Le marché mondial du cobalt a traversé une année 2024 pleine de contrastes. Tandis que la demande a atteint des sommets historiques, stimulée par la révolution énergétique et numérique, les prix se sont effondrés à des niveaux inédits. C’est ce que révèle le dernier rapport du Cobalt Institute, dont Mines.cd a consulté la synthèse ce 12 juin 2025. Face à cette crise, la République démocratique du Congo, principal producteur mondial, a pris des mesures inédites pour tenter d’inverser la tendance.
Une demande dopée par les batteries et la tech
Pour la première fois, la demande mondiale de cobalt a franchi le seuil des 200 kilotonnes (kt) en 2024. Les batteries – notamment celles des véhicules électriques (VE) – ont représenté 76 % de cette consommation. À elles seules, les voitures électriques ont absorbé 43 % de la demande, portées par une hausse de 26 % des ventes mondiales, malgré un contexte économique tendu.
Le segment des appareils électroniques portables a rebondi avec une croissance de 12 %, tandis que le développement fulgurant de l’intelligence artificielle a renforcé la demande en batteries pour centres de données. En parallèle, les usages militaires – turbines, drones, aimants – ont poursuivi leur progression, alimentés par des tensions géopolitiques croissantes.
Surproduction et chute libre des prix
Malgré cet appétit mondial, l’offre a largement excédé la demande pour la troisième année consécutive. Le géant chinois CMOC, via ses deux sites congolais (TFM et KFM), a produit 114 kt de cobalt en 2024, soit 31 % de plus que ses capacités initiales. Sa part de marché mondiale a ainsi atteint 31 %.
Cette surproduction a entraîné une nouvelle baisse des prix : -15 % pour l’hydroxyde de cobalt (CIF Asie) et -22 % pour le cobalt métal (EXW Europe), qui a atteint des planchers historiques. Une rumeur d’intervention de la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme (NDRC) a brièvement stabilisé le marché, sans réel effet durable.
L’Indonésie progresse, la RDC riposte
Pendant que certains producteurs congolais réduisaient la voilure, l’Indonésie gagnait du terrain. Grâce à ses projets HPAL (Hydrometallurgical Processing of Laterite), où le cobalt est récupéré comme sous-produit du nickel, sa part de marché a grimpé de 8 % à 12 % en un an.
Face à cette montée en puissance et à la chute des prix, la RDC a réagi en février 2025 par une mesure forte : une interdiction temporaire de quatre mois sur les exportations de cobalt. Ce geste inédit a immédiatement contribué à faire remonter les cours, sans toutefois dissiper complètement la volatilité du marché.
Cap sur un cobalt responsable
Dans ce contexte chahuté, la traçabilité et la durabilité se sont imposées comme des exigences incontournables. En 2024, 82 % du cobalt raffiné ont été évalués selon les standards de la Responsible Minerals Initiative (RMI). En 2025, les sites congolais de Glencore – KCC et Mutanda – ont obtenu la certification Copper Mark, rejoignant TFM (CMOC), certifié un an plus tôt.
Sous pression des acheteurs internationaux, notamment européens, les producteurs se doivent désormais de garantir des conditions environnementales et sociales exemplaires. Pour eux, la certification devient un sésame indispensable à la signature de contrats à long terme.
Pierre Kabakila