Présence des gaz toxiques dans l’air, dans le sol et l’eau, les habitants de Manomapia, un quartier situé dans la commune urbano-rurale de Fungurume, sont plongés dans un drame humanitaire causé par l’usine 30k de traitement de cuivre et de cobalt appartenant à Tenke Fungurume Mining (TFM).
Dénoncée depuis 2020 par la société civile locale de Fungurume notamment pour manque de clarté dans l’étude d’impact environnemental et social, l’installation en 2023 de l’usine « 30K » pour le traitement de cuivre et cobalt exploités par Tenke Fungurume Mining, a perturbé la quiétude et la tranquillité des habitants de Manomapia, dans la province du Lualaba.
Une pollution certaine
Dans ce quartier, niché au sommet de collines verdoyantes, entouré par une végétation en pleine mutation, le gaz provenant de l’usine « 30K » a pollué l’air causant des problèmes respiratoires, des chatouillements dans les yeux et l’écoulement nasal du sang. La société civile a affirmé que les premiers cas de la pollution de l’air ont été rapportés dès l’entrée en production de cette usine en milieu de l’année 2023.
« Nous avons constaté que le vent chatouillait sur le corps, des gens se grattaient un peu partout. Il y a eu apparition des gros boutons sur le corps », a expliqué Félix Kafuka Mwibale, porte-parole adjoint du cadre de concertation de la société civile. Et d’ajouter : « comme il y a eu un cas similaire à Kabombwa, on se disait déjà que c’était suite à l’installation de l’usine de 30K ».
Ce désastre environnemental, qui semble d’après des témoignages, provenir d’un mauvais réglage des acides utilisés dans le traitement des minerais dans cette usine, a déjà entraîné la mort d’au moins une dizaine de personnes, dont des enfants de moins de 5 ans. Mais, lorsqu’elle a été interpellée à ce sujet, l’entreprise minière a rejeté en bloc toutes les accusations, ont révélé à MINES.CD, les représentants locaux.
« Quand mon enfant est décédé, nous avons informé la société. Mais nous ne l’avions pas vu venir. Ils n’ont rien pris en charge », témoigne Fiston Mwamba, un père d’une trentaine d’années qui a perdu un enfant de 2 ans en février 2024 en vomissant du sang suite à la présence de gaz acidifiés dans l’air. « Les médecins qui sont venus faire le constat, ont conclu que c’était l’acide qui l’avait tué. Toutes les preuves étaient là. Malheureusement l’entreprise avait refusé de reconnaître ce cas », a-t-il expliqué.
Selon les révélations recueillies par MINES.CD, aucune autre victime, comme ce père, n’a été prise en charge par Tenke Fungurume Mining. C’est une non reconnaissance que la communauté continue de déplorer et de dénoncer.
Les eaux et produits agricoles interdits de consommation
Depuis octobre 2023, les dégâts causés à l’environnement ont également touché la terre, la rendant « impropre » à l’agriculture. Dans la même période, le service communal de l’environnement, qui a découvert des traces de toxicité dans le sous-sol, avait interdit la consommation des produits agricoles cultivés pour raison de sécurité alimentaire, ont indiqué les habitants interrogés par notre rédaction.
« Tous les aliments sont brûlés, il est interdit de consommer les légumes que nous avons cultivés dans nos parcelles et dans nos petits champs, parce qu’ils ont dit, qu’ils étaient contaminés par l’acide », a déclaré Patrick Assani, un habitant du quartier, en relevant un important défi social à la suite des méfaits de l’usine. « C’est devenu difficile. Quand la société refuse de reconnaître tout ça, c’est comme si, nous n’existons pas », a-t-il fustigé.
De l’autre côté, les rivières Kebangi et kelangilé, dont les eaux servaient au lavage des habits, à l’irrigation des champs ou encore utilisées dans les travaux ménagers, n’ont pas été épargnées par les conséquences néfastes des gaz acidifiés. Les riverains, qui ont constaté la disparition de certaines espèces aquatiques, ont dressé un portrait sombre de la pollution dans leur localité.
« Un matin, nous avons vu des poissons morts flotter sur l’eau. Cela nous a inquiété et nous étions obligé d’alerter les autorités sur ça », nous a confié un riverain. « Après des enquêtes, il a été relevé qu’à la base, c’une fuite dans certains tuyaux troués de l’usine 30k qui commence à déverser des acides dans la rivière Kebangi, puis Kelangilé en atteignant dipeta », a-t-il ajouté, en affirmant que cette pollution a contribué à détruire le tissu social.
Ainsi, à la suite de nombreux cris d’alerte des habitants et des interpellations des organisations de la société civile, l’entreprise minière, qui a déjà été traînée devant la justice par la communauté locale, a entamé, depuis le 1er avril 2024, un processus de délocalisation des habitations se trouvant dans le rayon de 1000 mètres avec l’usine de « 30K » de TFM. Cependant, les termes conclus entre le gouvernement et l’entreprise minière pour le déplacement de la population n’ont pas répondu aux problèmes, affirme la communauté impactée.
La Rédaction
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