En République démocratique du Congo (RDC), la société américaine KoBold Metals fait parler d’elle. À peine une semaine après la signature d’un accord de principe avec le gouvernement congolais, la firme soutenue par des investisseurs de renom tels que Bill Gates et Jeff Bezos a déjà déposé une demande de permis de recherche minière auprès du Cadastre Minier (CAMI). Une célérité inhabituelle qui suscite débats et inquiétudes dans les milieux miniers congolais.
Une procédure jugée expéditive
Le 17 juillet 2025, l’État congolais officialisait un partenariat avec KoBold Metals pour intensifier les investissements américains dans le secteur stratégique des minerais critiques. Le 24 juillet, une délégation de la firme déposait déjà ses dossiers de demande de permis au CAMI, rouvert quelques jours plus tôt.
Cette rapidité soulève des interrogations parmi les experts et acteurs du secteur, notamment sur le traitement différencié entre investisseurs étrangers et nationaux, ces derniers devant souvent attendre plusieurs années avant l’obtention de permis similaires.
« Le gouvernement congolais agit sous pression étrangère. L’urgence à satisfaire les Américains illustre la rivalité sino-américaine sur le cobalt et le cuivre. Nous exigeons un cadre légal clair : pas de permis sans contrepartie vérifiable », a dénoncé Ombeni Lwaboshi en commentaire d’un article publié sur MINES.CD.
Il poursuit :
« Nous demandons la publication de tous les contrats miniers via l’ITIE-RDC. Il faut un contrôle rigoureux des permis. Nous allons faire pression pour imposer un moratoire sur les permis étrangers tant que les demandes congolaises sont en attente. »
Pour cet activiste, ce partenariat rappelle une époque sombre :
« Ce n’est pas le nombre de contrats qui compte, mais leur portée. Celui-ci s’inscrit dans une logique inquiétante : une mainmise étrangère sur nos ressources, comme sous Léopold II. L’histoire ne doit pas se répéter. »
Jean-Pierre Okenda : « Il s’agit de permis de recherche, pas d’exploitation »
Jean-Pierre Okenda, juriste et directeur exécutif de la Sentinelle des Ressources Naturelles, a réagi à ces critiques dans une interview accordée à Mines.cd afin de lever les zones d’ombre.
« Il faut clarifier : l’accord de principe comporte des obligations bilatérales. KoBold a introduit une demande de permis de recherche, pas d’exploitation. Il s’agit d’une autorisation de cinq ans pour effectuer des études géologiques. Si un gisement est confirmé, l’entreprise devra faire une nouvelle demande pour l’exploitation. »
Il souligne également que le CAMI venait tout juste de rouvrir son guichet, et que d’autres acteurs peuvent déposer leurs dossiers.
Saluant l’usage par KoBold de technologies basées sur l’intelligence artificielle, il s’interroge néanmoins :
« Que prévoit l’accord si KoBold trouve un gisement ? Y aura-t-il des exonérations fiscales ? Un traitement préférentiel ? Ces points doivent être scrutés. »
Des capacités locales limitées ?
Concernant la frustration des opérateurs congolais, Jean-Pierre Okenda plaide pour une analyse pragmatique :
« Soyons francs : il n’y a pas aujourd’hui d’acteurs nationaux capables de faire mieux que KoBold Metals en matière de prospection minière. Beaucoup de permis congolais dorment au CAMI, faute de moyens techniques et financiers. »
Selon lui, la vraie question se posera si KoBold rachète les actifs d’AVZ Minerals à Manono, une perspective évoquée à demi-mot par certaines sources. C’est à ce moment-là que les enjeux communautaires et sociaux deviendront prioritaires.
Il appelle également à une diversification des partenariats, en évitant que les investisseurs chinois monopolisent l’accès aux ressources congolaises.
Un accord stratégique dans un contexte géopolitique tendu
Signé dans un climat de relance des investissements et de diplomatie économique active, ce partenariat s’inscrit dans une logique géopolitique plus large. Les États-Unis cherchent à sécuriser leur approvisionnement en minéraux critiques, essentiels à la transition énergétique.
KoBold Metals, spécialisée dans l’exploration minière à haute technologie, s’est engagée à respecter les normes éthiques internationales et à privilégier une approche responsable. Le projet concerne le lithium de Manono, situé dans la province du Tanganyika, un gisement stratégique au niveau mondial.
Entre opportunité technologique et crainte de nouvelle domination étrangère, le débat autour de KoBold Metals met en lumière les tensions persistantes dans la gestion du secteur extractif congolais. Transparence, équité et souveraineté seront les mots-clés pour que ce partenariat bénéficie réellement à la RDC.
Daniel Bawuna