Bien que diplomatique, la présence du secrétaire d’État américain, Antony Blincken, en République démocratique du Congo est aussi, surtout, d’ordre économique. Auprès des autorités congolaises, commençant par le Président de la République puis son Premier Ministre, le diplomate américain réitère la position de son pays, celle d’obtenir de la RDC la révision de plusieurs contrats miniers dont bénéficient principalement les entreprises minières aux capitaux chinois.
Le 9 août, le jour même de l’arrivée de Blincken à Kinshasa, le département d’État des États-Unis, est revenu sur cette question. Dans un communiqué, il a spécifié que « les États-Unis soutiennent la décision du gouvernement de la RDC de revoir les contrats miniers et une plus grande responsabilisation dans le secteur ».
Ce communiqué cite quelques points sur lesquels les chinois sont souvent accusés : « Nous encourageons la RDC à poursuivre sa collaboration et à travailler sur la transparence fiscale, les droits du travail et le respect des normes environnementales, sociales et de gouvernance pour le secteur minier. Les États-Unis fournissent plus de 30 millions de dollars d’aide pour aider la RDC à promouvoir des pratiques minières responsables et durables ».
L’accord en question
Dans un rapport publié par Global Witness, intitulé La Chine et le Congo : Des amis dans le besoin, il a été révélé que l’énorme potentiel offert par la signature d’un accord de plusieurs milliards de dollars entre la République démocratique du Congo et la Chine risque d’être hypothéqué par l’opacité du contrat et une définition inadéquate de ses principales modalités.
L’accord sino-congolais, dont la signature remonte à 2007, couvrait dans un premier temps un investissement de 9 milliards de dollars dans des travaux d’infrastructures et le secteur minier – représentant une valeur plus ou moins équivalente au budget congolais de l’époque. Il a été renégocié en 2009, se chiffrant dorénavant à 6 milliards de dollars. Le Congo s’est engagé à fournir aux entreprises d’État chinoises jusqu’à 10 millions de tonnes de cuivre et des centaines de milliers de tonnes de cobalt en échange d’un large éventail de projets d’infrastructures, dont des routes, des lignes de chemin de fer, des centrales hydroélectriques, des universités et des centres de santé.
L’accord en est actuellement au stade initial de la mise en œuvre, mais le rapport La Chine et le Congo : Des amis dans le besoin souligne des préoccupations fondamentales suscitées par certaines de ses principales dispositions. Aucune des deux parties, congolaise comme chinoise, n’a expliqué de manière satisfaisante le mode de tarification dont les minerais doivent faire l’objet, ni quelles infrastructures sont appelées à être construites et à quel coût. Du fait de cette ambigüité, il est très difficile de déterminer si les engagements sont remplis. Une grande partie du risque financier semble peser sur la partie congolaise de l’accord – à titre d’exemple, le Congo s’engage à ce que les entreprises chinoises réalisent 19 % de bénéfices, démarche lourde de risques.
« En l’absence d’informations sur les engagements qui ont été pris, il est impossible de savoir lesquels ont été respectés, et même s’ils étaient réellement souhaitables. Par conséquent, ce n’est que lorsque l’accord aura été publié et que tous les paiements qui y sont associés auront été justifiés que les Congolais seront sûrs des avantages qu’il confère et sauront que les richesses naturelles de leur pays leur apportent le développement qu’ils méritent », a déclaré Lizzie Parsons, chargée de campagne pour Global Witness.
En outre :
- Aucune version de l’accord n’ayant été rendue publique par les différentes parties, son examen doit s’appuyer sur des exemplaires divulgués clandestinement.
- Certaines interrogations pèsent sur la destination de près de la moitié d’un pas-de-porte de 50 millions de dollars versé à la Gécamines, compagnie d’État productrice de cuivre et de cobalt.
- Une clause qui figure dans la version du contrat divulguée clandestinement pourrait dispenser la joint-venture chargée de l’exploitation des mines de respecter toute nouvelle loi adoptée par le Congo.
- Les questions relatives à la protection sociale et environnementale ne sont aucunement prises en compte dans la version du contrat divulguée clandestinement.
Global Witness appelle le gouvernement congolais à publier l’intégralité de l’accord en vigueur, y compris toutes clauses et annexes supplémentaires. L’ONG réclame également la transparence totale et le plein respect de l’obligation redditionnelle pour l’ensemble des paiements effectués dans le cadre de l’accord, que ce soit en espèces ou en nature sous forme de minerais.
Le conseil d’État, conseil des ministres chinois, a déclaré dans un rapport publié entre 2010 et 2011 que « tout comme les rayons du soleil sont le meilleur antiseptique, la transparence représente la meilleure surveillance du pouvoir. » Il s’agit là d’un engagement bienvenu à l’égard de l’ouverture de l’information – l’accord sino-congolais offre à la Chine une occasion opportune de concrétiser ces principes.
« Cet accord, qui devrait doter le Congo d’infrastructures d’une valeur de 3 milliards de dollars, pourrait transformer l’existence de millions de personnes. Cependant, la population congolaise n’a pas connaissance de la dernière version de l’accord et ignore tout de ses dispositions les plus fondamentales. Les modalités devraient être améliorées et un contrôle accru devrait être exercé pour garantir que l’accord est réellement à la hauteur des espérances », a précisé Lizzie Parsons. « La Chine est en train de signer des accords similaires dans plusieurs pays d’Afrique. L’accord sino-congolais sera un test révélateur pour savoir si ce type de contrat confère réellement des avantages mutuels à ses signataires », a-t-elle conclu.
Stéphie MUKINZI M