C’est un tournant décisif dans la gouvernance des ressources naturelles congolaises. Le 12 juin 2025, en marge de la DRC Mining Week, trois organisations de référence – le Centre Carter, le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), et le Centre National d’Appui au Développement et à la Participation Populaire (CENADEP) – ont donné le coup d’envoi du projet « Démocratisation de la gouvernance du secteur extractif ».
Objectif affiché : outiller la société civile pour un contrôle citoyen effectif et inclusif de l’activité minière et pétrolière. Un chantier titanesque dans un pays où les ressources du sous-sol représentent à la fois une bénédiction et une malédiction.
Vers un rééquilibrage du pouvoir informationnel
Pour Romain Ravet, représentant pays du Centre Carter en RDC, le constat est clair : « Les élites politiques et techniques contrôlent l’information, alors que les véritables propriétaires des ressources – les citoyens – restent à la marge. Ce projet vise à corriger ce déséquilibre. »
L’enjeu est d’autant plus pressant que la demande mondiale de minerais critiques – cobalt, cuivre, lithium – s’envole, plaçant la RDC au cœur de la transition énergétique mondiale. Pourtant, la gestion opaque, les inégalités persistantes et l’absence de mécanismes de redevabilité locale freinent le développement inclusif.
Un projet multisectoriel, ancré dans les réalités locales
Déployé sur six provinces clés – Haut-Katanga, Lualaba, Haut-Lomami, Tanganyika, Sud-Kivu et Kongo Central (pour ses blocs pétroliers) –, le programme adopte une approche participative. Il entend associer autorités locales, entreprises extractives, OSC et citoyens à un dialogue constructif sur la gestion des ressources.
Trois résultats majeurs sont attendus :
- Renforcement des réseaux de la société civile pour exercer une veille citoyenne active ;
- Engagement des autorités et entreprises dans des réformes transparentes et inclusives ;
- Accès accru à l’information pour les populations, notamment les jeunes, les femmes et les communautés rurales.
Un accent particulier est mis sur l’égalité de genre et les droits humains, deux piliers méthodologiques du projet.
Financement européen, portée nationale
Doté d’un financement de l’Union européenne, le projet s’étendra sur 36 mois (2025–2027). Il ambitionne de contribuer à institutionnaliser le contrôle citoyen dans un secteur longtemps réservé à une poignée d’acteurs.
L’un des volets les plus innovants du programme est la recherche-action sur les pratiques de gouvernance et la gestion des revenus extractifs, accompagnée d’un monitoring terrain et de la création de plateformes multiacteurs pour structurer le dialogue.
Une course contre l’opacité
Depuis deux décennies, la RDC a adopté plusieurs réformes pour améliorer la transparence du secteur extractif, notamment via l’ITIE. Mais l’application reste inégale, et les mécanismes de reddition de comptes sont souvent absents aux niveaux local et provincial.
« L’argent du cuivre et du cobalt doit être traçable, compréhensible et au service du développement », martèle un militant du Lualaba, qui voit dans ce projet une opportunité de réappropriation citoyenne.
Le vrai défi : faire entendre la voix des sans-voix
En toile de fond, c’est l’ensemble du modèle économique congolais qui est questionné. Comment s’assurer que les recettes minières bénéficient réellement aux populations ? Comment intégrer les communautés dans la prise de décision ?
Pour le consortium d’ONG à l’origine du projet, il ne s’agit pas seulement de dénoncer les abus, mais de proposer des réformes concrètes, fondées sur les réalités locales et portées par ceux qui vivent au quotidien les impacts – positifs comme négatifs – de l’activité extractive.
Junior Ngandu