Signé le 27 juin dernier à Washington sous médiation des États-Unis, l’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda marque une étape majeure dans une région tourmentée par près de trois décennies de conflits. Au cœur de ce compromis : la promesse d’une paix durable, le respect de l’intégrité territoriale, et une coopération économique fondée sur l’exploitation des ressources naturelles. Mais pour de nombreux observateurs, cette entente repose sur un équilibre fragile entre intérêts miniers, stratégies géopolitiques et oubli des crimes commis.
Lewis Mudge, Directeur Afrique centrale de Human Rights Watch, l’affirme sans détour : « Cet accord s’aligne directement sur les intérêts stratégiques des États-Unis, et est en adéquation avec la tendance du président Donald Trump à privilégier une politique étrangère transactionnelle. »
Des ressources au centre du jeu
La RDC, riche en cobalt, coltan, or, étain et tungstène, s’affiche comme une puissance minière stratégique. Le Rwanda, de son côté, offre une plateforme de transformation pour ces minerais, déjà largement utilisée selon plusieurs rapports onusiens. L’accord signé ouvre donc la voie à une intégration économique où les ressources congolaises pourraient alimenter les chaînes d’approvisionnement mondiales via Kigali, moyennant investissements et stabilité sécuritaire.
« Si les avantages offerts à la RD Congo d’une part, pour ses minerais, et au Rwanda de l’autre, en tant que plateforme potentielle de transformation des minerais, peuvent amener les deux pays à la table des négociations, mon expérience dans la région m’a appris qu’une paix durable ne peut être instaurée que si la reddition des comptes pour les violations des droits humains commises par toutes les parties figure au premier plan des discussions », prévient Lewis Mudge.
Pour le directeur de HRW, l’absence de justice dans l’accord est un défaut majeur, lourd de conséquences.
« Il est déplorable que cet accord ne s’attaque malheureusement pas à l’impunité, un facteur pourtant clé des conflits dans la région», a-t-il fustigé.
Une paix à géométrie variable
Alors que le M23, soutenu par Kigali selon l’ONU et plusieurs ONG, continue d’occuper des zones minières dans l’Est du Congo, Lewis Mudge insiste :
« Pour que la dynamique impulsée par l’administration Trump aboutisse à de réels progrès, le Rwanda doit d’abord être tenu de respecter les principes qu’il a signés en avril, notamment retirer ses troupes de la RD Congo et de faire cesser les abus du M23, qui ne doit plus être en mesure de terroriser les civils dans les villes clés. »
La pression internationale est donc indispensable, d’autant que les exactions documentées — exécutions extrajudiciaires, travail forcé, enrôlement d’enfants — sont nombreuses dans les zones occupées par le M23.
« La pression pour faire respecter les principes clés de l’accord ne viendra pas du Rwanda, où le parti au pouvoir […], mais elle doit se faire exercer par les partenaires du pays et les USA d’Amérique devraient être prêts à imposer de nouvelles sanctions à l’encontre des responsables rwandais impliqués dans la commission d’abus et à dénoncer publiquement le gouvernement s’il contourne les dispositions clés de l’accord », conclut Lewis Mudge.
Un avenir incertain
Ressources, paix, justice : le triptyque censé stabiliser la région reste inégalement traité dans cet accord. Tandis que les ambitions minières sont explicites, les garanties juridiques, elles, restent absentes. Dans un contexte où la RDC perd chaque année des centaines de millions de dollars dans le commerce illicite des minerais, et où les populations civiles subissent encore les violences des groupes armés, une paix sans justice pourrait bien n’être qu’un sursis.
L’équation est claire mais explosive : paix fragile + ressources convoitées – justice = instabilité prolongée.
Daniel Bawuna