Premier producteur mondial de cobalt, la République démocratique du Congo (RDC) envisage de prolonger la suspension de l’exportation de ce minerai stratégique. Initialement adoptée pour une durée de quatre mois afin de réguler une offre excédentaire et stabiliser les prix sur le marché international, cette mesure pourrait se poursuivre au-delà de son échéance fixée à ce dimanche.
D’après l’agence Reuters, Kinshasa souhaite se donner davantage de temps pour affiner la mise en œuvre de quotas d’exportation, malgré les désaccords persistants au sein du gouvernement et de l’industrie minière.
Une mesure pour contenir la chute des prix
Entrée en vigueur en février dernier, l’interdiction visait à répondre à une situation critique : une chute des prix du cobalt à leur plus bas niveau en neuf ans, avoisinant les 22 000 dollars la tonne. Le gouvernement espérait ainsi modérer l’offre mondiale et offrir un répit aux producteurs en difficulté.
L’enjeu aujourd’hui consiste à définir une répartition « équitable » des quotas d’exportation entre les différentes entreprises actives dans la filière, en particulier celles qui produisent le cobalt utilisé dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
Le secteur minier divisé
Mais la proposition de prolongement ne fait pas consensus parmi les principaux acteurs miniers opérant en RDC.
Glencore, deuxième producteur mondial de cobalt, soutient le système de quotas envisagé par Kinshasa. En revanche, CMOC (China Molybdenum Company), premier producteur mondial, milite pour une levée immédiate de la restriction, alors même que sa production augmente dans ses sites congolais tandis que la demande mondiale, notamment des constructeurs automobiles, connaît un ralentissement.
Eurasian Resources Group, autre acteur de poids, plaide également pour une levée de l’interdiction, mais reste en attente de détails sur les mécanismes de mise en œuvre des futurs quotas.
Des dissensions jusque dans le gouvernement
Au sein du gouvernement congolais lui-même, l’unanimité est loin d’être acquise. Certains responsables redoutent les effets collatéraux de cette politique : chute des revenus fiscaux, perte d’emplois, et ralentissement des chaînes d’approvisionnement informelles, cruciales pour des milliers de Congolais.
« Certains membres du gouvernement ont exprimé des inquiétudes concernant les revenus, l’emploi et les chaînes d’approvisionnement informelles », souligne Zack Hartwanger, responsable commercial Afrique chez Open Mineral, une société suisse spécialisée dans le négoce de matières premières. Il met en évidence une « tension entre les objectifs de politique industrielle et les réalités économiques ».
Sollicités par Reuters, CMOC, le ministère des Mines, et l’ARECOMS (Autorité de régulation des substances minérales stratégiques) n’ont pas encore réagi publiquement à la polémique en cours.
Un enjeu stratégique mondial
Dans un contexte où les technologies vertes et les véhicules électriques sont en plein essor, le cobalt reste un métal hautement stratégique pour la transition énergétique. La RDC, qui détient plus de 70 % des réserves mondiales, joue un rôle déterminant dans l’évolution des marchés.
La suite des décisions attendues dans les jours à venir sera donc scrutée à la loupe, tant par les industriels que par les analystes économiques et les partenaires internationaux de la RDC.
Pierre Kabakila