À Lubumbashi, ville cuprifère de la province du Haut-Katanga en République Démocratique du Congo (RDC), les habitants de Kalukulu II, un quartier résidentiel dans la commune de la Ruashi, vivent avec la crainte persistante d’une délocalisation que Ruashi Mining, une entreprise minière, pourrait effectuer si elle décidait de poursuivre « le filon minier ».
Cet après-midi du mardi, le soleil est fuyant à Kalukulu II, un quartier à proximité de la concession minière de Ruashi Mining, détenue à 75% par la société sud-africaine Metorex. Gilbert Kalonji, 48 ans, sort de sa maison, à quelques mètres des murs érigés par la société pour barrer la route aux exploitants miniers artisanaux illégaux sur ses carrés miniers.
Si le climat d’après pluie semble laisser une fraîcheur apaisante, celle-ci n’arrivera pas à tranquilliser l’inquiétude grandissante de cet homme : « Si Ruashi Mining décide de poursuivre le filon, ce quartier n’existera plus et nous ne savons pas où nous allons aller », confia-t-il. « Le filon vient jusqu’ici, on peut dire que l’on est sur ses carrés miniers », a-t-il poursuivi.
« La crainte ternit les espoirs »
Dans ce quartier, Gilbert Kalonji n’est pas le seul à craindre une délocalisation de cette entreprise, dont les habitants estiment que les investissements miniers n’ont pas profité à la communauté locale. Reagan Mobali ya Mbongo (un pseudonyme), explique que la poursuite continue de la chaîne des minerais fait planer le risque de délocalisation que la population n’est pas prête à accepter.
« Là, si l’entreprise veut poursuivre le filon, elle cherchera à nous délocaliser, alors qu’elle n’a encore rien fait pour nous. Parce que le filon vient vers ici, partout ici », fait-il savoir avant de s’interroger : « Bon, au cas où elle mettait ce plan en exécution, où est-ce que nous allons partir ? Regardez comment est construite ma maison, si elle nous achète, où est-ce que je vais aller construire encore ? ».
Interrogé par Mines.cd sur cette question, Moïse Kabamba le Président du comité local de développement, reste persuadé que la population va tenter de s’opposer à cette probable délocalisation, si le processus d’indemnisation n’est pas respecté. D’après lui, les habitants ont peur de perdre leurs droits de propriété étant donné que la délocalisation, dans la plupart des cas, ne se fait pas selon les normes établies par la loi.
« Je me rappelle qu’un jour, un habitant voulait construire une fosse-septique. Il s’est retrouvé devant des minerais de bonne qualité. Si l’on apprend qu’il y a des matières ici, on va venir nous délocaliser, alors cet habitant a rapidement couvert cette fosse », a raconté le Président du CLD. « La population craint de perdre leur propriété. Moi, je n’ai jamais connu une indemnisation sans problème. Avec ça, la population pourra tenter de s’opposer à cette probable délocalisation », a-t-il indiqué.
« Une question lointaine »
Dans un entretien à Mines.cd, Elie, Coordonnateur des organisations de la société civile dans le secteur minier et environnemental, a révélé qu’une délocalisation avait déjà eu lieu dans ce quartier, mais les délocalisés ne sont jamais partis. D’après lui, l’échec de cette délocalisation était dû au fait que la loi n’avait pas été suivie correctement.
« La question de Ruashi est une question qui date, avance-t-il. Le Code minier prévoit une délocalisation, si l’on trouve des minerais dans un endroit sur un carré minier de quelqu’un». Pour le Coordonnateur, « ce n’est pas un problème grave. Si Ruashi Mining va continuer à poursuivre le filon, elle doit procéder à délocaliser ces gens-là selon les normes et, pour cela, elle peut se faire accompagner de la société civile pour que la délocalisation se passe dans de bonnes conditions ».
La société civile dans le secteur minier et environnemental veut rassurer la population en appelant au respect des procédures mises en place dans le nouveau Code minier, si la délocalisation devait se faire dans ce quartier. De l’autre côté, les habitants accusent l’entreprise minière d’être à la base d’impacts environnementaux notamment la pollution des eaux.
Dans un passé récent, des organisations non gouvernementales avaient déjà épinglé les violations des droits humains dans l’exploitation minière de Ruashi Mining. Parmi ces violations, elles citent entre autres le droit à un environnement sain, le droit à la propriété, à l’eau et bien d’autres.
Malgré plusieurs relances, le chef de quartier de Kalukulu II n’a pas donné suite aux sollicitations de Mines.cd pour des commentaires. Tous nos efforts pour entrer en contact avec l’entreprise minière n’ont pas non plus abouti.
Saïbe Kabila