Pensée pour corriger le paradoxe congolais – pays riche, population pauvre –, la dotation de 0,3 % devait transformer les zones minières. Mais elle n’a produit que détournements, frustration et désillusion.
En effet, quand le Code minier révisé de 2018 a instauré la dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires minier pour les communautés locales, l’espoir était immense. Pour la première fois, les populations devaient bénéficier directement de la manne minière, à travers des projets d’utilité publique : routes, écoles, accès à l’eau, etc.
Mais six ans après, le rapport de la Cour des comptes est sans appel : le modèle s’est effondré sous le poids des fraudes, de l’opacité et de l’inaction étatique. Une mécanique bien pensée, mais mal exécutée, devenue symbole d’un échec collectif.
Un dispositif prometteur sur le papier
La dotation repose sur un triangle vertueux :
- Les entreprises minières versent 0,3 % minim de leur chiffre d’affaires,
- Les DOTS gèrent ces fonds pour des projets communautaires,
- Le Comité de Supervision en assure le contrôle.
Le cadre juridique est limpide : articles 258 bis, 285 octies du Code minier, article 414 sexies du Règlement minier, Manuel des procédures, normes OHADA.
Mais entre la théorie et la réalité du terrain, un gouffre s’est creusé.
Une chaîne de responsabilités défaillante
Le rapport pointe des irrégularités à chaque maillon du dispositif :
Les entreprises, d’abord, minorent volontairement leurs chiffres d’affaires : plus de 16,7 milliards USD d’écart ont été constatés entre les déclarations à la direction générale des impôts (DGI) et celles aux DOTS, générant 97 millions USD de manque à gagner.
Les DOTS, ensuite, sont structurellement défaillants : 17 sans cellule de gestion, 12 sans unité d’exécution, 6 sans comptabilité conforme.
Les pratiques sont alarmantes : marchés sans appel d’offres, détournements massifs (47 500 USD à SMCO, 250 000 USD à Ruashi Mining), gestion opaque des fonds.
Un Comité de Supervision aux abonnés absents
Théoriquement garant du bon fonctionnement, le Comité de Supervision n’a mis en place aucun outil de contrôle, n’a pas croisé les données avec la DGI, et n’a appliqué aucune sanction. Résultat : aucune entreprise fautive, aucun DOTS corrompu n’a été sanctionné.
Le système repose ainsi sur l’auto-déclaration, laissant la porte ouverte à toutes les fraudes.
Un modèle à refonder en profondeur
La Cour des comptes appelle à un sursaut :
- Sanctions effectives,
- Vérification systématique des chiffres d’affaires,
- Destitution des gestionnaires défaillants,
- Renforcement institutionnel des DOTS et du Comité.
Mais sans volonté politique forte, cette réforme risque de rester lettre morte, comme les projets non réalisés censés changer la vie des communautés.
▶️ À relire
Dotation minière : Une loi exemplaire, une application défaillante ⤵️ https://mines.cd/dotation-miniere-une-loi-exemplaire-une-application-defaillante/
La dotation de 0,3 % était une réponse au scandale du paradoxe congolais, un modèle ambitieux de justice sociale dans le secteur minier. Son échec révèle les limites d’un État incapable de contrôler des entreprises puissantes, et d’imposer des règles à ses propres structures.
Si aucune réforme sérieuse n’est engagée, ce modèle restera un mirage, et les communautés continueront de regarder passer les richesses sans en voir les retombées.
Prochainement :
Redevances et dotation : double peine pour les congolais des mines
La Rédaction | mines.cd