Sur fond d’un cordon sécuritaire renforcé à la frontière rwando-congolaise – conséquence de la résurgence du mouvement terroriste M23, soutenu par Kigali – les minerais de la contrebande exploités illicitement en RDC ont changé d’itinéraire. Dans leur publié récemment et dont une copie a été transférée à la rédaction de MINES.CD, les experts de l’ONU affirment que l’or congolais fait l’objet d’une contrebande « intensifiée » désormais au Burundi, dont la frontière commune avec la RDC est couverte par le lac Tanganyika.
Plusieurs sources ont informé le Groupe d’experts que « les tensions actuelles entre la République démocratique du Congo et le Rwanda avaient perturbé la route de la contrebande de l’or vers le Rwanda, car les autorités congolaises avaient augmenté le contrôle des biens et des personnes transitant par la frontière. »
Par conséquent, détaille le rapport, « les contrebandiers, y compris ceux liés aux groupes armés qui contrôlent les sites de production d’or dans les territoires d’Uvira et de Fizi, détournent de plus en plus le transfert illicite de l’or vers le Burundi, qui s’est avéré une plaque tournante de l’or commercialisé illégalement depuis la République démocratique du Congo ».
Cependant, le Groupe d’experts des NU a constaté une augmentation des activités « d’un réseau criminel composé de civils, d’acteurs économiques et d’intermédiaires burundais et congolais ainsi que des agents burundais en tenue qui se livraient à la contrebande de l’or entre la République démocratique du Congo et le Burundi ».
Description du réseau des contrebandiers
Ces experts des NU, affirment-ils, ont identifié un homme qui était au cœur des activités du réseau. Il s’est présenté sous différents noms, Célestin Nduwimana ou Gedeon Bigirimana, et comme ayant des occupations différentes, agent de renseignement burundais basé à Uvira ou policier burundais détaché à Uvira, où il prétendait assister le contingent burundais de la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est.
Or, poursuit la même source, « le numéro de téléphone de la République démocratique du Congo utilisé par Célestin Nduwimana était enregistré sous un autre nom. D’après de nombreuses sources, Nduwimana était un intermédiaire clé qui mettait des contrebandiers de la République démocratique du Congo en contact avec des acheteurs du Burundi ».
Ils indiquent également qu’à « six reprises au moins, entre décembre 2022 et mars 2023, Nduwimana a facilité l’acheminement d’or pour un total de 11 kg 220».
« Selon les informations reçues, ces transactions ont généré l’équivalent de 455 000 dollars. Ces six transactions ont révélé le modus operandi du réseau criminel concerné. Nduwimana a d’abord contacté des contrebandiers à Uvira pour leur faire part de son intérêt et leur promettre une opération lucrative au Burundi, leur garantissant la protection des autorités burundaises une fois qu’ils auraient franchi la frontière », a souligné la même source.
Le mode opératoire
« Selon plusieurs personnes servant de « mules » (transporteurs) pour ce réseau criminel, l’or qu’elles transportaient vers le Burundi provenait des sites miniers de Masisi ou de Nyange, en République démocratique du Congo. Au moment de passer la frontière, elles répartissaient l’or entre plusieurs personnes afin de réduire le risque
de tout perdre en cas d’arrestation. Toutefois, traverser la frontière entre Uvira, en République démocratique du Congo, et le Burundi présentait peu de problème, compte tenu du laxisme des contrôles et de l’absence de scanners ou de fouilles permettant de détecter le minerai », ont décrit ces experts.
Selon des sources des services de sécurité de la République démocratique du Congo et des personnes contactées par Nduwimana, celui-ci a déclaré qu’il agissait sur ordre de ses chefs hiérarchiques. Le Groupe d’experts n’a pas été en mesure de confirmer si Nduwimana opérait à titre officiel ; cependant, il a rassemblé un ensemble de preuves démontrant qu’il agissait avec la « bénédiction de hauts fonctionnaires », peut-on lire dans ce rapport
Par ailleurs, il a également été révélé aux experts des NU que l’or provenant de la République démocratique du Congo était « blanchi par l’intermédiaire de coopératives officielles au Burundi ».
Dans le même sens, plusieurs sources complices, ont dit au Groupe d’experts que Nduwimana, facilitait également les contacts entre les contrebandiers souhaitant passer au Burundi et les représentants des coopératives gérant des sites miniers au Burundi.
« Au cours de ses enquêtes, le Groupe d’experts a par exemple obtenu un document manuscrit décrivant un accord frauduleux entre les coopératives Koribilorwa Twikenure Minyago et Dukorere Hamwe Dusoze Ikiwi pour acheter de l’or à des individus en provenance de la République démocratique du Congo. L’un des signataires de ce document est Noël Nshimirimana. Le Groupe d’experts a obtenu un numéro de téléphone utilisé par Nshimirimana pour entrer en contact avec d’autres membres du réseau et constaté qu’il était enregistré sous un autre nom », ont-ils fait savoir.
Emmanuel Lufiauluisu