Présentés comme une voie vers la stabilité, les accords de Washington cachent, selon le Dr Babah Lusungu, un enjeu bien plus profond : la mainmise sur les minerais stratégiques de l’Est congolais. Dans une réflexion d’une rare lucidité, il soutient que ces accords ne ramèneront pas la paix, car ils prolongent la guerre invisible des ressources entre puissances mondiales.
Les minerais, monnaie d’échange d’une paix illusoire
Depuis plusieurs mois, Kinshasa place ses derniers espoirs dans un double accord : l’un avec le Rwanda, l’autre avec les États-Unis.
Mais pour le Dr Babah, cet espoir relève de l’illusion.
« Le gouvernement joue ici sa dernière cartouche. Il a amené toute la population congolaise à y fixer ses derniers espoirs », écrit-il.
Sous couvert de paix, il s’agirait en réalité d’un contrat minier déguisé, où les richesses de l’Est servent de monnaie d’échange pour un équilibre géopolitique fragile.
Les États-Unis, selon lui, misent sur un modèle « minerais contre paix », comparable au partenariat chinois « minerais contre infrastructures », mais avec des ambitions plus subtiles et plus stratégiques.
L’Est du Congo, théâtre d’une guerre géoéconomique
Le Dr Babah situe son analyse dans le contexte plus large de la rivalité sino-américaine.
« La Chine et les États-Unis se livrent une bataille sans précédent autour des puces électroniques, sans lesquelles les nouvelles technologies seraient inopérantes », observe-t-il.
Les terres rares — indispensables à la fabrication des téléphones, batteries, véhicules électriques, satellites et systèmes d’intelligence artificielle — sont au cœur de cette confrontation.
Et c’est à l’Est de la RDC que se trouvent certaines des plus importantes réserves mondiales.
« Le Rwanda, avec à sa tête le président Paul Kagame, agit comme le bouclier des Américains face aux ambitions chinoises », poursuit le Dr Babah, rappelant que la mine de Rubaya produit l’un des meilleurs coltan au monde.
Washington, désireux de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine, s’appuie ainsi sur Kigali pour sécuriser l’accès aux minerais congolais, quitte à fermer les yeux sur les incursions militaires dans l’Est.
Quand la diplomatie camoufle le pillage
Pour le chercheur, cette logique économique explique le silence complice des puissances occidentales face aux violations des droits humains commises par le régime de Kigali.
« Le président Kagame est dépeint comme un dictateur sanguinaire […] pourtant, à l’instar d’Israël, aucune réaction musclée n’est venue de la communauté internationale, avec les États-Unis en tête », déplore-t-il.
Le Dr Babah dénonce une diplomatie sélective où la RDC, affaiblie, devient une variable d’ajustement dans les calculs des grandes puissances.
Aux yeux de Washington, Kagame n’est pas un agresseur, mais un allié stratégique.
« Pour les États-Unis, Kagame n’est pas vu comme un dictateur, plutôt comme un dirigeant éclairé prêt à défendre leurs intérêts », tranche-t-il.
Dans un tel rapport de force, comment croire que les accords de Washington puissent ramener la paix ?
« Les États-Unis sont résolument rangés derrière le Rwanda pour des raisons stratégiques supérieures à leur politique internationale », a martelé le Dr Babah.
La souveraineté minière, clé d’une paix durable
L’analyste appelle à un sursaut national : la RDC doit reprendre le contrôle de ses ressources si elle veut espérer sortir du cycle de guerre.
« Le tableau semble sombre et la pilule difficile à avaler, pourtant c’est la pure vérité », avertit-il.
Il plaide pour une gouvernance minière souveraine, une mobilisation citoyenne et une rupture politique claire avec Kigali.
Sans cette autonomie économique, la paix restera un mirage.
La bataille de l’Est n’est pas seulement militaire : elle est économique, technologique et civilisationnelle.
Et tant que les gisements congolais seront contrôlés ailleurs qu’à Kinshasa, les accords diplomatiques ne seront que des promesses creuses.
La lecture du Dr Babah dévoile une vérité dérangeante : la paix prônée par Washington n’est qu’un instrument de gestion des intérêts miniers mondiaux.
L’Est du Congo n’est donc pas seulement une zone de conflit, mais le cœur d’une géopolitique minérale planétaire, où la RDC, faute de stratégie souveraine, risque encore de rester spectatrice de sa propre richesse.
Azarias Mokonzi