Dans le territoire de Fizi – située sur la route nationale RN 5 à 248 km au sud du chef-lieu provincial Bukavu –, au Sud-Kivu, les Maï-Maï Yakutumba et les membres de la CNPSC ont travaillé aux côtés de réseaux criminels de négociants non déclarés et ont tiré profit de l’exploitation, du commerce et de la taxation illicite de l’or, apprend MINES.CD des sources proches du Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Dans leur correspondance adressée au Président du Conseil de sécurité des NU, le Groupe d’experts onusiens sur la République démocratique du Congo note que les Maï-Maï Yakutumba contrôlaient les mines d’or de Makungu, Kuwa et Mitondo situées autour de la ville de Misisi. En décembre 2021, « le groupe armé a forcé les autorités gouvernementales à quitter la mine de Mitondo et a nommé une administration parallèle pour gouverner la mine. Les combattants des Maï-Maï Yakutumba y ont exploité les mines et prélevé une taxe hebdomadaire sur les 120 à 150 creuseurs du site, qui produisaient chacun entre 1 et 2 grammes d’or par semaine », lit-on.
Les Maï-Maï Yakutumba avaient en outre la mainmise sur l’activité d’autres mines autour de Mitondo, des membres de la CNPSC contrôlant les routes qui menaient aux sites miniers des Hauts-Plateaux, notamment celle reliant à Misisi à Uvira. Ils contrôlaient également de vastes tronçons de la route allant de Misisi à Baraka, qui était utilisée par des contrebandiers travaillant à leurs côtés pour transporter l’or depuis les mines de Misisi et ses environs.
Des coopératives également dans le jeu
Par ailleurs, les trois coopératives minières actives de Misisi qui s’approvisionnaient auprès des mines contrôlées par les Maï-Maï Yakutumba et leurs alliés, ont continué de transporter de l’or semi-transformé de Misisi à Baraka, puis à Uvira et enfin à Bukavu sans toutefois le déclarer aux autorités. Il s’agissait de la Coopérative minière de traitement des déchets (COMITRAID), de la Coopérative minière de Kimbi (COOMIKI) et de la Coopérative d’exploitation minière et de recyclage des régions aurifères (CEMIRERA).
À son arrivée à Uvira et Baraka, une partie de l’or passé en contrebande intégrait les chaînes d’approvisionnement légales. Cela se faisait de deux façons : soit au moyen de déclarations officielles au Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (SAEMAPE), c’est-à-dire par l’obtention d’un bordereau légal d’achat d’or, soit via une vente directe par des contrebandiers à des comptoirs d’achat d’or enregistrés à Baraka, à Uvira et à Bukavu, ces derniers pouvant exporter l’or légalement en utilisant des certificats de la CIRGL.
Bien que les mines de Misisi et de ses environs aient produit entre 55 et 60 kilogrammes d’or par an, la majorité de l’or a été sortie en contrebande de la République démocratique du Congo, notamment via Bujumbura et Kigoma, en République-Unie de Tanzanie.
Compte tenu de cette situation, en août 2021, le SAEMAPE a procédé à une analyse des risques liés au secteur minier à Fizi, et a constaté que les groupes armés, les réseaux criminels et les FARDC étaient largement impliqués dans le secteur. Il a également observé que des enfants étaient présents sur les sites miniers et que des femmes exploitaient des mines alors qu’elles étaient enceintes. Dans le cadre des réformes entreprises à l’issue de l’analyse, le SAEMAPE a lancé, en novembre 2021, un nouveau système de tenue de registres dans les coopératives minières de Misisi. Néanmoins, seuls 5,1 kilogrammes d’or y ont été déclarés entre novembre 2021 et avril 2022, puisque la majeure partie de l’or continuait d’être passée en contrebande.
En 2021, les exportations officielles d’or pour l’ensemble du Sud-Kivu n’ont pas dépassé les 30,23 kilogrammes, qui ont été exportés vers des entreprises au Burundi, au Rwanda et aux Émirats arabes unis. Compte tenu des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement, le Groupe d’experts est d’avis que la Congo Gold Raffinerie, qui a prévu d’ouvrir en 2022 et d’acheter de l’or dans le Sud-Kivu, doit procéder à une vérification préalable rigoureuse de la chaîne d’approvisionnement pour s’assurer qu’elle n’achète, ne raffine ni ne commercialise de l’or qui finance des groupes armés ou des réseaux criminels opérant au Sud-Kivu. La Congo Gold Raffinerie a informé le Groupe d’experts qu’elle ne s’approvisionnerait qu’auprès de mines d’or dites « vertes », dont le nombre était inférieur à 30 dans le Sud-Kivu au moment de la rédaction du présent rapport.
Dragline Sarl est une nouvelle joint-venture qui réunit SAKIMA SA (enregistrée en République démocratique du Congo) et Dither Limited (enregistrée au Rwanda).
Dragline a été créée et enregistrée en République démocratique du Congo le 12 novembre 2021. Dragline s’est engagée à mettre en place une raffinerie consacrée aux « métaux nobles », qui pourrait contribuer à établir des chaînes d’approvisionnement en or plus transparentes. Le Groupe d’experts a contacté SAKIMA SA et Macefield Ventures Limited, l’unique actionnaire de Dither Limited, pour leur demander des informations concernant la diligence raisonnable prévue par Dragline en matière de chaîne d’approvisionnement et l’utilisation des certificats de la CIRGL. Toutefois, Macefield a répondu que le projet avait été suspendu parce que le Gouvernement de la République démocratique du Congo était revenu sur sa décision et avait récupéré les concessions minières que la joint-venture envisageait d’exploiter.