Alors que le gouvernement congolais vante un ambitieux projet pilote de transformation locale du cuivre et du cobalt, Jean-Pierre Okenda, expert reconnu des questions minières, appelle à la prudence. Dans une interview accordée à MINES.CD, il s’est interrogé sur la réelle portée du projet et craint une simple « opération de communication ».
Un projet présenté comme révolutionnaire…
Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, a récemment annoncé un projet de raffinerie porté par la société Buenassa, en collaboration avec Eddy Kioni, promoteur du projet. L’initiative bénéficie d’un financement initial de 3,5 millions USD du Fonds de promotion de l’industrie (FPI-RDC), et ambitionne de produire 120 000 tonnes de cathodes de cuivre et 20 000 tonnes de sulfate de cobalt par an.
Ce projet s’inscrit dans la stratégie de valorisation des minerais dits « critiques », et s’articule autour du corridor de Lobito, axe logistique reliant le Katanga à l’Atlantique via la Zambie et l’Angola.
… mais accueilli avec scepticisme
Pour Jean-Pierre Okenda, cette annonce soulève plus de doutes que d’enthousiasme.
« Depuis 2023, la RDC exporte déjà plus de 1,6 million de tonnes de cuivre avec un taux de pureté de 99 %. Qu’apporte concrètement un projet de 120 000 tonnes supplémentaires ? », interroge-t-il.
Selon lui, le projet ne présente aucun élément fondamentalement nouveau en matière de transformation locale, et pourrait nourrir des « attentes inutiles » au sein de l’opinion.
Quid du projet de batteries RDC-Zambie ?
L’analyste déplore également le silence du gouvernement sur le projet de production de batteries électriques annoncé en grande pompe avec la Zambie. Il rappelle que des études de faisabilité avaient été menées, mais que depuis, aucune avancée significative n’a été rendue publique.
« Le projet semblait plus structurant et porteur d’avenir. Pourquoi est-il aujourd’hui passé sous silence ? », s’interroge-t-il.
Un plaidoyer pour la transparence
Jean-Pierre Okenda plaide pour plus de clarté et de rigueur dans la gestion des projets miniers, en particulier ceux qui engagent l’avenir stratégique du pays.
« Il faut arrêter de séduire l’opinion avec des effets d’annonce. Si le projet est sérieux, qu’il soit présenté dans ses détails, budgétisé, financé et suivi. Sinon, cela ressemble à une arnaque », prévient-il.
Pierre Kabakila