Une étude conjointe menée par l’Initiative pour la Protection des Droits Humains (IPDHOR) et le PELDDH entre août et septembre 2025 dresse un constat préoccupant sur l’état du secteur minier dans la province de la Tshopo. Réalisée dans les territoires de Bafwasende, Banalia, Basoko et Ubundu, l’enquête analyse les dynamiques d’exploitation de l’or et du diamant, les pratiques des différents acteurs et les impacts économiques, sociaux et environnementaux sur les communautés locales.
Un secteur largement régi par l’irrégularité
Selon l’étude, l’activité minière est dominée par des coopératives, des creuseurs indépendants et plusieurs entreprises industrielles ou semi-industrielles opérant, pour la plupart, en violation du Code minier révisé de 2018.
Parmi toutes les sociétés identifiées, seule Oriental Ressources Congo dispose d’un permis d’exploitation en règle. Les autres fonctionnent sous de simples permis de recherche ou œuvrent carrément en clandestinité, sans études d’impact environnemental et social ni autorisation appropriée.
Même les coopératives légalement enregistrées ne respectent pas toujours le paiement des taxes et redevances dues, tandis que celles opérant dans l’illégalité aggravent les risques environnementaux et les tensions sociales.
Communautés affectées : pollution, précarité et coût de la vie en hausse
Les populations locales pointent du doigt la pollution des rivières, la destruction des champs, l’envahissement des concessions et la précarité persistante des conditions de travail sur les sites miniers.
Le coût de la vie y a sensiblement augmenté, renforçant la dépendance économique envers une activité minière dont les bénéfices profitent principalement à des acteurs extérieurs.
Un secteur minier marqué par l’insécurité et la criminalité
L’étude identifie plusieurs enjeux sécuritaires : conflits fonciers récurrents, présence de groupes armés Maï-Maï, banditisme, pratiques fétichistes autour des sites, et implication de certains militaires ou responsables politiques dans le parrainage d’exploitants étrangers.
La présence d’enfants dans les carrières et l’absence d’infrastructures sanitaires adaptées aggravent la vulnérabilité des communautés.
Des dégâts environnementaux massifs et une opacité des données
Les chercheurs documentent la déforestation, l’abattage anarchique des arbres, la pollution des cours d’eau et l’apparition de maladies dermatologiques le long des rivières de Banalia et Basoko.
Si la province a officiellement déclaré plus de 4,2 millions de carats de diamant et 207 033 grammes d’or entre 2015 et 2024 (hors 2018), la Division provinciale des Mines n’a fourni aucune donnée détaillée par entreprise ou coopérative, signe d’une opacité structurelle et d’un manque de suivi fiable de la production.
Un cas emblématique de fraude illustre cette faiblesse institutionnelle : à Banalia, 20 kilos d’or, d’abord interceptés par les services de l’État, ont été relâchés « sous pression hiérarchique » après l’interpellation de suspects chinois.
Recommandations pour restaurer l’ordre et la transparence
Face aux dérives documentées, IPDHOR et PELDDH formulent plusieurs recommandations à l’endroit des autorités nationales et provinciales. Ils appellent notamment à :
- Renforcer les contrôles parlementaires ;
- Exiger une transparence accrue du Cadastre Minier ;
- Identifier et encadrer tous les exploitants ;
- Sanctionner les entreprises illégales ;
- Éliminer la présence d’enfants dans les mines ;
- Restaurer l’autorité de l’État dans les zones sous influence de groupes armés ;
- Améliorer la traçabilité des minerais.
Un plaidoyer qui, selon les auteurs, devrait servir de base à une réforme urgente du secteur minier artisanal et semi-industriel dans la Tshopo.
Pierre Kabakila




