Alors que l’Est de la République démocratique du Congo reste meurtri par l’insécurité chronique et les conflits armés, le directeur général de Kibali Goldmines, Cyrille Mutombo, propose une piste inattendue : encadrer les mines artisanales pour freiner le recrutement dans les groupes armés et offrir une alternative économique à la jeunesse.
C’est une voix de poids qui s’élève dans le débat sur les causes profondes de l’instabilité persistante à l’Est de la RDC. En marge de la 20ᵉ édition de la DRC Mining Week à Lubumbashi, Cyrille Mutombo, patron de Kibali Goldmines – l’un des plus grands projets aurifères d’Afrique – a plaidé pour une politique de formalisation encadrée du secteur minier artisanal.
« Beaucoup de jeunes rejoignent les groupes armés faute d’alternatives économiques. Offrons-leur des emplois décents dans une filière artisanale formalisée », a-t-il lancé devant un parterre d’acteurs institutionnels et économiques.
Une proposition ancrée dans la réalité du terrain

Selon plusieurs études, le secteur de l’orpaillage artisanal en RDC emploie entre 500 000 et 2 millions de personnes, souvent en dehors de tout cadre légal ou sécuritaire. Dans l’Est du pays, ces sites sont parfois infiltrés par des groupes armés, qui y trouvent un financement facile, via des taxes informelles ou l’exploitation directe.
Face à ce constat, Kibali propose une voie médiane : créer un cadre réglementé pour les mines à petite et moyenne échelle, dans lequel les communautés locales seraient pleinement intégrées, les exploitants formés, et les circuits commerciaux assainis.
« Il ne s’agit pas de marginaliser les artisans, mais de les accompagner vers des standards plus sûrs et plus durables », précise Cyrille Mutombo.
L’économie, antidote au chaos ?
Dans un contexte géopolitique explosif — notamment dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu —, la création d’emplois légaux pourrait constituer un rempart contre l’enrôlement armé.
Cyrille Mutombo salue par ailleurs les efforts du gouvernement congolais pour pacifier la région, évoquant des « avancées notables » en matière de coopération militaire régionale et de diplomatie économique. Mais il insiste : le secteur privé doit prendre sa part de responsabilité, en contribuant à bâtir une économie de paix.
Une chaîne d’approvisionnement plus sûre

Au-delà des considérations sécuritaires, cette formalisation pourrait aussi répondre aux exigences internationales en matière de traçabilité et de responsabilité sociale. Les grandes entreprises minières, soumises à des règles strictes dans les marchés européens et américains, ont intérêt à garantir une origine éthique et légale des minerais, même artisanaux.
En appelant à ce changement de paradigme, Kibali se positionne non seulement comme opérateur économique, mais aussi comme acteur du développement et de la stabilité, dans une région où le lien entre richesse minérale et instabilité reste malheureusement une constante.