L’organisation britannique Global Witness exhorte l’Union européenne (UE) à cesser toute coopération minière avec le Rwanda, qu’elle accuse d’être une plaque tournante dans le trafic de coltan issu de zones de conflit en République démocratique du Congo (RDC). Cette prise de position intervient après la publication, ce mardi, d’un rapport accablant pointant le rôle du négociant Traxys dans l’achat de coltan congolais via Kigali.
Une chaîne d’approvisionnement entachée par le conflit
Selon le rapport, les minerais extraits illégalement dans l’Est de la RDC — notamment du coltan — transiteraient par le Rwanda avant d’être intégrés dans les chaînes d’approvisionnement européennes. Une situation qui, selon Global Witness, contribue directement au financement du groupe armé M23, actif dans le Nord-Kivu.
« L’actuel partenariat entre l’UE et le Rwanda sur les matières premières menace la crédibilité des efforts européens contre le commerce de minerais de conflit », souligne l’ONG.
Global Witness demande des mesures fortes
Parmi ses recommandations phares, Global Witness appelle l’UE à :
- Rompre tout partenariat minier avec le Rwanda ;
- Suspendre l’aide publique au développement, y compris les 900 millions d’euros prévus via la Global Gateway ;
- Adopter des sanctions ciblées contre les commandants du M23, les officiels rwandais impliqués et les entreprises complices ;
- Cesser le soutien aux opérations militaires rwandaises au Mozambique ;
- Publier les données commerciales par entreprise, pour plus de transparence.
L’ONG insiste sur la stricte application des règlements européens sur les minerais de conflit et appelle les entreprises opérant dans la région des Grands Lacs à respecter les directives de l’OCDE en matière de diligence raisonnable.
Le Luxembourg, obstacle aux sanctions ?
Le rapport mentionne également le rôle controversé du Luxembourg. Le 27 février 2025, Xavier Bettel, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, a bloqué une deuxième vague de sanctions européennes contre le Rwanda, invoquant la nécessité de préserver les chances des négociations en cours. Cette décision a suspendu un projet visant à interrompre le dialogue sécuritaire entre Bruxelles et Kigali, malgré les preuves croissantes de l’implication du Rwanda dans la crise sécuritaire à l’Est de la RDC.
Cette posture luxembourgeoise fait polémique au sein de l’UE, certains y voyant un obstacle à une action européenne cohérente face à l’exploitation illégale des ressources naturelles dans les zones de conflit.
Vers une pression diplomatique accrue
Global Witness insiste sur la poursuite des processus de paix de Luanda et Nairobi pour une solution durable à la crise, tout en exhortant les institutions européennes à ne plus faire preuve de laxisme. Pour l’ONG, l’heure est à la responsabilité : il est impératif que l’Union européenne agisse de manière ferme et cohérente pour tarir les financements des groupes armés et protéger les droits des populations congolaises.
Pierre Kabakila