Une vive polémique a lieu depuis la transmission de l’Arrêté Ministériel N° 00267/CAB MIN/MINES/01/2023 du 24/07/2023 portant déchéance de l’agrément de la Société Congo Gold Raffinerie SARL.
Loin de la polémique, analysons froidement les faits autour de cette situation. Premièrement, il est important de noter que le Ministère des mines est dans le droit de questionner une société qu’il estime n’avoir pas mis à profit l’agrément qui lui a été octroyé. Notons Congo Gold Raffinerie SARL est une entité de traitement. En tant que telle, elle est tenue de respecter notamment les prescrits de l’article 24 de l’Arrêté ministériel N°00131/CAB.MIN/MINES/01/2023 du 19 avril 2023 portant règlementation des activités de l’entité de traitement sous peine de s’exposer aux sanctions prévues par l’article 25 du même arrêté ministériel.
Ensuite, il sied de noter que la raffinerie Congo Gold Raffinerie SARL existe depuis 2019. Depuis sa création, elle a déjà renouvelé son agrément à deux reprises, son dernier renouvellement datant du 15 février 2022. Cependant, l’on devrait se poser quelques questions en rapport avec les activités déjà réalisées par ladite société :
- D’abord, à qui appartient cette société ? Qui sont ses actionnaires, quelles sont ses sources de financements ? Selon l’organisation Internationale « Global Witness », Congo Gold Raffinerie SARL est initiative du « CGR » qui a décidé de lancer cette raffinerie à Bukavu, à la frontière avec le Rwanda et non loin du Burundi. Il faut rappeler que Bukavu est depuis longtemps un haut lieu du négoce et de la contrebande d’or.
- Toujours selon Global Witness et plusieurs autres organisations locales en RDC qui ont alerté sur cette raffinerie, Congo Gold Raffinerie semble être une joint-venture mise en place entre le responsable de la région Afrique de l’Est de Frontier Services Group (FSG, qui appartient à Erik Prince), et un homme d’affaire qui aurait par le passé été l’un des intermédiaires de l’ancien président congolais, et un trafiquant d’or présumé. Il s’agit là d’un regroupement extraordinaire d’intérêts puissants au sein d’une compagnie unique, à l’heure même où la RDC fait face à une agression et une contrebande structurée autour de ses minerais, dont l’or.
- Notez que CGR est détenue par deux sociétés, chacune faisant partie de différents réseaux. L’une de ces sociétés est Global Investment Congo (GIC), qui compte parmi ses actionnaires des entités gérées par un associé de l’ancien président congolais Joseph Kabila, Alain Wan, et un haut responsable de FSG, Liu Zhigang. FSG est une société de sécurité créée par le milliardaire américain Erik Prince, qui œuvre dans le secteur de la sécurité privée, et l’État chinois en est le principal actionnaire. Si FSG ne détient pas directement des parts dans CGR, M. Zhigang est le seul administrateur de GIC, société qui est le principal actionnaire de CGR et qui, d’après un permis minier de 2017, est domiciliée à la même adresse que la compagnie aurifère.
- L’autre actionnaire de CGR est Marathon SARL, qui appartient au Burundais Karim Somji, lequel aurait par le passé fait de la contrebande d’or, et Robert Mutesa, l’associé gérant d’une compagnie aérienne qui aurait assuré le transport d’armes pendant la Deuxième Guerre du Congo. L’un des autres propriétaires de Marathon est Joyce Otshimo Ekanga, un homme d’affaires qui détient des parts dans deux compagnies minières en RDC et est à la tête d’une chambre de commerce sino-congolaise. Il est le fils d’un puissant fonctionnaire congolais, Moïse Ekanga, un proche de Kabila qui encadre des milliards de dollars d’investissement chinois en RDC par l’intermédiaire du Bureau de Coordination et de Suivi du Programme Sino-Congolais (BCPSC), une entité gouvernementale.
- « CGR est en partie détenue ou gérée par différents personnages aux antécédents qui soulèvent des questions. Cela va de personnes accusées de contrebande d’or congolais à un proche associé de l’ancien président, en passant par un cadre supérieur d’une compagnie créée par l’un des mercenaires les plus notoires au monde », a précisé Jean-Luc Blakey, Responsable senior des Campagnes à Global Witness. « L’alliance commerciale entre ces personnages devrait être examinée de près par quiconque s’intéresse à la transparence et à la répartition équitable de la richesse que la RDC tire de ses ressources naturelles », a-t-il ajouté.
- Alors que la RDC n’exportait officiellement que 23 Kg d’Or artisanal déclarés annuellement pour toute la Province du Sud-Kivu, Congo Gold Raffinerie SARL déployait des moyens pour créer cette raffinerie. Pour Global Witness : « Il existe un risque que CGR n’ait de ‘raffinerie’ que le nom, exploitant son titre pour légitimer des exportations d’or semi-raffiné intraçables tout en bénéficiant d’exemptions fiscales. Pour que la population de la RDC puisse bénéficier des réserves d’or de son pays, il faut des investissements transparents et une surveillance étatique, et non pas une compagnie détenue par des entités offshore opaques opérant en vertu d’une licence à la validité contestable ».
- Il est envisageable que cette raffinerie ait été constituée pour permettre à de puissants acteurs et investisseurs de la région d’engloutir et de profiter de l’or congolais actuellement vendu à des raffineries implantées hors des frontières du pays, en se chargeant eux-mêmes du raffinage. Si tel est le cas, CGR devra démontrer qu’elle dispose de mesures de diligence solides pour s’approvisionner en or devant être traité par ses soins, d’où l’intervention de la Ministre des mines qui les conduit à une telle démarche.
- Congo Gold Raffinerie SARL exerçait-t-elle ses activités dans le respect de la législation minière en vigueur en RDC ? Pourquoi, depuis 2019, la société n’a rien fait ? Que faisait-elle pendant tout ce temps. Alors qu’elle n’a fait aucune activité, on voit soudainement une raffinerie prête à être inaugurée. « Quelles que soient les intentions de CGR, il semblerait que ses documents ne soient actuellement pas en règle », affirmait déjà Global Witness.
Le lien vers les déclarations de Global Witenss : https://www.globalwitness.org/fr/global-witness-reveals-a-new-gold-refinery-in-drc-links-a-senior-employee-of-erik-princes-security-firm-to-a-close-associate-of-ex-president-joseph-kabila-and-a-reported-gold-smuggler-fr/
Nous devrions donc, tous, experts comme opinions publique, nous poser de vrais questions en lieu est place de chercher des boucs-émissaires ailleurs que dans les raisons ayant fondé la décision de la Ministre des Mines.