Les Etats-Unis font face à un défi économique et de sécurité nationale sans précédent, à savoir la sécurisation de leurs approvisionnements en minéraux critiques sans en passer par des adversaires étrangers. S’en procurer en quantités considérables, dans la perspective de réduire leur dépendance vis-à-vis principalement de la Chine, devient alors un objectif à atteindre absolument. Voilà qui justifie le partenariat stratégique autour desdits minerais en voie de finalisation entre les USA et la RDC ; lequel accord vise à garantir un approvisionnement sûr en ressources essentielles, notamment le cobalt, le cuivre, le coltan et le lithium, en contrepartie de la sécurisation de l’est de la RDC. Toutefois cependant, ledit accord met Kinshasa à l’épreuve de la bonne gouvernance minière et la transparence exigées par Washington qui engagent les entreprises privées américaines.
Les besoins des USA en minéraux stratégiques et critiques sont plus qu’évidents. Le décret visant à renforcer la 𝐬e𝐜𝐮𝐫𝐢𝐭e 𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞 et la 𝐫es𝐢𝐥𝐢𝐞𝐧𝐜𝐞e 𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞 par des mesures ciblées sur ces 𝐦𝐢𝐧e𝐫𝐚𝐮𝐱 le réaffirme avec force. Il dévoile aussi la vision « trumpiste » d’une Afrique ancrée dans des opportunités économiques partagées, et non dans des conflits ; allusion faite notamment à la guerre que connaît depuis trente ans la RDC, pays regorgeant en quantité lesdits minéraux et qui est l’objet de convoitise à nulle autre pareille. De ce fait, l’accord portant minerais contre sécurité et développement entre Washington et Kinshasa, qui est en cours de finalisation et devant booster celui de la paix entre le Congo et le Rwanda, tombe à point nommé.
Dans cette dynamique, les Etats-Unis encouragent les investisseurs du secteur privé américain à prendre d’assaut la RDC pour l’exploitation des minerais précités dont son industrie Hi-Tech a grandement besoin. En d’autres termes, l’administration Trump soutient par cette démarche les entreprises du secteur privé américain, pour lesquelles il déblaie le terrain, à délier le cordon de leurs bourses pour investir dans le secteur minier congolais, naturellement par le biais des entreprises privées congolaises avec lesquelles elles vont nouer des partenariats.
En vue d’un partenariat gagnant-gagnant, le conseiller principal du président américain chargé de l’Afrique, M. Boulos, n’est pas passé par quatre chemins pour mettre l’accent sur les valeurs qui doivent régir ce partenariat stratégique : la bonne gouvernance minière et la transparence. Ce qui met ainsi à l’épreuve le gouvernement congolais, dont certains membres ne se lassent pas d’exceller dans une approche risquée de la gestion de la chose publique pour assouvir leurs intérêts mesquins.
Ainsi qu’il se dégage, la route est tracée et il n’y a pas d’autres schémas alternatifs. Ce qui revient à dire que dans le cadre de ce deal, des accords du genre de ceux signés autrefois avec Primera Gold et Primera Metal qui, après avoir défrayé la chronique, ont échoué sont à décourager et ne peuvent être réédités. En l’espèce, on ne peut prendre des concessions minières appartenant en bonne et due forme à des tiers pour les aliéner au profit du deal ou chercher à déposséder les propriétaires des titres miniers en tripotant au Cadastre minier (CAMI).
L’affaire de l’Australienne AVZ Metals en relation d’affaires aujourd’hui avec l’Américaine KoBold Metals pour le développement du gisement du lithium de Manono, dans la province du Haut Lomami, dans l’ex-Katanga, doit nous servir de leçon avec le contentieux AVZ Metals-Comminière dont l’issue est connue devant la Cour arbitrale. Les titres miniers ont été au centre de ce litige, à savoir l’obtention par Comminière de l’extension du PR 13359 en son nom auprès du CAMI, ainsi que la scission dudit PR appartenant autrefois à AVZ Metals.
Les Américains en appellent ainsi à la bonne gouvernance et à la transparence, entre autres, en ce qui concerne la gestion des titres miniers. Toutefois, si ceux-ci portent le cahier des charges de leurs entreprises privées dans le cadre de ce deal, il reste que les entreprises minières privées congolaises avec lesquelles le gouvernement Tshisekedi va jouer pour la matérialisation de cet accord sont, jusque-là, une énigme. Pourtant, celles-ci devraient être inventoriées et préparées à jouer efficacement pour faire bénéficier au Congo les retombées de ce partenariat.
A dire vrai, l’administration Trump semble ne pas avoir le temps à perdre. Les choses avancent sûrement, dixit M.Boulos, qui a révélé ce jeudi 15 mai que l’avant-projet de l’accord de paix a été envoyé aux présidents Tshisekedi et Kagame avec lesquels il a échangé au téléphone. D’autre part, Robert Friendland, fondateur et cofondateur d’Ivanhoe, dont l’entreprise est le plus grand investisseur minier du Corridor de Lobito et joue un rôle de plus en plus central dans la formation des chaînes d’approvisionnement minérales à travers l’Afrique et au-delà, a rencontré cette semaine le président américain Donald Trump et le prince héritier saoudien à Riyad. Il n’y a point de doute que la question du Congo a été évoquée au cours de ce rassemblement de haut niveau qui a eu lieu en Arabie Saoudite et qui a souligné l’accent mondial sur les couloirs des minéraux stratégiques et l’investissement dans les infrastructures. Pour rappel, le couloir Lobito se prévaut d’être prêt à relier l’Afrique au reste du monde.
Dans la foulée, le groupe minier Trinity Metals basé au Rwanda a signé courant au cours de la semaine qui s’achève une lettre d’intention avec la société américaine Nathan Trotter, l’un des leaders américains dans le raffinage et la distribution d’étain. Une initiative en forme de premier pas vers le développement d’une chaîne d’approvisionnement de ce minerai vers les États-Unis.
Affirmant détenir la plus grande mine d’étain du Rwanda qui abrite plus de 54 000 tonnes de minerais à Rutongo, au nord de Kigali, Trinity Metals, détenu majoritairement par la société Techmet basée à Dublin, s’était déjà rapprochée des États-Unis l’an dernier en obtenant un fonds de 3,8 millions de dollars de la DFC, une agence gouvernementale américaine de financement du développement.
Il pense tenir à l’avenir le haut de pavé dans la filière, ce qui paraît comme une action de propagande, dans la mesure où Alphamin ressources, avec sa mine de Bisie à Walikale, a produit 17 324 T d’étain en 2024, contre 12 568 T en 2023. Les prévisions sont de 17 500 T en 2025 à la suite des désagréments connus avec les attaques rebelles contre 20 000 T initialement. Ces trois années de production d’Alphamin Ressources représentent les réserves de la mine rwandaise de Rutongo.
L’agitation au Rwanda signifie qu’une autre ère arrive. Le gouvernement Tshisekedi, ainsi que les entreprises congolaises doivent se montrer alertes et vigilantes pour ne pas être pris de vitesse et se retrouver ainsi dans un étau.
Paul Paluku Kambale &RFI