Citée dans un récent rapport du groupe d’experts des Nations unies – au sujet des prétendues pressions et mécontentements lors de la mise en place de Primera Gold – la ministre congolaise des mines, Antoinette N’samba, réfutait il y a une semaine, les accusations misent à sa charge par les experts onusiens, seulement ce démenti peine à convaincre plus d’un.
« Je n’ai en aucun moment désapprouvé le partenariat ni refusé de contresigner le Décret du Premier Ministre », expliquait Antoinette N’samba, qui en même temps, tenait à rappeler que l’exécution du partenariat entre la RDC et Primera Gold a permis de ramener vers les circuits officiels la production artisanale de l’or, qui « transitait frauduleusement par des pays voisins, particulièrement le Rwanda », au mépris des normes internationales et régionales en matière d’approvisionnement responsable des substances minérales et sous le regard complice de tous nos partenaires bi et multilatéraux.
Interrogé à ce sujet par MINES.CD, l’avocat, défenseur des droits de l’Homme et analyste principal de la gouvernance des industries extractives en République démocratique du Congo, Jean-Pierre Okenda, a affirmé que le démenti de la ministre congolaise des mines, contrarie avec sa logique, car il semble être « une contre-vérité ».
« Vous avez suivi madame la ministre [ndlr. Antoinette N’samba] au sujet de l’EGC, l’entreprise de cobalt, vous savez son discours par rapport à l’EGC, je l’ai suivi après sa descente à Kolwezi. L’un des éléments qui faisaient en sorte qu’elle ne soit pas en accord avec l’EGC, était le monopole de l’achat et de la production artisanale de cobalt octroyé à cette entreprise. Pour moi, dire de sa part : qu’il n’y a pas eu pression, je trouve ça n’a pas lieu d’être », a-t-il rappelé.
Selon lui, en tant que ministre des mines, Antoinette N’samba a le pouvoir de faire appliquer la loi sectorielle, pourtant le contrat avec Primera Gold « viole » le code minier.
« C’est quoi aujourd’hui le fondement des taux préférentiels accordés à Primera Gold ? Quel est le fondement légal du monopole accordé à Primera Gold ? Au regard de tout ceci, je ne vois pas la ministre signer un tel contrat sans préoccupation. Je crois qu’elle s’est indignée et inquiétée, mais étant membre du gouvernement, elle a été contrainte à l’obligation de solidarité », a-t-il renchéri.
Interpeller Antoinette N’samba au parlement
Poursuivant ses propos, Jean-Pierre Okenda a expliqué que dire que la ministre des mines n’a pas fait objet des pressions « est même gravissime », car c’est à elle que revient la responsabilité d’assurer la régularité et la conformité des contrats.
« En disant qu’elle signe ce contrat sans pression, cela signifie qu’elle a participé de gré à la signature d’un contrat irrégulier ou alors qu’elle s’est juste abstenue d’assurer sa régularité », a-t-il déclaré.
Par conséquent, il a souligné que dans un contexte d’une démocratie fonctionnelle et vu les préoccupations autour de ce contrat, la patronne des mines « devrait être interpellée par la représentation nationale » pour expliquer les contours et surtout sa part de responsabilité.
« Sa réaction a été plus politique que technique, sinon il n’y a aucune rationalité qu’on ait un contrat avec autant des dispositions léonines comme celles-là », a-t-il ajouté.
Cet analyste principal de la gouvernance des industries extractives en RDC, a par ailleurs épinglé le fait que l’un des problèmes du pays c’est la qualité des décisions prises par les autorités compétentes.
« Si nous voulons être un pays, nous ne pouvons paschercher des solutions en dehors de nos lois, je crois que c’est la base de la bonne gouvernance. Trouver des solutions en dehors de nos cadres institutionnels, ça va nous ramener et au final nous perdrons en tant que République, de crédibilité », a martelé Jean-Pierre Okenda.
Accord avec Primera égal contrat sino-congolais bis ?
« Il y a beaucoup de similitudes entre les deux contrats. A la différence que le contrat sino-congolais se préoccupait de s’inscrire dans le respect du cadre réglementaire, alors que Primera s’en fou du cadre réglementaire », a expliqué ce juriste congolais, tout en nuançant ses propos en ajoutant qu’en termes d’équité, de partage équitable des richesses, Sicomines et Primera « sont dans la même catégorie, des contrats défavorables pour le pays ».
Étayant ses propos, Jean-Pierre Okenda a révélé que la gravité avec Primera est de très loin, car ici, il y a à faire à un groupe privé et non une entreprise étatique.
« On ignore même qui en sont les bénéfiques. Du point de vue de la formalité, de la régularité et du domaine de l’engagement, SICOMINES, c’est plus ou moins un projet de principe par rapport à Primera », a-t-il tranché.
Chutant dans ses propos, Jean-Pierre Okenda a recommandé la reconsidération du contrat avec Primera Gold, et la mise en terme de manière urgente de la disposition qui consacre le monopole à cette jointe-venture. Et tant entendu que le pays compte une raffinerie – déjà finalisée dans l’Est du pays – le gouvernement devrait garantir la sécurité des investissements.
Monge Junior Diama