Lors du Conseil des ministres du 15 août 2025, le gouvernement a annoncé la création du Fonds d’Investissement Stratégique (FIS), un instrument présenté comme la clé pour convertir les recettes exceptionnelles issues des ressources naturelles en projets structurants pour le développement. Mais derrière l’enthousiasme officiel, des interrogations demeurent : ce fonds sera-t-il une véritable solution ou un guichet supplémentaire exposé à l’opacité ?
Un outil de souveraineté économique
Le FIS est conçu comme une caisse spéciale, destinée à capter les recettes provenant principalement des industries extractives (cuivre, cobalt, coltan, pétrole, etc.). L’objectif est de mobiliser ces fonds pour financer des projets nationaux stratégiques : infrastructures, énergie, santé, éducation et diversification de l’économie.
« Le FIS permettra d’éviter la dispersion des recettes et de canaliser nos richesses vers des projets qui changent réellement la vie de nos populations », a indiqué le ministre des Finances Doudou Fuamba lors de la réunion.
Les opportunités d’un tel mécanisme
Sur le papier, le dispositif présente plusieurs atouts :
- Accélération des investissements dans les infrastructures de base (routes, écoles, hôpitaux).
- Réduction de la dépendance aux financements extérieurs, notamment auprès du FMI et de la Banque mondiale.
- Renforcement de la souveraineté budgétaire, en donnant à l’État une plus grande marge de manœuvre sur l’utilisation de ses revenus miniers.
- Possibilité de constituer une épargne de stabilisation, en prévision des crises liées aux fluctuations des prix des matières premières.
Les risques d’un nouveau « trou noir » financier
Mais des experts et la société civile pointent aussi les risques majeurs :
Opacité dans la gestion : qui contrôlera le fonds et selon quelles règles ?
Détournements potentiels : sans mécanismes stricts, le FIS pourrait devenir un nouveau canal d’enrichissement illicite.
Centralisation excessive : les provinces minières, déjà frustrées par la faible redistribution des redevances, craignent d’être encore marginalisées.
Expériences ratées : la RDC a déjà connu des fonds spéciaux qui ont fini par sombrer dans la corruption, comme le Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) ou le Fonds routier.
Comparaison internationale
Des pays comme la Norvège avec son fonds souverain pétrolier ou le Botswana avec son fonds diamantifère montrent qu’un tel mécanisme peut réussir. Mais ces modèles reposent sur la transparence, la discipline budgétaire et une gouvernance irréprochable.
En Afrique, plusieurs tentatives similaires ont échoué faute de gestion saine, transformant des fonds stratégiques en caissettes politiques.
Quelle gouvernance pour le FIS ?
Le Conseil des ministres a insisté sur la nécessité d’une gestion rigoureuse et indépendante, mais sans donner pour l’instant de détails concrets. Pour éviter les dérives, des économistes suggèrent :
- Une administration autonome, indépendante du ministère des Finances.
- L’implication des organes de contrôle : IGF, Cour des comptes, Parlement.
- Une publication régulière et transparente des recettes et des dépenses.
- Un quota réservé aux provinces minières, afin de réduire les frustrations locales.
Un pari risqué mais nécessaire
La création du Fonds d’Investissement Stratégique illustre la volonté du gouvernement de mieux capter la rente minière et d’accélérer la transformation du pays. Mais dans un contexte marqué par la méfiance de l’opinion publique, la réussite du FIS dépendra d’un seul facteur : la capacité de l’État à rompre avec l’opacité et la prédation financière.
Autrement, ce fonds pourrait bien devenir un nouveau mirage économique, où les milliards annoncés ne se traduiront jamais en écoles, routes et hôpitaux pour le peuple congolais.
Junior Ngandu