Dans les sites miniers de Kipushi, les enfants chercheurs des minerais sont exposés à plusieurs dangers dont les maladies pulmonaires qui peuvent être mortelles dans certains cas. Pourtant, presque toutes les initiatives entreprises pour faire sortir ces enfants des sites miniers n’ont jamais abouti.
Les sites miniers, d’apparence inoffensive, peuvent être très dangereux pour les enfants mineurs au regard des effets radioactifs qu’ils dégagent. Bien que Jérémy Ngoie, 15ans, affirme « n’être jamais tombé malade » depuis qu’il travaille dans l’un des sites miniers de Kipushi, chez certains de ses compagnons la situation n’est pas la même : « J’ai une toux qui ne finit jamais, même si je prends des médicaments » confie Jacques, qui travaille dans les sites miniers depuis quatre ans.
Devant le puits 5 de la Générale des carrières des mines (Gécamines), il se rappelle de son frère Kevin qui, à la suite des travaux lourds dans les mines, est décédé tragiquement en 2020. « Il est mort en vomissant du sang », a-t-il raconté avec des larmes au coin de l’œil, tout en appelant l’État congolais à donner de l’emploi aux parents pour leur sortir de ce « ténèbres ».
Ce témoignage poignant rappelle la nécessité de mettre fin au travail des enfants dans les mines, a déclaré Kalonji, un des responsables du comité local des creuseurs artisanaux ; même si pour lui, « les parents n’ont pas le choix ».
Outre les dangers sur le plan sanitaire, Nathan, l’un des enfants travaillant dans les sites miniers, a un rêve : devenir « chauffeur des poids lourds ». Cependant, à cause de son travail dans les mines, il risque de ne jamais le réaliser par manque de moyens financiers.
« Je veux être driver [ndlr. chauffeur] pour conduire les engins […] Ma mère n’a pas suffisamment des moyens pour me payer les études qu’il faut », a déclaré cet enfant de 14 ans qui espère ainsi quitter incessamment les mines afin de poursuivre son rêve.
À qui la faute ?
À kipushi, la vie est faite des choix. Cette femme d’une quarantaine d’années en a choisi un : celui de mettre contre son gré, la vie de ses enfants en danger. « Mon mari est devenu invalide à la suite d’un accident. Si je refuse de faire travailler mes enfants, la situation va s’empirer. Ils doivent tous faire quelque chose pour survivre », a révélé l’une des mères de ces enfants travailleurs.
Certains membres de la société civile locale estiment que la responsabilité revient aux parents, qui, à la recherche des profits, envoient leurs enfants dans l’exploitation minière artisanale. Mais, sur le banc des accusés, le gouvernement congolais est également logé.
« La faute est partagée. Je condamne plus les autorités, parce que ce sont elles qui doivent donner le travail aux parents afin de s’occuper de leurs enfants en les amenant à l’école. Les parents doivent s’organiser, doivent savoir où chercher pour occuper les enfants », a tranché, pour sa part, Isidore Mulangu, un jeune acteur politique de Kipushi.
D’autres habitants de Kipushi pensent qu’il ne faudrait pas condamner les parents quand certains enfants y vont de « leur plein gré » :« Ils sont habitués à y aller parce que c’est aussi une activité qui leur rapporte de l’argent. Quand vous les renvoyez, ils reviennent parce qu’il n’y a pas beaucoup d’autres activités où ils peuvent aller » a tranché Sébastien, un père de famille.
De son côté, le Conseil territorial de la jeunesse de Kipushi soutient que la faute ne revient ni aux parents ni aux autorités, car selon cette organisation, la plupart d’enfants sont en rupture familiale, de ce fait, « on ne sait pas à qui donner la faute », a dit un membre qui a requis l’anonymat.
« Nous sommes en train de travailler sur ça. D’ici là, on saura quoi faire pour évacuer tous ces enfants afin de leur donner des occupations. Nous sommes également en train de travailler sur les projets d’entrepreneuriat dans l’agriculture. Mais aussi, les microfinances pour que les jeunes arrivent à se prendre en charge, en éveillant aussi la conscience, parce que les enfants ne sont pas permis de travailler dans les carrières minières », a renseigné une autre source du Conseil territorial de la jeunesse.
« Les initiatives ne manquent pas »
Sur la tribune, place publique où stationnent les bus et taxis de transport en commun, des pancartes de sensibilisation sur les campagnes visant à « faire sortir tous les enfants des sites miniers » sont grandement visibles.
« Kipushi ina katala kazi ya watoto mu mingoti [ndlr. Kipushi dit non au travail des enfants dans les mines] » peut-on lire sur l’une des affiches à l’entrée de Kipushi, où plusieurs enfants s’adonnent à d’autres activités telles que la vente d’eau.
Dans l’ancienne cité de Kipushi, la Gécamines, la société civile, les associations et mouvements des jeunes ou encore les entreprises minières de la place ont tous, au moins, tenté de mettre fin au phénomène des enfants travaillant dans les mines. Cependant, ces efforts tardent à porter leurs fruits.
« Il faut monter des mécanismes avec les parents. On ne peut pas sortir les enfants dans les mines sans l’apport des parents. Il faut échanger avec eux, leur faire voir les dangers qui sont dans les carrières […] Il y a un groupe thématique des mines qui est en train de voir, cette année comment on peut arriver à sensibiliser, à réunir même les parents, créer des coopératives pour évacuer les enfants dans les mines », a souligné Godefroy Mayuki, un activiste de la société civile locale.
Pour Maître Joe, des initiatives ne manquent pas pour faire évacuer les enfants dans les mines, mais la grande difficulté rencontrée , c’est le manque de moyens. A en croire ses propos, si les gens se décidaient de prendre ces dispositions, il faut savoir où ces enfants seront amenés.