« On est foutu », souffle Alphonse Fwamba Mutombo face aux gravats qui s’amoncellent autour de sa maison, près d’un immense carré minier à Kolwezi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.
Jadis prospère et coquet, avec ses habitations soignées et ses rues ombragées, le quartier est maintenant presque entièrement détruit. La maison d’Alphonse Mutombo, entourée des décombres de logements démolis, est une des dernières à résister, non loin du mur de béton entourant la mine à ciel ouvert.
L’exploitant chinois voulant s’étendre, beaucoup de riverains ont pris l’argent de l’indemnisation et sont partis. Mais Alphonse, 70 ans, ne part pas. Il espère une meilleure offre financière.
Ici, « nous habitons au-dessus des minerais », déclare-t-il à l’AFP, sans illusion sur l’avenir de son quartier : « il disparaîtra ».
Cuivre, cobalt, or… Kolwezi, ville de quelque 573.000 habitants selon la Banque mondiale, est assise sur des réserves de minerais parmi les plus riches du pays. Kolwezi est déjà entourée de mines industrielles, dans un paysage sablonneux d’énormes sites à ciel ouvert, de routes d’accès et de pylônes. Mais l’extraction gagne la cité elle-même, déracinant des milliers de personnes qui se plaignent souvent d’être injustement traitées.
Les permis miniers couvrent la majeure partie de la superficie de la ville, selon le cadastre minier national.
« Tout le monde est parti »
La ville de Kolwezi a été fondée en 1937 par le groupe minier belge Union minière du Haut-Katanga, nationalisé en 1967, sept ans après l’indépendance, pour devenir la Gécamines (Société générale des carrières et des mines). Avec l’expansion de l’industrie minière à Kolwezi, la société a construit des quartiers résidentiels pour ses employés, tels le « quartier Gécamines Kolwezi » où vit Alphone Mutombo.
La production de la Gécamines s’est effondrée dans les années 90, après des décennies de mauvaise gestion, mais beaucoup de résidents de ces quartiers ont gardé des liens avec la société.
« Tout le monde est déjà parti, c’est nous qui restons », déclare également Martin Tino Kolpy Kapenda, retraité de la Gécamines, en regardant les débris de ce qui était autrefois la maison de son voisin.
Tino Kapenda, 60 ans, demande lui aussi plus d’argent à la Compagnie Minière de Musonoi (COMMUS), la société chinoise propriétaire de la mine voisine de cuivre et cobalt. Certains résidents qui s’accrochent encore craignent que la somme proposée ne leur permette pas de trouver ailleurs une maison équivalente à la leur. Le « Quartier Gécamines Kolwezi » est régulièrement desservi en électricité et en eau courante, une rareté en RDC.
Selon des statistiques de la municipalité, environ 2.000 personnes, sur 38.000, sont parties dans les six derniers mois. Le quartier tout entier pourrait disparaître dans les trois ans, a estimé un responsable.
COMMUS propose aux résidents 7.500 dollars pour partir, a-t-il précisé, mais ceux qui restent demandent au moins trois fois plus.
« J’attends la mort »
D’anciens habitants d’un quartier résidentiel à quelques km de Kolwezi, aujourd’hui en partie abandonné, ont vécu l’expérience avant eux. Luzanga Muteba, 78 ans, avait accepté en 2017 une offre de la compagnie chinoise Congo Dongfang International Mining (CDM) pour quitter son quartier natal de Kasulo, dont une partie a été rasée pour permettre l’exploitation d’une mine de cobalt.
Dans les maisons des environs, beaucoup de résidents se sont d’ailleurs mis à creuser eux-mêmes dans leur jardin, à la recherche de minerai. CDM a construit 21 maisons pour reloger les résidents déplacés de Kasulo, mais la compagnie n’a jamais fini le travail.
Luzanga Muteba, chaussures en plastique aux pieds et chemise rayée trop grande, explique qu’il avait autrefois une boulangerie florissante à Kasulo, mais qu’il ne peut pas remonter une affaire équivalente dans son nouveau quartier, trop isolé.
En plus, il n’a ni eau ni électricité, bien que les lignes amenant le courant dans les mines passent au-dessus de chez lui. Seules quelques maisons sont occupées.
« Il faut leur dire de venir terminer leur travail », demande le vieil homme, en montrant les flaques vertes fétides dans un ravin, où lui et ses voisins viennent puiser de l’eau.
« Ils prennent nos minerais et développent leur pays ! », ajoute Luzanga Muteba, qui dit perdre espoir, après plusieurs pétitions adressées au gouvernement, en vain. « J’attends seulement la mort », lâche-t-il.
Sollicitée par l’AFP, la compagnie Zhejiang Huayou Cobalt, basée à Shanghai, qui détient la majorité des parts à la fois dans COMMUS et CDM, n’a pas donné suite. La ville de Kolwezi va-t-elle disparaître face à l’expansion des mines ? « C’est inévitable », répond un haut responsable local, sous couvert d’anonymat. « Voici l’imbroglio dans lequel nous vivons », dit-il dans un triste sourire.
Avec l’AFP