À Kinshasa, ce mardi 2 juillet 2025, docteur Mark Bristow n’a pas seulement vanté les performances de Kibali Gold Mine, la plus grande mine d’or industrielle d’Afrique, propriété de Barrick Mining. Il a livré un plaidoyer musclé en faveur de l’or congolais, dénoncé les dérives du secteur artisanal et interpellé les autorités sur l’absence de projets aurifères majeurs depuis sept ans.
Le PDG du géant aurifère canadien, figure connue pour son franc-parler, veut redéfinir les contours d’un partenariat plus exigeant mais plus équitable.
Une mine d’or… dans tous les sens du terme
Implantée dans le Haut-Uélé depuis plus d’une décennie, Kibali n’est pas seulement une vitrine industrielle. Elle est, selon son patron, l’unique modèle formel, fiscalisé et durable d’exploitation de l’or à grande échelle en République démocratique du Congo.
« Kibali est la plus grande mine d’or d’Afrique, mais elle est aussi la seule opération industrielle légale de grande envergure dans le pays. Le reste, ce sont des activités illégales, sans retombées pour l’État ni les populations », lâche-t-il d’un ton sans appel.
Un coup de gueule contre l’exploitation illégale
Mark Bristow ne se contente pas de dresser un bilan flatteur. Il s’attaque frontalement à ce qu’il considère comme l’un des fléaux majeurs du secteur : l’or illégal, notamment exploité par des opérateurs étrangers.
« Survolant le pays, on voit des dizaines de sites illégaux, souvent gérés par des acteurs chinois. Ils ne paient ni taxes, ni redevances, n’investissent dans aucune infrastructure. C’est une perte sèche pour la RDC », s’indigne-t-il.
Son message rejoint les inquiétudes croissantes exprimées par les autorités congolaises et les bailleurs sur la faiblesse des recettes aurifères malgré un potentiel exceptionnel.
Une question qui dérange : où sont les projets aurifères ?
Si le Code minier de 2018 a durci les conditions d’exploitation, il n’a pas pour autant stimulé l’investissement. Une situation que Bristow juge préoccupante :
« Il faut s’interroger : pourquoi aucun nouveau projet aurifère majeur n’a-t-il émergé depuis sept ans ? »
Alors que le cobalt et le cuivre continuent de capter l’essentiel des regards, l’or, plus discret mais tout aussi stratégique, reste sous-exploité.
Barrick, un investisseur africain… en Afrique
Barrick revendique une identité continentale. Présente au Mali, en Côte d’Ivoire, au Soudan et en Tanzanie, la multinationale se veut un partenaire stable et engagé, loin des stratégies spéculatives à court terme. La RDC demeure un maillon-clé de sa stratégie africaine.
« Nous avons construit Kibali avec des Congolais. Nous voulons dupliquer ce modèle ailleurs. Ce n’est pas une extraction pour l’export, c’est un projet enraciné, pérenne, rentable pour toutes les parties », martèle Bristow.
Un regard critique sur la gouvernance africaine
Lucide et sans langue de bois, le PDG livre aussi un diagnostic sans détour sur la manière dont certains États africains abordent la gestion de leurs ressources.
« En tant qu’Africain, je sais que notre faiblesse est de profiter du présent sans planifier l’avenir. Nous devons mieux anticiper, structurer, rendre des comptes. »
Une mise en garde qui fait écho aux réformes attendues dans plusieurs secteurs extractifs du continent.
Partage équitable et cadre stable
Barrick insiste sur l’importance d’un cadre contractuel clair, sans interférence, avec une distribution équilibrée des richesses. À ses yeux, le rôle de l’État est simple mais fondamental : réguler, protéger et percevoir.
« Le gouvernement n’a pas à investir. Il doit recevoir sa part équitable. Nous sommes prêts à travailler dans la transparence, si les règles sont respectées. »
Cap sur le cuivre… aussi
Si l’or reste le cœur de métier de Barrick, la société n’exclut pas d’élargir son portefeuille congolais à d’autres minerais, notamment le cuivre. Des explorations sont en cours dans le Haut-Katanga, confirme docteur Mark Bristow.
« Le cuivre est stratégique pour la transition énergétique. Et la RDC en est l’un des épicentres mondiaux. »
Le message de Mark Bristow est sans ambiguïté : le Congo doit capitaliser sur son or autant que sur ses batteries. Kibali est un modèle, mais il reste isolé. La RDC a les ressources. Elle doit maintenant créer l’environnement pour les valoriser à grande échelle.
La Rédaction | mines.cd