Le méga projet de cuivre-cobalt initié l’année dernière par le groupe Trafigura en République démocratique du Congo et estimé à 600 millions de dollars américains, se trouve désormais dans une mauvaise posture suite à la contrainte de nouveaux financements que doit désormais chercher l’entreprise singapourienne.
Plusieurs personnes proches du dossier ont révélé à Bloomberg que ce projet, développé par Chemaf SA, a connu des difficultés au milieu des dépassements de coûts et de la faiblesse des prix du cobalt.
« Le projet a dépassé son budget et ne peut pas être achevé avec la facilité de prêt actuelle », ont indiqué les mêmes sources, tout en révélant que Trafigura a sondé des investisseurs susceptibles de fournir des fonds supplémentaires pour aider à mener à bien le projet et qu’il cherche un financement supplémentaire d’environ 200 à 300 millions de dollars américains.
En février dernier, l’unité des métaux de Trafigura était au cœur de la polémique après avoir été « victime d’une fraude présumée massive au nickel ». Depuis quelques années, l’entreprise singapourienne de courtage pétrolier et d’affrètement maritime spécialisée dans le courtage et le transport des matières premières est en challenge direct avec son rival, l’anglo-suisse Glencore Plc, pour le statut de plus grand négociant en métaux au monde, mais Trafigura a été éclipsée ces dernières années par les profits époustouflants réalisés par ses négociants en énergie – avant même que le scandale du nickel ne soit rendu public.
« Le projet est devenu moins attrayant après une chute des prix du cobalt »
Dans son communiqué publié récemment, Trafigura a expliqué avoir travaillé avec Chemaf pour « examiner les options relatives aux projets de développement Mutoshi et Etoile à la lumière des conditions de marché difficiles », qui incluent des prix du cobalt toujours bas et des pressions inflationnistes auxquelles est confrontée l’industrie minière.
« Trafigura reste attachée à la République démocratique du Congo et renforce sa présence sur les marchés à croissance rapide des métaux pour batteries », a renchéri le même communiqué.
Un porte-parole de Chemaf a déclaré à Bloomberg que l’entreprise avait achevé plus de 70 % de la construction de la nouvelle opération de Mutoshi, et qu’elle et Trafigura « travaillaient en collaboration pour examiner les voies les plus optimales vers la première production ».
« Le projet est devenu moins attrayant après une chute des prix du cobalt, qui en mai est tombé au plus bas en près de quatre ans. Le marché de l’hydroxyde de cobalt, la forme intermédiaire produite par Chemaf et d’autres mineurs congolais, a été particulièrement touché par une offre en plein essor et un ralentissement de la demande chinoise », a mentionné Bloomberg.
Le montant que pourra perdre Trafigura en cas de non-réalisation de ce projet demeure pour l’instant inconnu.
En 2022, le prêt a été regroupé auprès de banques dirigées par la Banque de développement et de commerce d’Afrique orientale et australe (TDB), malgré le fait que Trafigura « conserve toujours une exposition importante », ont relevé certaines sources.
L’entreprise Chemaf entretient une relation de longue date avec Trafigura qui remonte à plus de 15 ans. Le fondateur et président de la société, Shiraz Virji, a débuté ses activités par la vente des produits pharmaceutiques de l’Inde en République démocratique du Congo dans les années 1980.
Ses premières concessions minières sur le territoire congolais ont été acquises il y a 22 ans, selon le site Internet de Chemaf, « dans une vague de privatisations après l’arrivée au pouvoir de l’ancien président Joseph Kabila ».
« L’accord de 600 millions de dollars pour la construction d’une mine entièrement mécanisée se concentre sur un site qui, pendant des années, a été creusé à la main dans ce qu’on appelle l’exploitation minière artisanale », apprend-on.
Pour rappel, Trafigura et Chemaf ont lancé un projet pilote en 2018 pour améliorer les conditions de sécurité des mineurs artisanaux travaillant à Mutoshi, mais l’ont rapidement abandonné en 2020 lorsque le gouvernement congolais a créé « un monopole contrôlé par l’État sur la vente de cobalt extrait à la main ».
Lorsque le géant singapourien a annoncé pour la première fois le prêt de 600 millions de dollars américains en janvier 2023, il avait nettement précisé que « la mine de Mutoshi commencerait à produire d’ici le troisième trimestre de l’année en cours ». À l’heure actuelle, « il ne devrait pas être achevé cette année », a mentionné Bloomberg dans ses colones.
Monge Junior Diama