Le Collectif des Mouvements, leaders des organisations des jeunes et jeunes femmes exige la résiliation de l’accord commercial reliant l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) et le négociant en matières premières Trafigura Pte Ltd. C’était à travers une correspondance adressée au Premier Ministre, Sama Lukonde, parvenue à POLITICO.CD, ce jeudi 04 août 2022.
« Dans notre première lettre du 10 juin 2022, nous avons montré que le contrat entre EGC et Trafigura semble enfreindre la loi congolaise sur la concurrence visant à prévenir la corruption. Si cela ne suffit pas pour vous convaincre de retirer cet accord lucratif à Trafigura, nous fournissons ci-dessous des preuves que l’histoire de cette entreprise montre qu’elle ne respecte pas les exigences strictes de l’EGC telles que stipulées dans les normes d’approvisionnement responsables de l’EGC », peut-on découvrir de cette correspondance.
Et de poursuivre : « Sur trois chefs d’accusation – corruption, complicité de crimes de guerre et non-paiement des taxes gouvernementales – nous craignons que la preuve suggère que Trafigura ait peut-être déjà enfreint la norme. Pour ces raisons, l’accord EGC devrait être déchiré ».
Par ailleurs, ce collectif des mouvements citoyens renseigne qu’en novembre 2020, Trafigura avait signé un contrat avec la société minière publique Gécamines pour commercialiser le coblat de production artisanale. Selon les termes de l’accord, explique-t-il, Trafigura pourra acheter 50% de la production artisanale de cobalt en RDC. « EGC, qui a été créée par deux décrets miniers émis en 2019 pour acheter, traiter et vendre le cobalt artisanal, garde le droit de commercialiser les 50% restants à des acheteurs autres que Trafigura », contextualise-t-il.
En mars 2021, indique ce collectif, l’EGC a publié ses «Normes d’approvisionnement responsable », un document qui énonce ses exigences strictes pour tous les partenaires commerciaux ayant l’intention d’acheter du cobalt artisanal.
« En tant que partenaire principal de l’EGC, ayant accès à 50% du cobalt artisanal extrait à travers le pays, nous nous attendrions à ce que Trafigura démontre un historique de conformité solide à chacun de ces critères. Mais comme il est démonté ci-dessous, Trafigura a été accusé à maintes reprises de ne pas être à la hauteur des exigences les plus élémentaires », confie-t-il.
Trafigura enfreint l’article 11 de l’annexe de l’OCDE
Le groupe a en outre affirmé que Trafigura est accusée d’avoir enfreint l’article 11 de l’annexe II du guide de l’OCDE qui stipule : « Nous n’offrirons, ni promettrons ni accorderons des pots de vin et nous résisterons aux sollicitations de pots de vin. »
Parmi les exemples mentionnés dans cette correspondance, ce collectif a cité notamment les allégations de corruption auxquelles Trafigura est confrontée en Jamaïque, où une enquête est en cours sur des allégations selon lesquelles Trafigura aurait versé des pots-de-vin totalisant 31 millions de dollars au Parti national du peuple.
Le groupe a également fait référence à des allégations, apparues pour la première fois dans un rapport de Global Witness en 2005, selon lesquelles Trafigura aurait versé des pots-de-vin de 472 millions de dollars à Denis Gokana, le chef de la compagnie pétrolière publique du Congo-Brazzaville.
« Avant la signature de l’accord EGC, il y avait déjà des doutes évidents quant à l’engagement de Trafigura à lutter contre la corruption, comme stipulé à l’article 11 de l’annexe II du Guide de l’OCDE. Par conséquent, nous sommes d’avis qu’il y avait, et qu’il reste, des motifs raisonnables de disqualifier l’entreprise en vertu de la Norme d’approvisionnement responsable de l’EGC, », a relevé ces mouvements citoyens.
En outre, il a également souligné des allégations selon lesquelles Trafigura avait été complice de crimes de guerre comme raison de la disqualifier de l’EGC.
« Si les allégations de corruption n’étaient pas suffisantes pour disqualifier Trafigura de l’accord EGC, il y a aussi des questions sur l’engagement de l’entreprise à respecter un autre article du Guide de l’OCDE » ajoute le collectif. Surtout, il souligne l’article 1 v) de l’annexe II du guide, qui stipule : « Lors de l’approvisionnement dans des zones de conflit ou à haut risque ou si nous opérons dans ces zones, nous ne tolérerons, ni profiterons, contribuerons, assisterons ou faciliterons en aucune manière la perpétration par les crimes de guerre, ou autres violations flagrantes du droit humanitaire international, les crimes contre l’humanité ou le génocide ».
Le groupe a cité des informations selon lesquelles Trafigura a continué à vendre du pétrole russe après que le président Vladimir Poutine a lancé son invasion de l’Ukraine, et ce « aux niveaux d’avant-guerre, tandis que ses concurrents réduisaient leurs livraisons ». Dans cette lettre, il est fait également référence aux affirmations d’Oleg Ustenko, conseiller économique en chef du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a déclaré : « Si vous décidez de donner la priorité à vos actionnaires et à l’industrie des combustibles fossiles en continuant à faire le commerce de carburant russe, vous serez complice des crimes de guerre commis en Ukraine par les forces de Poutine ».
« Trafigura a maintenant accepté de cesser l’achat du pétrole de la société d’État russe Rosneft. Cependant, elle ne l’a fait qu’après une pression politique et médiatique considérable soulevant des inquiétudes raisonnables quant à l’engagement de Trafigura à éviter de tirer profit des crimes de guerre. En tant que tel, nous nous demandons si l’on peut faire confiance à l’entreprise pour respecter ce principe essentiel du Guide de l’OCDE », ont affirmé ces mouvements.
Le collectif a également exprimé ses inquiétudes quant au fait que Trafigura a des antécédents de non-paiement de ses impôts, une obligation selon le guide de l’OCDE, en particulier l’article 13 de l’annexe II, qui stipule : « Nous ferons en sorte que soient payés aux gouvernements tous les droits, taxes et redevances au titre de l’extraction, du commerce, du traitement, du transport et de l’exportation de minerais provenant de zones de conflit ou à haut risqué. »
La correspondance a cité l’exemple du Nigeria dont, apprend-t-on, le gouvernement affirme que Trafigura doit des impôts pour la manutention de 12,5 millions de tonnes métriques de pétrole brut. Selon le service fédéral de perception des impôts d’Abuja, poursuit-il, le négociant en matières premières n’a pas fait de déclaration fiscale.
Dans la conclusion de ladite correspondance, le groupe a déclaré : « Lors du lancement de l’EGC en 2019, l’organisation a été saluée comme la solution à des années d’exploitation minière artisanale dangereuse qui n’a servi qu’à enrichir des conglomérats multinationaux sans scrupules et à appauvrir les Congolais ordinaires.
« Nous craignons cependant qu’en choisissant Trafigura comme partenaire commercial, l’EGC ne résolve aucun de ces problèmes », estime le collectif.
« Cette lettre a montré qu’il existe de nombreuses preuves suggérant que Trafigura n’est pas en mesure de se conformer aux exigences stipulées dans la Norme d’approvisionnement responsable de l’EGC. En tant que tel, il est maintenant temps de résilier l’accord et de repartir à zéro pour le bien de l’exploitation minière artisanale en RDC et pour le bien du peuple de la RDC », a conclu ce collectif.