son organe soient rencontrées. Mais, il dit constater la « bonne foi » des parties.
« Depuis le 15 avril quand on a publié le contrat, il y a eu des problèmes et finalement le Président a été invité en Chine. Il y a eu conclusions des partenariats entre la Chine et la RDC. Dans ce cadre, il a été demandé que le contrat chinois puisse être revisité mais cette revisitation devra tenir compte des amitiés entre les deux pays et du fait que le contrat devrait devenir gagnant-gagnant », reconnait à son tour le superflic financier de Tshisekedi.
« L’opacité totalement installée »
L’Observatoire de la dépense publique (ODEP) – membre de la société civile et activement engagé sur la question – dénonce déjà « l’opacité » autour de ces discussions. Il exige les autorités congolaises la transparence et la redevabilité sur les résultats de la révisitation dudit contrat.
« Une commission des experts a été mise en place pour préparer les dossiers techniques qui ont été remis à une commission stratégique, composée uniquement des membres du gouvernement et des collaborateurs directs du Président de la République pour faciliter la négociation avec la partie chinoise. Six experts de la société civile avaient été invités à participer à cette commission des experts dont le PCA de l’ODEP qui avait décliné ladite invitation. À la fin des travaux de la commission des experts, l’opacité s’est totalement installée. Le contenu des rencontres en Chine est totalement inconnu de la population congolaise », a rappelé l’observatoire dans une note parvenue début août à MINES.CD.
Pour l’ODEP, les derniers travaux de négociations entre la présidence congolaise et la partie chinoise « sont totalement opaques », et a entraîné une perte de 17 milliards dollars américains à la RDC.
« Aujourd’hui, l’ODEP campe sur les positions et recommandations de la société civile du 1er mars 2023 et exige la levée de l’opacité qui couvre ce grand dossier scandaleux qui a privé notre peuple de plus de 17 milliards de dollars qui auraient pu permettre l’éradication de la pauvreté absolue dans le pays », a dénoncé Florimond Muteba, president du conseil d’administration de l’ODEP.
Les attentes de Kinshasa
Insistant sur le fait que la « partie chinoise est obligée d’être de bonne foi aussi parce que les deux Chefs d’États ont voulu que les négociations se passent dans l’amitié entre les deux peuples », Jules Alingete rappelle que la RDC « doit avoir des infrastructures ». Kinshasa campe désormais sur le volet infrastructures à offrir par ses partenaires chinois. « Ceci rentre dans la ligne droite de ce que veut Tshisekedi qui espère, après son règne, mettre ces infrastructures dans son actif de Président », analyse un membre de la société civile qui a participé aux travaux préliminaires de ces négociations.
Contrairement à la demande d’une frange de la société civile de nationaliser la SICOMINES, le patron de l’IGF pense plutôt que « le niveau des infrastructures à avoir doit être revu à la hausse ». En même temps, la RDC veut aussi que le comité de gestion de cette joint-venture soit restructuré. Déjà la Gécamines occupe le poste de la direction générale adjointe. Là encore, beaucoup pensent que c’est une requête qui cache mal la volonté manifeste de Tshisekedi de placer ses pions au cœur de ce projet.
Il y a un an, l’Inspection générale des finances (IGF) – tout en soulignant que les circonstances de l’époque et les termes de la signature du deal entre Kinshasa et Pékin étaient défavorables à la RDC – avait formulé plusieurs exigences pour permettre à la RDC de récupérer son manque à gagner.
Parmi ces exigences y figuraient notamment, la renégociation de la convention pour réajuster ou rééquilibrer les obligations et les gains de deux parties et les faire correspondre aux valeurs des apports respectifs ; la révision de la répartition du capital social de la SICOMINES, notamment par la prise en compte de la valeur réelle des gisements cédés par la GECAMINES conformément à l’article 182, alinéa 4 du code minier.
A cela s’ajoutait, la réévaluation de la hauteur des infrastructures à réaliser à charge de la partie chinoise de 3 milliards de dollars américains à au moins 20 milliards de dollars américains, et ce, au regard de la valeur des gisements cédés.